Aménagement urbain

Loi 122: zoom sur la question des référendums et des consultations publiques

Loi 122: zoom sur la question des référendums et des consultations publiques

En vigueur depuis juin 2017, la Loi 122 entraîne des changements législatifs qui ne font pas l’unanimité. La fin des référendums municipaux fait partie des préoccupations exprimées par nombre de citoyens. Le 28 novembre dernier à Montréal, le Centre d’écologie urbaine de Montréal a réuni trois experts et un conseiller municipal pour échanger sur ce point controversé et mal connu. 

D’une part, des citoyens et des groupes communautaires s’inquiètent de perdre le pouvoir décisionnel que leur donne le référendum, d’autre part, des élus souhaitent s’en exempter en adoptant une politique de consultation publique, tel que le permet la Loi 122.

Simon-Olivier Côté, Isabelle Boucher, Amélie Richard, Laurence Bherer

Qu’est-ce qu’un référendum ?

Le référendum, aussi appelé demande d'approbation référendaire, permet à des citoyens de s’opposer à un projet d’aménagement du territoire ou d’urbanisme. « C’est un processus décisionnel, c’est-à-dire que le résultat du vote est contraignant, explique Isabelle Boucher, urbaniste au ministère des Affaires municipales et de l'occupation du territoire. Les détracteurs du référendum, élus ou citoyens, soulignent toutefois que ce processus donne une voix prépondérante à un petit nombre de citoyens, qu’il favorise la manifestation du syndrome "Pas dans ma cour" et qu’il arrive trop tard dans le processus décisionnel. »

Isabelle Boucher, urbaniste, MAMOT

« On pense parfois que la consultation publique ralentit la réalisation des projets, mais dans certains cas, ça coûterait moins cher de faire les choses en incluant les citoyens dès le début, plutôt qu’à la fin, lorsqu’ils se manifestent par référendum. » Isabelle Boucher, urbaniste au MAMOT

La loi 122 n’abolit pas l’approbation référendaire

Contrairement à ce qu’on a souvent lu ou entendu, la Loi 122 n’abolit pas l’approbation référendaire. La version actuelle contient l’amendement suivant :

« Toute municipalité peut être exemptée de l’approbation référendaire en urbanisme à la condition d’avoir adopté une politique de participation publique conforme aux exigences prévues dans un règlement ministériel. » MAMOT

« Dans les faits, on ne sait pas combien de municipalités vont choisir de se doter d’une telle politique, souligne Laurence Bherer, professeure agrégée au Département de science politique de l’Université de Montréal. C’est une transition importante, car elle implique de passer d’un contexte très technique, très juridique, à un contexte participatif plus ouvert. »

Crédit photo : Arrondissement de Verdun

L’urbanisme participatif : des règles à respecter et des comptes à rendre

Le projet de règlement, basé sur les recommandations d’un groupe de travail, tient compte des règles de l’art en matière de démocratie, explique Isabelle Boucher: « La consultation doit être transparente et se faire en amont afin de donner aux citoyens une réelle capacité d’influence,précise-t-elle. Les informations diffusées doivent être complètes et compréhensibles, contrairement aux avis publics opaques actuels qui n’incitent aucunement les citoyens à se manifester en cas de changement de zonage, par exemple. »

« C’est beau de faire de la participation publique, mais, à la fin du processus, les élus doivent rendre des comptes aux citoyens et leur dire :  - Voici les commentaires que j’ai reçus et voici ce que j’en ai fait -. » Isabelle Boucher

Crédit photo : Arrondissement de Verdun

Le savoir citoyen

Les atouts de l’urbanisme participatif sont nombreux pour les communautés locales, selon Amélie Richard, organisatrice communautaire à la Direction de santé publique du CIUSSS de Laval. « Qu’il s’agisse de logement social ou de verdissement, par exemple, l’urbanisme participatif permet aux citoyens de documenter leurs besoins, de mettre de l’avant leur savoir expérientiel et de voir aboutir des projets qui ont du sens pour eux, dit-elle. La consultation leur donne aussi accès au savoir urbanistique. C’est une occasion remarquable de partage de compétences. »

« En mettant les citoyens à contribution dès le début d’un projet et en se basant sur leurs besoins, on réalise des projets qui ont du sens pour eux. »  Amélie Richard, organisatrice communautaire à la DSP du CIUSSS de Laval

Crédit photo : Arrondissement de Verdun

Un marché qui s’ouvre, mais des normes non établies

Le cadre de référence du règlement sur la consultation publique encourage la formation des fonctionnaires municipaux. Toutes les municipalités qui vont choisir de se doter d’une telle politique ne seront toutefois pas en mesure de le faire et auront recours à des consultants externes pour la mettre au point : un élément à surveiller de près selon Laurence Bherer, car il n’existe pas de normes établies en la matière.

« Des joueurs vont vouloir entrer sur ce nouveau marché, sans nécessairement détenir une expérience du processus participatif. » Laurence Bherer, professeure agrégée au département de science politique de l’Université de Montréal.

La professeure met aussi en garde contre « l’effet de niche ». Elle explique que dans ce marché émergent, l’organisation ou l’entreprise qui obtient le premier contrat va souvent obtenir tous les autres. « Un tapissage de la même politique de participation dans plusieurs municipalités n’est pas souhaitable, soutient Laurence Bherer. Une approche personnalisée est essentielle, car on veut que le milieu s’approprie la politique. »

Simon-Olivier Côté, conseiller municipal, Saguenay

Une histoire d’amour…

« Mon histoire d’amour avec la démocratie participative a commencé il y a 16 ans quand le premier Forum social mondial a eu lieu à Porto Alegre, au Brésil, déclare d’emblée Simon-Olivier Côté, conseiller municipal indépendant récemment réélu dans le district 8 de Saguenay.

La Loi 122 ouvre une belle porte pour faire les choses de façon différente en agissant en amont des projets. » Simon-Olivier Côté, conseiller municipal à Saguenay

En 2014, au cours de son premier mandat, Simon-Olivier Côté a créé un conseil de district. « Ce conseil de district, composé d’environ 25 citoyens, a choisi de travailler sur le réaménagement de la Traverse du Coteau pour en faire un parcours de déplacement actif au centre-ville de Chicoutimi », explique le conseiller de district.

Traverse du Coteau, Saguenay

… et de contamination

La Traverse du Coteau est l’un des 12 projets d’urbanisme participatif coordonné par le Centre d’écologie urbaine de Montréal et soutenu par l’Agence de la santé publique du Canada dans le cadre du Projet réseau quartiers verts.

« Le CEUM a donné des outils aux citoyens et aux organismes locaux. Nous avons demandé à la direction de l’urbanisme de s’impliquer et ça a fonctionné ! » se réjouit Simon-Olivier Côté. En effet, un ingénieur, un architecte-paysagiste et un urbaniste ont travaillé sur ce projet de façon participative, grâce à une formation dispensée par le CEUM.

Traverse du Coteau, Saguenay

« Ce modèle hybride, qui combine le recours à un consultant externe et la formation des fonctionnaires, s’est révélé très pertinent pour ce projet, explique le conseiller de district. De plus, les fonctionnaires sensibilisés peuvent maintenant détecter les dossiers qui se prêtent bien à ce type de démarche. Bref, nous avons contaminé la municipalité ! »

Des désaccords

Quelques personnes dans la salle ont fait part de leur inquiétude concernant le retrait de l’approbation référendaire et la politique de consultation publique.

Dr Louis Drouin, DSP Montréal

« Si on remplace le référendum par la consultation publique, on enlève aux citoyens leur pouvoir décisionnel, s’inquiète le Dr Louis Drouin, responsable du secteur Environnement urbain et santé à la Direction de santé publique de Montréal. Qui va prendre la décision ultimement et dans quel contexte si un promoteur pousse en arrière ? »

« Il y a en effet un risque que la démocratie participative devienne une "machine à dire oui", souligne Laurence Bherer. Pour éviter ce piège, il faut établir des balises, et permettre aux citoyens de s’approprier ce processus, qui, à la base, est conçu pour leur donner un réel pouvoir d’influence. »

Crédit photo : Arrondissement de Verdun

« Les municipalités vont devoir être très convaincantes pour que leurs citoyens acceptent de troquer le référendum contre la consultation publique. Elles vont devoir leur offrir une réelle transparence et une réelle capacité d’influence. » Laurence Bherer

« Il existait déjà un devoir de consulter la population dans la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, mais les municipalités ne le faisaient pas, lance un autre participant qui a longtemps travaillé dans le milieu municipal. Soyons méfiants, on risque de perdre la dernière carte qui incite les citoyens à se mobiliser pour défendre leurs intérêts. »

Crédit photo : Arrondissement de Verdun

Dans l’air du temps

Selon Simon-Olivier Côté, l’urbanisme participatif est inévitable. Un point sur lequel Véronique Fournier, directrice générale du CEUM, est d’accord. « Le "Nouvel agenda urbain" adopté par l’ONU en octobre 2016 mentionne clairement l’importance d’une gouvernance participative pour assurer un avenir durable des villes et des collectivités », rappelle-t-elle.

Note. Le règlement ministériel sur la participation publique a été déposé, mais, en date du  8 décembre, n'a pas encore été adopté par l'Assemblée nationale.

Pour en savoir plus :

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