Mobilité durable

Mobilité active à Granby: entrevue avec Pascal Bonin, un maire qui pédale vers l’avenir

Réseau cyclable, infrastructures pour favoriser la mobilité active, programme de vélos subventionnés, la Ville de Granby, en Montérégie, roule vers un monde plus durable en incitant les citoyens à privilégier d’autres moyens de transport que la voiture individuelle. Entrevue avec un maire engagé qui travaille pour la santé et l’avenir de sa communauté.

Pascal Bonin Granby

100°. Monsieur Bonin, je sais que vous êtes un adepte de vélo. Mais pour vous, le vélo représente beaucoup plus qu’un loisir, n’est-ce pas ?  

Pascal Bonin. Le vélo est encore souvent considéré comme un empiétement à l’automobile ou une confrontation à l’automobile, mais on sait qu’on doit aller vers d’autres moyens de déplacement. Depuis 100 ans, les villes se sont bâties en fonction du pétrole et en fonction de l’automobile, mais tout le monde est d’accord pour dire que de rajouter des voies, de rajouter des ponts, de rajouter des infrastructures routières dédiées aux automobilistes, ça ne va nulle part. Nous sommes arrivés à la fin du cycle. Si on prend l’exemple de la Californie, 2 voies, 4 voies, 8 voies, 16 voies, 32 voies... on peut mettre 64 voies et on va arriver à la même équation. On pensait que les voitures électriques viendraient comme par magie solutionner tous les problèmes, mais ça ne règle pas le problème de l’espace qui est occupé par la voiture.

Vous êtes maire de Granby depuis 2013. La mobilité active faisait-elle partie de vos engagements dès votre premier mandat ?

À Granby, on a à peu près 100 kilomètres de réseau cyclable primaire avec l’Estriade et la Montérégiade qui passent sur les anciennes voies de chemin de fer. Et dès mon premier mandat, on a pris la décision d’élaborer un réseau secondaire avec un objectif bien précis, soit d’avoir une piste cyclable à proximité de chaque maison, à une distance d’un demi-kilomètre ou moins. Toutes les grandes villes cyclables le disent : le mot d’ordre, c’est « infrastructure ». Si vous faites des aménagements temporaires et insuffisants, ça ne marchera pas. Donc nous, en 2013, on a vraiment commencé à entrer dans les quartiers résidentiels et à imposer des pistes cyclables. Je dis imposer, parce qu’on a une population plus âgée qui ne voulait rien savoir d’une piste cyclable près de chez eux. C’est vraiment une question générationnelle. Mais le conseil municipal n’a jamais reculé et aujourd’hui on n’a plus à se battre. On a gagné notre point. Beaucoup de villes traversent actuellement le chemin qu’on a franchi il y a quelques années.

transport actif Granby

Actuellement quelles sont vos priorités en aménagement cyclable ?

Beaucoup de choses ont été faites, mais on continue à évoluer dans cette voie-là. L’année dernière, dans les secteurs très denses, à proximité des écoles, on a entrepris de retirer les deux trottoirs pour aménager une piste multifonctionnelle. C’est très novateur, car on est la seule municipalité à aller aussi loin. Notre premier but, c’est d’encourager la mobilité active des enfants vers l’école. Pour que les enfants se rendent à l’école à pied ou en vélo, il faut que les parents sentent qu’ils sont en sécurité. C’est pourquoi on aménage des pistes protégées avec des bordures de béton. C’est plus coûteux, mais très sécuritaire.

L’année prochaine, on s’apprête également à refaire tout le centre-ville en trois phases. Il y aura une piste cyclable sur la rue principale, à la demande des citoyens. On met les sommes nécessaires pour que ça fonctionne. On le sait, les infrastructures coûtent de plus en plus cher, mais ce n’est pas une raison pour couper les projets. Au contraire. Quand on fait un aménagement permanent et sécuritaire, les gens l’utilisent. Les villes comme la nôtre qui investissent dans la mobilité active seront très gagnantes dans dix, quinze ou vingt ans.

Les Granbyens peuvent entre autres recevoir une aide financière à l’achat d’un vélo. Est-ce un programme qui a du succès ?

Actuellement, on doit être à 1 000 vélos subventionnés sur 70 000 habitants, c’est énorme ! Le programme initié l’année dernière se poursuit cette année. Concrètement, la Ville remet 50 $ à chaque citoyen pour un vélo neuf, 100 $ pour un vélo électrique, parce qu’on sait qu’actuellement près d’un vélo vendu sur deux est électrique, et 75 $ pour un vélo usagé refait à neuf par Écolo-Vélo du Cœur, un organisme en réinsertion sociale. Pour moi, c’était important de rejoindre les familles qui n’ont pas les moyens d’avoir un vélo. Avec ce programme, elles peuvent se procurer trois vélos à 75 $ chez Écolo-Vélo du Cœur pour pas un sou. On veut ainsi permettre aux enfants de familles à faible revenu de se déplacer pour participer davantage à des activités. C’est un programme avec des impacts très positifs au niveau communautaire qui représente une somme mineure pour une ville.

En matière de mobilité, on peut dire que Granby est une ville précurseure ?

Granby a longtemps été une ville traditionaliste, ancrée dans ses habitudes. En 2013, les électeurs ont choisi comme maire quelqu’un de très peu orthodoxe, mais surtout d’une autre tranche d’âge. Ils m’ont donné une chance et à 40 ans, je devenais le plus jeune maire de l’histoire de la ville ! On s’est donné la mission d’être une ville verte et on a mis en place plusieurs projets novateurs avec des objectifs très concrets. En 2019, on se retrouve avec une population qui est probablement l’une des plus ouvertes et des plus dynamiques au Québec. Si on regarde le compostage, le taux de succès dépasse 80 %. C’est impressionnant ! On est en train d’évoluer, mais tous ensemble, le conseil de ville et la population, avec le même but et dans la même direction. Et aujourd’hui, les gens s’installent ici parce qu’ils retrouvent tous les services d’une grande municipalité avec une qualité de vie qu’ils ne retrouveront jamais dans les grandes villes.

transport actif Granby

Quels sont vos projets pour les prochaines années ?

Il y a un an et demi, j’ai commencé à envisager un troisième mandat à la mairie. J’ai relancé la machine pour qu’on réfléchisse à notre municipalité dans le futur. Six grands projets porteurs sont issus de cette réflexion, dont le projet « Une famille, une auto » qui est vraiment unique au Québec. L’approche est environnementaliste, mais le fondement est très communautaire. Plutôt que d’avoir deux voitures dans leur cour, on vise à ce que les familles n’aient qu’une seule voiture, ce qui voudrait dire une économie de 10 000 $ par famille, et ainsi plus d’argent pour d’autres activités. Le but est d’assurer un meilleur environnement tout en créant de la richesse. En combinant ce programme avec notre réseau cyclable à proximité de chaque maison, on veut donner le choix aux citoyens. Bref, on est vraiment à concevoir de nouvelles façons d’influencer les déplacements dans une ville.

Quand on regarde la situation actuelle et ce qui va se passer dans le futur, par exemple le fait que le nombre de voitures continue à augmenter et que l’urbanisation va se poursuivre, on se rend bien compte qu’on ne peut pas continuer comme on le fait depuis 100 ans. On s’en va vers un échec total et d’énormes frustrations pour tout le monde. Les villes qui ont de l’avenir sont celles qui tentent de régler les problèmes avant qu’ils se présentent. Nous, non seulement on réfléchit, mais on a un plan d’action.

Quand on parle de mobilité, est-ce qu’il y a des enjeux particulièrement complexes pour les villes comme Granby ?

Dans la mobilité, il y a le transport en commun. Au Québec, on a annoncé le prolongement du métro à Montréal et le troisième lien à Québec. Mais une des problématiques actuellement, c’est le transport en commun dans les villes régionales où la densité de population ne permet pas d’implanter un réseau de transport en commun d’envergure. À Granby, on tente entre autres de voir de quelle façon on pourrait mieux desservir le parc industriel. C’est un gros défi et le transport en commun fait assurément vraiment partie des enjeux sur lesquels on doit se pencher. Le système de financement actuel ne favorise pas la réalisation de projets de transport en commun à l’extérieur des grandes métropoles canadiennes. Il va falloir trouver des mécanismes pour les villes plus petites comme les nôtres.

Pascal Bonin Granby

En tant que maire, croyez-vous qu’on peut changer les choses en agissant au niveau des villes ?

Je trouve qu’à la mairie, on a des opportunités incroyables de changer la vie des gens. On a cette opportunité-là, mais il faut vraiment avoir une vision qui va au-delà de la prochaine élection. Moi, je n’ai jamais voulu être piégé par des promesses qui m’auraient empêché de prendre les meilleures décisions pour la population. Comme maire, je me considère avant tout comme un citoyen et j’essaie de travailler en collaboration plutôt qu’en affrontement. On tient de nombreuses séances d’information, on a un site Internet avec les données en temps réel et je mise sur la franchise. Un moment donné, il y a une confiance qui se crée et les objectifs deviennent communs. C’est le cas à Granby. Il y a une relation entre la mairie, le conseil municipal et la population qui est basée sur le respect. Je me sens très redevable envers les citoyens et en échange, ils me font sentir que je fais bien mon travail.

* Cet article a été publié en partenariat avec le groupe de travail sur la promotion du plein air au Québec, qui relève d'un comité de la Table sur le mode de vie physiquement actif.

Crédits photos: Ville de Granby

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