Agriculture urbaine

Crise sanitaire: Montréal mise plus que jamais sur l’agriculture urbaine

Crise sanitaire: Montréal mise plus que jamais sur l’agriculture urbaine

Le 30 mars, la Ville de Montréal annonçait, à la satisfaction de nombreux citoyens, la réouverture graduelle des jardins communautaires après avoir reçu un avis favorable de la Directrice régionale de santé publique, bien sûr accompagné de nombreuses consignes sanitaires.

Cette décision, attendue et espérée par de nombreux jardiniers, s’inscrit : « dans un ensemble de mesures mises en place pour améliorer la sécurité alimentaire sur le territoire montréalais », nous indique le communiqué de la Ville. Une déclaration forte dont s’est tout particulièrement réjoui Jean-Philippe Vermette, directeur-intervention et politiques publiques au Laboratoire sur l’agriculture urbaine (AU/LAB).

« Cette prise de position, c’est du jamais vu ! Jusqu’à présent, pour la Ville, les jardins communautaires, c’était un loisir, un lieu de rencontre, de socialisation, d’animation. Et là, d’un seul coup, on reconnaît que l’agriculture urbaine contribue de manière significative à un apport en fruits et légumes frais, notamment pour les personnes les plus vulnérables. C’est majeur ! Clairement, il y avait l’avant-COVID-19 et maintenant, il y aura l’après-COVID-19. » - Jean-Philippe Vermettte

Changement de statut

Certes, dès le début de la crise sanitaire, on a vite soulevé la possibilité que la chaîne de distribution alimentaire soit perturbée. Tout à coup, notre dépendance est devenue si évidente que l’autonomie alimentaire s’est retrouvée sur la liste de nos principales préoccupations. Or, il s’agit d’une prise de conscience circonstancielle. On serait donc en droit de se demander, lorsque la pandémie aura pris fin, si ces enjeux de sécurité alimentaire vont demeurer prioritaires.

Jean-Philippe Vermette est convaincu que la reconnaissance du rôle que peut jouer l’agriculture urbaine est désormais acquise et qu’il n’y aura pas de retour en arrière. « Ce n’était qu’une question de temps, explique-t-il. À la ville comme au gouvernement, la graine était déjà plantée. La COVID-19 n’a fait qu’accélérer les choses. Il aurait simplement fallu encore quelques années pour en arriver là où, tout à coup, on se retrouve aujourd’hui. »

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Champs de… compétences

La patience est assurément l’une des vertus cardinales que tout bon jardinier doit cultiver. Mais comment expliquer que les autorités publiques aient pris tout ce temps pour reconnaître les mérites d’une pratique pourtant déjà bien implantée dans plusieurs milieux urbains ? Jean-Philippe Vermette répond par un mot : inertie.

« Le problème, sans jeu de mots, ce sont les champs de compétences, précise-t-il. Qui est responsable de l’agriculture urbaine ? Difficile de trancher quand, dans une même expression, on a le mot "agriculture", qui relève du fédéral et du provincial, et le mot "urbaine", qui est bien sûr une responsabilité municipale. »

« Or, selon moi, enchaîne Jean-Philippe Vermette, l’aspect "urbain" l’emporte sur le côté "agriculture". Sans rien enlever aux compétences fédérales et provinciales, c’est la ville qui en principe détient le plus de responsabilités, que l’on pense aux enjeux qui touchent à l’urbanisme, l’économie, la pauvreté, la sécurité alimentaire, le développement social, l’approvisionnement en eau, la gestion des déchets… Durant toutes ces années, on a trop placé l’accent sur le côté agriculture et pas assez sur la composante urbaine, une critique que je m’adresse d’ailleurs à moi-même. C’est une ambiguïté qui n’a pas aidé les municipalités à développer leur leadership. »

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Une crise révélatrice

Bien que Jean-Philippe Vermette salue l’annonce de la réouverture des jardins communautaires, il demeure cependant soucieux. Notamment en ce qui concerne l’applicabilité des mesures strictes d’hygiène et de distanciation physique. Parce que le modèle actuel est très décentralisé et la chaîne de commandement est très compliquée. En l’occurrence, les recommandations sont émises par l’Institut national de santé publique du Québec, puis elles passent par la Directrice régionale de santé publique, ensuite la Ville-Centre, les arrondissements et, enfin, elles aboutissent aux comités de jardins à qui revient la responsabilité de les appliquer.

« Évidemment, je ne blâme personne, parce que, dans les circonstances, tout le monde fait de son mieux. Les fonctionnaires, à la ville comme au gouvernement, ont tous travaillé très fort, et surtout dans le même sens, pour élaborer le "comment" de la réouverture. Mais, pour l’instant, bien des questions demeurent sans réponse. Je crains que, à cause des nombreuses contraintes d’ordre sanitaire, plusieurs parcelles restent en friche parce que leurs détenteurs vont baisser les bras. Or, le modèle actuel ne permet pas de les attribuer à d’autres jardiniers capables de relever le défi. »

« Nous aurons sans doute besoin de réfléchir sur le fonctionnement du modèle actuel dont certains aspects doivent être revus, poursuit Jean-Philippe Vermette. Car la crise a aussi le mérite de révéler certaines incohérences. Le fait, par exemple, de pouvoir détenir une parcelle pour la vie; ce qui pose le problème de l’extension de la propriété privée dans l’espace public. Mais, cela dit, c’est un beau et un bon programme ! Il est tout simplement appelé à évoluer. »

La sécurité alimentaire au menu

Dans la foulée de la réouverture des jardins communautaires, la Ville de Montréal a fait l’annonce de plusieurs mesures pour améliorer la sécurité alimentaire. Entre autres, sa collaboration avec le Jardin botanique | Espace pour la vie afin qu’il double sa surface de production de plantes potagères remises habituellement à des organismes communautaires.

Le Jardin botanique va de plus mettre en ligne des capsules vidéo pour offrir des conseils aux personnes qui souhaitent démarrer et entretenir un potager, mais aussi aux habitués qui veulent obtenir des conseils d’experts. L’organisme Cultiver Montréal, qui reçoit un soutien financier de la Ville, va aussi mettre en ligne ses contenus prévus pour ses ateliers et formations qui devaient se tenir dans le cadre du Festival Cultiver Montréal. De plus, l’organisme va offrir un service de livraison à domicile dans une dizaine d’arrondissements pour, entre autres, permettre à la population d’obtenir des semis de plantes variées.

Et signe que les temps ont vraiment changé, l’administration Plante entend dévoiler une vision intégrée de l’agriculture sur son territoire au cours de la prochaine année ! Il ne fait plus de doute : l’agriculture urbaine est désormais l’un des champs de compétences municipales !

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