Agriculture urbaine

Agriculture urbaine : une ferme maraîchère dans le Vieux-Port de Québec

Agriculture urbaine : une ferme maraîchère dans le Vieux-Port de Québec

Les habitués du Vieux-Port de Québec ont assisté à toute une métamorphose cet été, avec l’implantation d’un ambitieux projet d’agriculture urbaine : une ferme maraîchère sur le site de l’ancien marché…

Référence incontournable en matière d’aménagements comestibles, les Urbainculteurs ont fait la preuve, cet été, qu’en faisant pousser des légumes en ville, on peut non seulement redonner une nouvelle vie à des sites désaffectés, mais aussi retisser des liens de solidarité dans une communauté. Mais avant d’y parvenir, ils ont dû relever plusieurs défis et faire preuve de patience.

En effet, depuis 2016, les Urbainculteurs étaient à la recherche d’un endroit où planter leur propre jardin. Car cet OBNL, cofondé en 2009 par Marie Eisenman et Francis Deneault, était né dans la foulée de l’aménagement d’un jardin expérimental sur le toit de l’édifice qui abritait l’organisme Lauberivière. Mais huit ans plus tard, en raison de travaux de rénovation, les Urbainculteurs ont dû démanteler ce jardin suspendu qui avait été leur berceau.

Pendant huit ans, c’est donc un organisme qui vient en aide aux personnes itinérantes, Lauberivière, qui a profité des récoltes que leur donnaient les Urbainculteurs. Mais soudain, ironie du sort, eux-mêmes se sont retrouvés sans lieu fixe. Jusqu’à ce que la dalle de béton, sur laquelle avait été érigé le marché du Vieux-Port, se libère. Un endroit justement idéal pour des spécialistes en aménagement de jardins urbains où on ne trouve pas de terre arable !

Propager l’agriculture urbaine

« À la base, notre OBNL a toujours eu le souci de réaliser des projets qui redonnent à la communauté, explique Johann Girault, directeur général des Urbainculteurs. Or, pour financer nos actions, nous avons mis notre expertise au service d’entreprises désireuses, par exemple, de posséder leur propre jardin, d’aménager une terrasse comestible. Ou même de végétaliser un toit de restaurant afin de faire pousser des légumes pour les servir aux clients. De fil en aiguille, tout en faisant la promotion de l’agriculture urbaine, on s’est fait connaître et même reconnaître. En 2013, le projet de l’Assemblée nationale nous a permis de marquer un grand coup et de mettre l’agriculture urbaine au goût du jour. »

« Mais en parallèle, nous confie Johann Girault, on caressait toujours le rêve de réaliser des projets capables de produire un volume significatif de nourriture. De littéralement créer une ferme urbaine, sociale et pédagogique. Dont les récoltes vont aux gens qui en ont le plus besoin. Mais aussi, faire participer, aux travaux d’entretien, des gens qui souhaitent développer leur autonomie horticole. Et contribuer à briser l’isolement par la réinsertion sociale ou encore favoriser la mixité par l’intégration des différentes communautés culturelles. »

Contre vents et inondations

Par delà les valeurs qui les rassemblent en une équipe tissée serrée, les Urbainculteurs se distinguent par cette capacité de mettre à contribution leurs différents talents au service de l’équipe.

« Chacun possède son champ d’expertise, explique Audrick McManiman, mais doit aussi faire preuve de polyvalence. Moi, je suis travailleur social de formation, mais, ce printemps, je suis devenu menuisier à 90 % de mon temps. Parce que les besoins étaient là. Il fallait construire 20 bacs de 3 pieds de large par 50 pieds de long. Et j’ai déjà une bonne idée de mon emploi du temps le printemps prochain, parce que l’on va en ajouter 16 autres. Et la même chose en 2022. »

Il faut dire que cette première saison d’activités de la ferme maraîchère a dépassé les attentes, en dépit des difficultés liées à la pandémie. « Initialement, le calendrier de production était planifié pour débuter à la fin avril, raconte Marie-Andrée Asselin, responsable horticole, et qui est aussi formatrice, conférencière, animatrice… Mais à cause des contraintes sanitaires, on a commencé les plantations seulement le 30 juin. Si bien qu’on a dû mettre de côté toutes les cultures printanières, comme les oignons et les épinards. »

Un démarrage très tardif, qui aurait pu compromettre une bonne partie de la récolte. « Mais comme il s’agit d’un projet pilote, explique Marie-Andrée, on s’est dit qu’il fallait de toute manière tenter des expériences. Même s’il était déjà un peu tard pour les tomates, les aubergines, les choux de Bruxelles… Et on a bien fait d’oser, parce que cette dalle de béton, c’est un magnifique îlot de chaleur, totalement exposé au Soleil. Et ça, nos légumes, ils l’ont apprécié. Tout a littéralement explosé. Ç’a été une belle surprise ! »

Cette première saison d’expérimentation leur a donc permis d’en apprendre davantage sur les caractéristiques du milieu. Ainsi, malgré plusieurs orages éclairs, ils ont constaté que le drainage de l’eau s’effectuait très bien et que leurs bacs étaient capables d’encaisser le choc. Toutefois, l’endroit est très venteux, ce qui implique d’opter pour des plantations plus compactes, qui poussent moins en hauteur. Comme le dit joliment Marie-Andrée : « notre tuteurage a vécu des émotions cet été… ».

Ancré dans la communauté

Un tel projet serait difficilement réalisable sans la contribution des citoyens. En effet, deux fois par semaine, de 5 à 10 bénévoles, sous la supervision d’Urbainculteurs, s’affairent à l’entretien du jardin quand ils ne s’adonnent pas à une corvée de récolte. Et toute cette production, sans intrants chimiques ni engrais de synthèse, est vendue à des marchés solidaires, mais à des prix justes, en deçà de ceux du marché.

Les jardins du Bassin Louise ont donc fait bien plus que de transformer un îlot de chaleur en oasis de verdure. Car ce nouvel écosystème en train de prendre racine, c’est aussi un lieu de rencontre et d’échange, pour les bénévoles, mais aussi pour tous les membres de la communauté. « Quand je ne suis pas menuisier, ma tâche première est d’être un horticulteur social, raconte Audrick. Parce que le but des Urbainculteurs, ce n’est pas juste de redistribuer des légumes, mais c’est aussi de retisser les liens sociaux. »

« Une partie de mon travail, poursuit-il, c’est de trouver des partenaires dans le communautaire. Par exemple des organismes qui travaillent auprès de nouveaux arrivants ou qui offrent de l’aide aux personnes ayant des problèmes de santé mentale. Et c’est aussi d’animer le lieu pour susciter de belles rencontres, créer de la mixité. Par exemple organiser des rencontres avec des enfants et des personnes du troisième âge. »

Et de renchérir Marie-Andrée : « Le jardin, ça va au-delà de la bouffe. Il y a toute une dimension sociale à ça. Et maintenant que la saison tire à sa fin, on peut se dire mission accomplie! Et surtout se réjouir de savoir que notre rêve est devenu réalité. »

Pionniers de l’agriculture urbaine

Bon an mal an, l’OBNL Les Urbainculteurs réalise en moyenne de 40 à 50 projets dans la région de la Capitale-Nationale. Certains sont clés en main : conception, réalisation, entretien, récolte, jusqu’à l’entreposage dans le frigo des employés. Alors que d’autres, qui sont réalisés en collaboration avec les organismes ou les entreprises, ne demandent que de l’entretien dirigé. Et à cela, parfois, peut s’ajouter de l’animation horticole.

En effet, le second volet de leurs activités est consacré à l’éducation et à la sensibilisation en matière d’agriculture urbaine par le truchement de conférences, de formations, d’animations et même d’un podcast, le Mâche-patate qui est entre autres coanimé par Marie-Andrée Asselin.

Enfin, avec leur boutique en ligne, les Urbainculteurs offrent un éventail complet de produits horticoles adaptés au milieu urbain, des graines jusqu’aux fameux Smart Pots.

Le saviez-vous ?

Au départ, ces contenants géotextiles étaient utilisés par les pépinières pour faire pousser des arbres. Mis au point en 1984, ils s’avèrent en effet excellents pour le développement des systèmes racinaires. Or, c’est durant leurs premières années d’expérimentation sur le toit de Lauberivière, que Marie Eisenman et Francis Deneault ont eu l’idée de les utiliser dans un contexte d’agriculture urbaine. Et, c’est avec l’aval du fabricant qu’ils ont été commercialisés sous le nom de Smart Pots. Une idée bien de chez nous et qui a révolutionné le jardinage urbain.

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