J’ai eu le grand plaisir de participer au 10e forum du Réseau pour une alimentation durable, qui a réuni des gens voués corps et âme à la cause de l’alimentation saine pour tous et des systèmes alimentaires équitables et durables.
Intitulé La tablée des idées, cet événement d’envergure a eu lieu du 1er au 4 novembre et a réuni 700 personnes venues de tous les coins du Canada. Ce forum s’est déroulé à l’Université Concordia, dont la coalition alimentaire est reconnue pour son engagement et ses actions en faveur d’un système alimentaire sain, équitable et durable.
Je me suis particulièrement intéressée aux initiatives d’éducation à l’alimentation en milieu scolaire et d’agriculture urbaine comme outil d’inclusion sociale menées hors Québec.
À quand un programme universel de repas scolaires au Canada ?
Rhea Good est une ex-enseignante saskatchewanaise qui a eu à la fois un coup de cœur lorsqu’elle est allée en Finlande en 2014 (photo ci-dessous). « Les jeunes Finlandais profitent d’un programme universel de repas scolaires gratuits, sains, savoureux et servis dans des lieux agréables, a-t-elle expliqué. Il est plus que temps que le Canada suive ce modèle, qui tombe sous le sens lorsqu’on veut favoriser la santé des jeunes. »
Voilà pourquoi Rhea Good a fondé l’organisme Pilot Project for Universal Lunches in Schools (PPULS) dont la mission est de lancer, à court terme, un projet pilote de repas scolaires gratuits et sains en Saskatchewan, pour ensuite étendre ce modèle à l’ensemble du Canada. J’ai aimé sa façon humoristique et corrosive de pointer, entre autres incohérences, les campagnes de financement scolaires basées sur la vente de bonbons ou encore les tournois sportifs locaux où l’on sert des hot-dogs, des croustilles et des beignes.
Et, tout comme les autres intervenants présents, elle considère que ce qui manque le plus pour encourager les élèves à manger des aliments frais et sains, ce sont des occasions d’avoir les mains dans la terre pour savoir et comprendre d’où viennent ces aliments. Heureusement, des organismes s’activent partout au Canada pour combler cette lacune.
Whitehorse : faire l’école à la ferme, une journée par année
Par exemple, le programme Kids on the Farm à Whitehorse, au Yukon a été mis sur pied par le Growers of Organic Food Yukon. Financé par le Partenariat canadien pour l’agriculture et le ministère de l’Éducation du Yukon, ce programme permet aux enfants de la maternelle à la 12e année de passer une journée à la ferme. « Ces visites, qui sont taillées sur mesure pour chaque niveau, allient le plaisir à l’amélioration de la littératie alimentaire, tout en favorisant une réflexion sur les enjeux plus larges du système alimentaire », a déclaré Sarah Ouellette, la coordonnatrice du programme Kids on the Farm. Depuis 2013, plus de 3500 écoliers ont participé à 173 visites qui ont enchanté tant les jeunes que les enseignants et les fermiers. Pas mal pour une petite communauté !
Dans les grandes villes aussi, des organismes s’activent pour que les élèves aient accès à des jardins potagers.
Toronto : faire l’école au jardin, une fois par semaine
Ainsi, Green Thumbs Growings Kids, œuvre actuellement dans 5 écoles situées dans des secteurs défavorisés de Toronto, en collaboration avec la commission scolaire. « Les légumes des potagers sont utilisés au cours des ateliers culinaires et intégrés dans les dîners servis aux écoliers, et, en été, sont distribués dans la communauté », a expliqué SundayHarrison la fondatrice et la directrice de l’organisme.
Les activités offertes par Green Thumbs ciblent les jeunes de la maternelle à la 8e année et visent l'augmentation de leur consommation de fruits et légumes ainsi que l'amélioration de leur littératie alimentaire. « Des bénévoles et des élèves d’écoles secondaires nous donnent un coup de main au cours de l’année scolaire, ce qui nous permet d’avoir un bon ratio enfant/adulte durant les activités », a souligné Sunday Harrison, très fière de préciser que deux des jardins scolaires coordonnés Green Thumbs sont certifiés Ecocert.
Si le jardinage est bon moyen de connecter les élèves au cycle des aliments, l’agriculture urbaine s'avère un très bon outil pour accompagner les jeunes adultes dont l’horizon professionnel est incertain.
Saskatoon : un site désaffecté devient un grand jardin
Michelle Zinck, une jeune Déné, a présenté le projet d’agriculture urbaine Askîy Project, mis sur pied en 2015 par l’organisme communautaire Chep Good Food, situé à Saskatoon. « Le principal lieu de production est un site industriel désaffecté sur lequel sont installés plus de 400 bacs de jardinage, a expliqué Michelle Zinck. Grâce à la collaboration de producteurs locaux et d’organismes communautaires, de jeunes stagiaires, autochtones ou non, ont l’occasion d’apprendre à jardiner, de créer des liens et d’améliorer leur estime d’eux-mêmes. »
[embed_vimeo vimeo_id="172503565"]
Ce grand jardin, qui accueille des ateliers éducatifs et des visites de groupes, intègre aussi la culture amérindienne, par exemple, la roue de médecine et certaines plantes sacrées comme la sauge, le cèdre et le foin d’odeur. À la fin de son stage, Michelle Zinck a reçu une petite subvention qui lui a permis de transmettre ses acquis à sa communauté, située dans le nord de la Saskatchewan, et d’animer un atelier d’une journée sur le séchage et le fumage du poisson.
En Ontario, on met également l’accent sur l’agriculture urbaine pour former de jeunes adultes.
Thunder Bay : employabilité et agriculture urbaine
L’organisme Roots to Harvest, situé à Thunder Bay, en Ontario, a été créé en 2012 et a depuis mis sur pied de nombreuses initiatives de jardins et d’ateliers culinaires dans des écoles secondaires. Depuis 2016, Roots to Harvest offre également un programme rémunéré destiné aux jeunes de 18 à 30 ans qui éprouvent de la difficulté à se trouver un emploi.
Cette formation de 5 mois leur permet de développer leur employabilité et leurs connaissances en horticulture. « Nos jardins ne sont pas clôturés, parce que nous voulons que les membres de la communauté puissent les découvrir et s’y promener et que les jeunes s’approprient ces espaces », a indiqué, Erin Beagle, la directrice de Roots to Harvest.
Le désir de s’ouvrir sur la communauté, plutôt que de fermer un jardin par crainte du vandalisme, fait également partie de la philosophie d’un projet de ferme urbaine à Sudbury.
Sudbury : prendre soin de soi en prenant soin du vivant
Joseph Leblanc, membre de la Première Nation de Wiikwemkoong, a présenté la Flour Mill Community Farm, mise sur pied par le Conseil de planification sociale de Sudbury, dont il a été jusqu’à récemment le directeur général. Inaugurée en 2016, cette ferme urbaine, inspirée de celle de Thunder Bay, est située dans un secteur défavorisé de la municipalité. Les jeunes en difficulté y suivent des stages rémunérés.
« Prendre soin de quelque chose de vivant et gérer le marché hebdomadaire font partie des tâches qui aident les jeunes à se responsabiliser, à tisser des liens et à se sentir mieux dans leur peau, a expliqué Joseph Leblanc. De plus, ce stage leur donne une référence de travail, un élément crucial dans la recherche d’un emploi. »
Comme la ferme n’est pas clôturée. Les plus jeunes la traversent en allant à l’école et y prennent une pause en revenant à la maison. « Nous devons être ouverts sur la vie de la communauté pour établir des liens de confiance et de coopération significatifs », a souligné Joseph Leblanc.
Le pouvoir de la terre et des aliments
Je lève mon chapeau à tous les organismes qui, partout au Canada, agissent chaque jour pour que des élèves, et de jeunes adultes vivent des expériences fructueuses sur le plan humain et sur le plan éducatif à travers le jardinage et l’agriculture urbaine.
Je leur souhaite plus particulièrement de passer moins de temps à chercher des subventions… et plus de temps à multiplier leurs lieux d’intervention et maximiser les impacts de leurs projets, sans avoir à se demander s’ils seront financés l’année suivante.