Santé environnementale

Ruelles bleues-vertes: rétablir le cycle naturel de l'eau pour améliorer les milieux de vie

Ruelles bleues-vertes: rétablir le cycle naturel de l'eau pour améliorer les milieux de vie

Une première ruelle bleue-verte verra le jour en 2021 dans le quartier montréalais de Pointe-Saint-Charles. Ce projet innovant, mené par l’Alliance Ruelles bleues-vertes, vise à délester le réseau d’égouts en détournant les eaux pluviales vers la ruelle. Zoom sur une initiative aux multiples retombées.

Fondée en 2016, l’Alliance Ruelles bleues-vertes rassemble six partenaires : le Centre d’écologie urbaine de Montréal (CEUM), Consultants Vinci (génie civil), Les Ateliers Ublo (aménagement urbain), le Collectif 7 à Nous (gestionnaire du Bâtiment 7), et la Société d’habitation populaire de l’est de Montréal (SHAPEM).

Entrevue avec Pascale Rouillé, urbaniste et présidente des Ateliers Ublo, et Delphine Chalumeau, chargée du projet Ruelles bleues-vertes pour le CEUM.

Un réseau en surcharge

« Nous avons fondé L’Alliance pour faire émerger de nouvelles pratiques en matière de gestion des eaux pluviales, explique Pascale Rouillé. D’une part, la hausse marquée des précipitations intenses, causée par les changements climatiques, fait régulièrement déborder le réseau d’égouts des villes. D’autre part, on densifie le territoire urbain et on l’imperméabilise de plus en plus., ce qui accentue la pression sur ces infrastructures. »

Des déversements polluants

« Les eaux pluviales qui s’engouffrent dans les égouts durant les pluies violentes ont un impact négatif moins connu, souligne Delphine Chalumeau. Même si les débordements des stations d’épuration sont moins visibles que les inondations dans les rues et les sous-sols des résidences, ils n’en sont pas moins problématiques, Lorsqu’une station déborde, elle déverse dans les milieux naturels des eaux de ruissellement chargées de polluants divers ayant de forts impacts sur les écosystèmes. »

Une ingénieuse solution gagnant-gagnant

Le croquis ci-dessus illustre le concept innovant mis au point par l’Alliance Ruelles bleues-vertes. Dans une ruelle aménagée (à droite), les drains des toits sont détournés vers la ruelle où différents aménagements favorisent l’infiltration naturelle de l’eau dans le sol. Résultat : seulement une partie des eaux pluviales aboutit, plus lentement, dans les égouts, réduisant ainsi le risque de surcharge tout en créant une ruelle attrayante.

« Nous nous sommes inspirés des pratiques de gestion durable des eaux pluviales utilisées ailleurs dans le monde, en les adaptant au territoire montréalais, indique Pascale Rouillé. Deux projets pilotes sont en cours depuis trois ans, dans les arrondissements de Mercier–Hochelaga–Maisonneuve et du Sud-Ouest. »

Un partenariat multidisciplinaire et un processus participatif exceptionnels

Une cinquantaine d’acteurs issus des milieux communautaires, municipaux, corporatifs et universitaires ont contribué à la conception de l’aménagement de Pointe-Saint-Charles, dont l’Alliance Ruelles bleues-vertes a récemment dévoilé l’avant-projet.

La démarche inclut des ingénieurs, des architectes du paysage, des biologistes, des économistes et des chercheurs universitaires, mais aussi des citoyens. « Le concept des ruelles bleues-vertes se distingue des projets consacrés uniquement à la gestion des eaux de pluie, car la participation des citoyens en fait partie intégrante », souligne Delphine Chalumeau.

Un point qui a impressionné Pascale Rouillé. « En 10 ans d’implication dans des projets de gestion durable des eaux pluviales, c’est la première fois que je voyais des citoyens et des consultants travailler ensemble sur la conception d’un projet d’infrastructure ! » se réjouit-elle.

Le projet Ruelles bleues-vertes a d’ailleurs reçu un trophée Novatech en 2019, dans la catégorie « Participation et appropriation citoyenne ». Il s’agit d’une récompense internationale qui met en lumière des opérations ou politiques publiques exemplaires en matière de gestion des eaux pluviales.

« Le modèle visé comportera des éléments standards, mais d’autres seront propres à chaque site, chaque choix citoyen et chaque problématique. » Pascale Rouillé

Une première ruelle en 2021

La première ruelle bleue-verte sera réalisée sur les anciens terrains du CN, entre l’infrastructure collective du Bâtiment 7 et deux nouveaux parcs municipaux. Le projet, porté par le Collectif 7 à nous, en collaboration avec l’Arrondissement du Sud-ouest, vise à végétaliser environ 690 m2 et à détourner des égouts l’équivalent de 2,6 piscines olympiques par an.

« Le détournement des eaux pluviales à l’échelle d’une seule ruelle est minime et non rentable, mais ce projet et celui de Mercier–Hochelaga–Maisonneuve constituent un laboratoire à ciel ouvert, précise Delphine Chalumeau. Voilà pourquoi l’Alliance collabore avec des chercheurs pour déterminer un seuil de rentabilité à l’échelle de la ville. La multiplication des projets est au cœur de notre travail. Ce sont les milieux aux prises avec des problèmes de refoulements ou d’inondations ainsi que ceux qui souhaitent aménager une ruelle verte qui auront un plus grand intérêt à démarrer un projet de cette ampleur. »

Mobilier transitoire, ruelle bleue-verte Mercier–Hochelaga-Maisonneuve

Le son de l’eau et le chant des oiseaux, plutôt que le bruit des autos

« Les ruelles bleues-vertes sont une occasion unique de sensibiliser les citoyens aux enjeux de gestion des eaux, mais aussi de transmettre un message positif sur l’eau, en contribuant à sa visibilité, sa sonorité, son mouvement », signale Delphine Chalumeau.

« Nos partenaires travaillent sur le choix de matériaux et d’éléments architecturaux qui mettront l’eau de pluie en valeur, ajoute Pascale Rouillé. Elle passera par exemple par un petit moulin avant d’arriver dans un jardin de pluie végétalisé. »

La beauté est dans les détails…

Le projet est actuellement soutenu par la Fédération canadienne des municipalités à travers son programme Municipalités pour l’innovation climatique (MIC) financé par le Gouvernement du Canada, et par le Gouvernement du Québec à travers son Fonds d’initiative et de rayonnement de la métropole (FIRM), ainsi que son programme de soutien aux municipalités dans la mise en place d’infrastructures de gestion durable des eaux de pluie à la source (PGDEP).

Photos : CEUM

Gestion durable des eaux pluviales au Québec

Pour prévenir ou réduire les débordements polluants et coûteux en milieu urbain, des villes d’Europe, d’Australie et des États-Unis ont mis en place des pratiques de gestion durable des eaux pluviales.

Bien que ces pratiques soient encore rares au Québec, quelques projets privés ont déjà vu le jour :

Saillie végétalisée drainante, arrondissement Le Sud-Ouest

Au niveau municipal, deux projets sont en cours à Montréal :

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