Des journalistes rapportaient récemment l’indignation de parents devant l’offre de camps d’été destinés exclusivement aux filles ou aux garçons. C’est alors que j’ai reçu des dizaines de messages d’amis et de collègues qui me demandaient mon avis sur le sujet.
C’est quoi une activité de filles ou de garçons ?
D’abord, citons cet article du Soleil publié le 9 mars 2018 :
La brochure décrit le premier (camp), réservé aux gars, comme un programme « parfait pour toi qui aimes les activités au grand air, les activités manuelles et les nouvelles découvertes ». Le deuxième, réservé aux filles, est présenté comme un programme « parfait pour toi qui adores la création de bijoux, les bricolages, la confection d’accessoires et de produits de beauté ».
Manifestement, les gens derrière cette programmation associent directement l’intérêt vis-à-vis une activité au genre des enfants. Nous voilà donc avec des activités de filles et des activités de garçons ! Quelqu’un peut-il m’expliquer ce qu’est une activité pour les filles ? Et une activité pour les garçons ?
Malheureusement, cette façon de promouvoir les activités peut entretenir et nourrir les stéréotypes. Dans cet exemple, on présume qu’il est normal pour les garçons de vouloir bouger et pour les filles de préférer les activités sédentaires. Un problème qui ne se pose certainement pas seulement dans les camps de vacances mais qu'on peut voir aussi dans la programmation de certaines écoles et certains services de garde. Et tout ça au moment où les données sur la sédentarité chez les jeunes, et principalement chez les filles, sont toujours aussi alarmantes.
Le monde du sport contribue lui aussi à attribuer des étiquettes genrées à certains sports. Ceci amène des jeunes, garçons et filles, à s’exclure d’emblée d’un sport dont la participation est associée surtout au sexe opposé. Bien que les mentalités évoluent, le mur de stéréotypes à franchir peut encore sembler bien haut pour un garçon qui souhaiterait faire une activité à caractère plus artistique et pour une fille qui aimerait faire un sport à forte participation masculine. Pourtant, comme nous le rappelait fort justement la professeure et responsable du Laboratoire de sociologie du sport et de promotion de l’activité physique à l’Université de Montréal, Suzanne Laberge, dans un article de La Presse publié le 21 mars 2018 : « Si un enfant n’était pas immergé dans une société où le sport est genré, il n’aurait probablement pas la conception que tel sport est fait pour les gars et tel autre pour les filles. »
Pourquoi séparer les filles des garçons ?
Alors pourquoi un organisme comme celui que je représente, Fillactive, proposerait-il des activités entre filles ?
Notez que j’ai bien écrit « activités entre filles » et non pas « activités de filles ». À l’adolescence, et même parfois à la préadolescence, proposer des activités « entre filles » leur permettent de se retrouver dans un contexte où elles seront plus à l’aise de bouger, à un moment bien spécial de leur vie où elles vivent de grandes transformations (corps, intérêts, importance du regard des autres, etc.). C’est aussi un moment où la différence dans les habiletés motrices et la force physique peut s’accentuer entre les garçons et les filles et rendre difficile la pratique mixte de certaines activités. Un grand nombre de filles ont alors tendance à se désengager de ces activités, ce qui nuit à la progression de leurs habiletés et à leur sentiment de compétence.
Pour éviter d’entrer dans ce cercle vicieux, il peut être approprié de leur offrir un lieu propice à la découverte et aux expériences sportives dans un contexte positif, exempt du regard des garçons, et sous l’encadrement bienveillant de modèles féminins. Dans cet environnement « entre filles », elles pourront choisir les activités qu’elles ont le goût d’essayer et s’entendre sur le contexte de pratique. Ensuite, c’est vraiment une question d’intérêt : elles pourraient décider de faire de la zumba et du cheerleading, mais aussi d’essayer le rugby et la boxe !
Activités adaptées et diversifiées, c’est la clé !
Attention, ceci ne s’applique certainement pas à toutes les filles. Certaines adolescentes aiment pratiquer les sports avec les garçons. Elles sont motivées par leur présence et apprécient le défi physique ou la compétitivité qu’ils peuvent apporter. Placer tout le monde dans le même panier et faire des groupes homogènes est certainement la pire façon de répondre aux besoins des jeunes en matière d’activité physique. Chaque groupe, chaque individu possède ses réalités et ses barrières qui favorisent ou non la pratique sportive. C’est fort probablement pour cette raison que bien des jeunes filles, et peut-être tout autant de jeunes garçons, se sentent mises de côté par l’offre actuelle en matière d’activités physiques et sportives.
Le genre n’est qu’une façon parmi d’autres de réunir les jeunes dans le cadre de certaines activités. L’âge, le niveau d’habiletés et les intérêts sont autant d’autres manières de réunir les jeunes et c’est par la variété et la qualité des contextes de pratique offerts que nous permettrons aux jeunes, garçons et filles, de s’épanouir pleinement.
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