Sécurité alimentaire

Circuit AlimenTerre: un projet de sécurité alimentaire bien ficelé dans Charlevoix

Circuit AlimenTerre: un projet de sécurité alimentaire bien ficelé dans Charlevoix

Amorcé en 2018, le Circuit AlimenTerre Charlevoix repose sur un objectif simple : redistribuer TOUS les surplus alimentaires des détaillants, des restaurateurs et des producteurs agricoles. Histoire d’une initiative structurante qui change la donne.

Charlevoix est une région tissée serré, qui compte deux MRC réunissant 13 municipalités. Pratiquée depuis longtemps, la solidarité entre les acteurs sociaux s’est renforcée en 2014 lors de la mise sur pied de l’alliance territoriale Développement social intégré (DSI) Charlevoix, qui réunit 50 partenaires.

Capture d'écran tirée de la vidéo La sécurité alimentaire pour tous et toutes!

« Au sein du DSI, une quinzaine de partenaires travaillent sur la sécurité alimentaire, souligne Jérémie Provencher, co-coordonnateur de l’organisme et agent de développement social à la MRC de Charlevoix-Est. Quand nous avons réfléchi au projet du Circuit AlimenTerre, nous avons sollicité l’expertise de Vivre en ville, pour obtenir un portrait détaillé de la situation. Lorsque cette organisation nous a présenté son diagnostic en mai 2018, nous avons réalisé que nous pouvions faire plus et mieux. Ce rapport nous a outillés et motivés ! »

Crédit photo : Pierre Rochette

« Les partenaires du chantier de la sécurité alimentaire se sont assis pour réfléchir ensemble à la mise en œuvre des recommandations de Vivre en ville, mais nous n’avions les ressources nécessaires pour passer à l’action », souligne Lucie Carré, directrice du Service d’aide communautaire de Charlevoix-Est (SACC).

Grâce à une aide financière sur cinq ans obtenue auprès du Comité régional intersectoriel en sécurité alimentaire (CRISA), un chargé de projet à temps plein a été embauché en septembre 2019. Le défi était grand, car sa tâche consiste à optimiser et coordonner les cinq volets du circuit, soit la récupération, la distribution, la transformation, l’approvisionnement et l’éducation.

Officialiser les ententes avec les épiceries

Les trois grandes épiceries de la région faisaient déjà don de leurs surplus aux deux banques alimentaires de la région (le SACC dans l’est et le Centre communautaire Pro-Santé dans l’ouest), mais pas de façon systématique. « Des démarches ont été entreprises pour signer des ententes officielles avec ces commerces, précise Lucie Carré. Ces ententes, conclues dans le cadre du Programme de récupération dans les supermarchés (PRS), sont gérées par les Banques alimentaires du Québec. Elles systématisent et encadrent la récupération des denrées, tout en assurant la continuité du programme en cas de changement de propriétaire. »

Le premier PRS, signé avec Metro en mars 2019, a fait l’objet d’articles dans les médias locaux, ce qui a suscité l’intérêt des épiceries Provigo et IGA. L’entente avec Provigo est signée depuis peu et le processus est en cours avec IGA.

« Pour une épicerie, signer un PRS est un geste de soutien à la communauté, mais représente aussi une réduction de sa facture d’enfouissement. » Lucie Carré

Récupérer la viande : un plus

La signature d’un PRS ouvre la voie à la récupération de la viande, mais celle-ci doit se faire avec un camion réfrigéré. Cette fois-ci, les partenaires du chantier de la sécurité alimentaire sont allés chercher un financement auprès d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. « C’est une subvention du Fonds des infrastructures alimentaires locales qui nous a permis d’acheter un tel camion et de passer un niveau supérieur de récupération », souligne avec satisfaction Lucie Carré.

Crédit photo : Alain Caron

Un effet d’entraînement

La médiatisation des ententes avec les épiceries a suscité des offres spontanées de la part d’autres fournisseurs. « Tim Horton et Subway nous ont demandé si leurs surplus de beignes, de bagels et de pain nous intéressaient, raconte Lucie Carré. Nous avons bien sûr dit oui, car tout ce qui met de la variété dans les paniers alimentaires nous intéresse ! Nous n’avons pas encore d’entente formelle avec eux, mais ça viendra. »

« Nous avons approché une quarantaine de restaurateurs, renchérit Jérémie Provencher. Une dizaine d’entre eux donnent leurs surplus de façon régulière, les autres de façon plus sporadique. Une fois la pandémie passée, nous pourrons mieux structurer nos actions auprès d’eux. »

Selon Lucie Carré, la contribution des restaurateurs représente un potentiel remarquable, mais peu exploité, en raison des normes de salubrité très strictes qui régissent la manipulation et la conservation des aliments dans ce secteur. « Mais la récupération est tout à fait possible à l’intérieur de ces règles, par exemple en congelant les surplus de soupe », précise-t-elle.

La Ferme des Quatre-temps de Port-au-Persil s’est également proposée, ajoutant ainsi des fruits et légumes biologiques à l’offre alimentaire des organismes communautaires. « La médiatisation de nos actions fonctionne très bien pour conscientiser les acteurs de la région, constate Jérémie Provencher. Plusieurs maraîchers nous donnent leurs surplus, mais là aussi, notre objectif est de mieux structurer la collaboration, notamment au chapitre du glanage. »

Agir à toutes les étapes de la récupération

Le Circuit AlimenTerre Charlevoix améliore la gestion des surplus favorisant la fluidité de la distribution. Les deux banques alimentaires du territoire avaient parfois de la difficulté à redistribuer leurs propres surplus à d’autres organismes communautaires. Dans Charlevoix Est, une page Facebook privée, gérée par le responsable, facilite désormais la communication.

« Ça facilite grandement la redistribution, particulièrement lorsque nous recevons 15 caisses de salades qui dépassent de loin nos besoins, ou que certains poivrons sont trop avancés pour les mettre dans les paniers », note Lucie Carré.

Grâce à cette souplesse, il y a moins de pertes. Les fruits et les légumes « poqués  » trouvent en effet rapidement preneurs pour la transformation, car plusieurs organismes sont en mesure de les apprêter. « Chacun y trouve son compte, puisqu’une partie des aliments cuisinés reste à l’organisme et l’autre partie retourne à la banque alimentaire, qui peut ainsi varier le contenu des paniers », mentionne Jérémie Provencher. « La contribution des bénévoles est essentielle à ce volet du projet », ajoute Lucie Carré.

Faire du pain et des biscuits sans utiliser de farine…

Par ailleurs, deux alliés très spéciaux vont bientôt permettre de produire de la farine ! « Nous venons de recevoir des machines qui vont nous permettre de transformer les surplus de pain en farine », explique Jérémie Provencher. Le Crumbler, un broyeur conçu en France, transforme le pain séché en une très fine chapelure qui peut remplacer la farine, en tout ou en partie, dans des recettes de biscuits, de muffins et même de pain. Une belle façon de s’approcher de l’objectif ZÉRO pertes !

Donner au suivant

Inspirés du mouvement des Incroyables comestibles, des potagers partagés ont vu le jour en 2018, en collaboration avec plusieurs municipalités. Il s’agit de bacs en libre-service, dans lesquels les citoyens peuvent cueillir des légumes et des fleurs comestibles. Le premier a été installé en façade, devant bâtiment du SACC.

« Les 12 bacs actuellement en place constituent pour le moment un embryon d’approvisionnement, mais d’autres s’ajouteront, car les municipalités sont très intéressées par le concept, précise Jérémie Provencher. Nous ciblons notamment les déserts alimentaires et nous sommes en discussion avec les offices municipaux d’habitation, afin d’en faire profiter les personnes vulnérables. »

Ces bacs représentent par ailleurs une occasion en or d’éducation et de sensibilisation aux saines habitudes de vie et au jardinage. « Les camps de jour de Baie-Saint-Paul et Le Manoir les ont intégrés à leurs activités, indique Jérémie Provencher. Les jeunes ont l’occasion de planter, d’arroser, de récolter et de cuisiner leur production. »

Capture d'écran tirée de la vidéo La sécurité alimentaire pour tous et toutes!

De plus, le Circuit alimentaire a renforcé, soit financièrement, soit en ressources humaines, certaines initiatives en cours. Ainsi, grâce au travail de bénévoles, plus de 970 collations sont distribuées chaque jour dans les écoles de Charlevoix-Est. Et toutes les municipalités qui ont une maison des jeunes ont organisé des ateliers culinaires de base donnés par un chef de la région, accompagné d’une animatrice.

Capture d'écran tirée de la vidéo La sécurité alimentaire pour tous et toutes!

Un succès remarquable

La quantité de denrées récupérées a nettement augmenté, chiffres mensuels à l’appui. « Au début de 2020, nous avons commencé à peser les aliments reçus dans le cadre des PRS, précise Lucie Carré. Nous sommes passés de 480 kg de nourriture en janvier à 1871 kg en novembre ! »

« Au cours des années précédentes, nous avions consolidé les organismes de sécurité alimentaire et répondions aux besoins de base, mais avec le Circuit AlimenTerre, nous sommes maintenant dans une démarche réellement structurante, se réjouit Jérémie Provencher.

« Ce projet a créé une belle mobilisation dans la région, ajoute Lucie Carré. Les citoyens le voient d’un très bon œil et les jeunes sont particulièrement sensibles à sa dimension écologique. De plus, les personnes qui bénéficient des paniers, ont remarqué la plus grande diversité des aliments qu’ils contiennent et l’apprécient ».

Chapeau bas Charlevoix !

Communauté

Vous avez aimé l’article?

En quelques clics, joignez notre communauté et obtenez le meilleur de 100º grâce à des ressources personnalisées.

Créer mon profil
DEVENEZ AMBASSADEUR ET FAITES BRILLER LES PROJETS DE DEMAIN