Après avoir été relégués dans l’ombre pendant des décennies, au profit des ascenseurs, les escaliers reviennent en force, pour le plus grand bien de leurs utilisateurs. Analyse d’une tendance qui ne semble pas près de s’affaiblir.
On n’y pense pas spontanément, mais c’est grâce aux ascenseurs si nos villes ont pu pousser en hauteur. Le hic, c’est que les escaliers ont, au passage, été condamnés à remplir une stricte fonction de sécurité. Pourtant, plaident les promoteurs du design actif, l’utilisation des escaliers est le moyen par excellence d’intégrer l’activité physique au quotidien. À ce titre, l’escalier devrait être le premier mode de déplacement vertical dans tout édifice.
Depuis le tournant des années 2 000, on assiste donc à une réhabilitation de l’escalier. En effet, ce laissé pour compte des plans d’architecte ne répondait souvent qu’à des exigences minimales surtout dictées par les services d’incendie. D’ailleurs, la plupart du temps, ces escaliers de secours sont si bien dissimulés, ou tellement discrets, que bien des gens oublient même où ils sont situés.
Or, plus les escaliers sont visibles, plus ils sont utilisés. La ville de New York a ainsi adopté, en 2014, un règlement pour que les portes menant aux cages d’escalier demeurent ouvertes en permanence. Une des raisons invoquées reposait sur des considérations de sécurité, puisque, en cas d’évacuation, les utilisateurs vont plus facilement se souvenir de leur emplacement. Mais ce règlement était avant tout destiné à encourager les gens à les emprunter le plus souvent possible.
Des marches… vers la santé
Le Center for Active Design fait par exemple valoir qu’un Américain moyen gagne un demi-kilo chaque année, et que consacrer quotidiennement 2 minutes de plus à gravir des escaliers pourrait annuler ce gain de poids. En effet, des études ont montré que monter un escalier permet de brûler 50 % plus de calories que la course à pied. En conséquence, utiliser les escaliers 7 minutes par jour diminue de moitié les risques d’une attaque cardiaque sur 10 ans.
D’autre part, on peut aussi avancer l’argument économique, puisque l’utilisation des ascenseurs compte pour 10 % de la facture énergétique d’un édifice. En 2008, la ville de New York a d’ailleurs commencé à distribuer, dans 1 000 édifices, près de 30 000 affiches arborant le slogan suivant : Burn Calories, Not Electricity. Take the Stairs! (Brûlez des calories. Pas de l’électricité. Prenez les escaliers !)
Grimper, c’est jouer
Il existe des cas de figure où les escaliers sont bel et bien visibles, mais qui en même temps subissent la concurrence déloyale d’une remontée mécanique. Dans cette situation, le réflexe commun est d’emprunter systématiquement la remontée mécanique et d’utiliser l’escalier immobile pour descendre. Par contre, grâce à des installations, ou encore de la décoration, il est possible d’attirer l’attention des piétons et de les engager à prendre l’escalier pour des motifs strictement ludiques.
Un passé glorieux, un avenir radieux
Pendant des siècles, les architectes ont rivalisé d’imagination et d’audace pour créer des escaliers autour desquels s’organisaient les étages des bâtiments. Des ouvrages qui souvent leur servaient de signature. Après une éclipse de plus d’un siècle, durant laquelle on les a condamnés à remplir une stricte fonction utilitaire, les escaliers reviennent à l’avant-scène, non plus strictement pour le prestige, mais comme moyen de locomotion, de communication, tout comme de lieu d’échange, de méditation ou de rassemblement.
Au-delà de leurs fonctionnalités retrouvées, les escaliers peuvent en effet jouer de nombreux rôles à partir du moment où leur conception dépasse largement les normes minimales. L’expérience montre que des marches de plus de 2,5 m de large incitent les gens à utiliser les escaliers comme des lieux de discussion, à plus forte raison s’ils sont segmentés par de larges paliers. Quant aux escaliers plus monumentaux, ils peuvent aisément, à l’occasion d’un événement public, servir de gradin pour ainsi augmenter le nombre de places assises dans un hall.
C’est une tendance qui ne se dément pas. Les escaliers redeviennent visibles, occupant souvent un espace central dans les nouveaux édifices. Spacieux, ouverts, ils sont d’autant plus invitants qu’ils ouvrent des fenêtres sur la verticalité des lieux en faisant communiquer entre eux, de manière visible, les étages adjacents. Ce qui, au demeurant, rend moins attrayants les ascenseurs, désormais relégués en des lieux plus discrets. Mais surtout, les escaliers sont redevenus ces éléments essentiels de la création architecturale et de l’expression artistique. À preuve, le désormais fameux Hudson Yards Vessel, à New York, un labyrinthique escalier qui s’élève sur 16 étages au beau milieu d’une place publique, et qui ne donne accès qu’au ciel !
Stratégies architecturales
Le Center for Active Design a créé un guide des bonnes pratiques architecturales pour la conception d’édifice. Les 5 premières rubriques portent essentiellement sur les escaliers.
- Conception d’escaliers pour un usage quotidien
- Localisation et visibilité
- Dimensions
- Environnement attrayant
- Signalisation
Signe des temps, la 6e rubrique offre des conseils sur la manière de décourager l’utilisation des ascenseurs et des remontées mécaniques, par exemple en les dissimulant ou en ralentissant leur vitesse de fonctionnement.
Parmi les nombreuses stratégies suggérées, le Center for Active Design recommande, entre autres, de :
- placer le hall au deuxième étage et le rendre accessible par un grand escalier ou une rampe d’accès;
- disposer les espaces communs à différents étages, près des escaliers ou des rampes d’accès;
- Intégrer des escaliers ouverts, visibles, esthétiques et accessibles dans les principales zones de déplacement et d’orientation, près des accès aux parties communes et entre des étages consécutifs;
- recourir à des ascenseurs qui ne s’arrêtent pas à chaque étage afin de favoriser l’usage des escaliers pour les déplacements sur quatre étages ou moins;
- éviter, si possible, de verrouiller les accès entre les escaliers et les étages;
- prévoir des systèmes d’accessibilité universelle pour les personnes à mobilité réduite.