Ressource
Santé Canada vient de publier un imposant rapport intitulé « La santé des Canadiens et des Canadiennes dans un climat en changement: faire progresser nos connaissances pour agir ». En effet, il y a urgence d’agir puisque l’on mesure déjà des impacts nuisibles sur la santé des populations. Et plus le réchauffement sera important, plus les menaces pour la santé seront grandes. Il est grand temps d’apprendre à nous adapter afin de surmonter les défis qui nous guettent.
Les Britanno-Colombiens n’oublieront pas l’année 2021 de sitôt. À l’été, un dôme de chaleur infernale est demeuré stationnaire au-dessus de la province, suivi d’incendies meurtriers, puis, à l’automne, des rivières atmosphériques ont entraîné des inondations dévastatrices. Les changements climatiques sont déjà à l’œuvre. Et même si nous étions sérieux dans nos efforts pour lutter contre ces menaces, en cessant sur le champ d’émettre des gaz à effet de serre, les événements météorologiques extrêmes continueront de se multiplier pendant encore des générations.
Donc, s’il faut redoubler d’efforts en matière de lutte contre les changements climatiques, il devient tout aussi urgent de nous adapter à leurs conséquences. Et surtout prendre conscience du fait que tous ne sont pas égaux devant ces catastrophes annoncées. Il sera nécessaire, indique le rapport, « de prendre des mesures de protection [qui] varient d’une population et d’une communauté à l’autre, ainsi qu’au sein de ces populations et communautés ».
Populations vulnérables
Les aînés, notamment, seront plus à risque de souffrir des vagues de chaleur, des vagues de froid, de la sécheresse, de la fumée des feux de forêt et des inondations. Et puisque notre société vieillit rapidement, ces risques vont augmenter au cours des prochaines décennies. Déjà fragilisés par les maladies chroniques et la perte d’autonomie, les aînés vont devenir d’autant plus vulnérables si par surcroît la cohésion communautaire se désagrège autour d’eux.
Ce rapport de plus de 800 pages consacre aussi un chapitre entier aux Premières Nations, Inuits, Métis et leurs collectivités. Leurs auteurs soulignent que les impacts des changements climatiques entraînent « des répercussions disproportionnées sur leurs communautés, notamment au niveau de la sécurité et la salubrité des aliments et de l’eau, de la qualité de l’air, de l’infrastructure, de la sécurité personnelle, de la santé mentale et du bien-être, des moyens de subsistance, de la culture et de l’identité ».
Impacts des changements climatiques sur la santé mentale
Le rapport nous prévient aussi que les maladies mentales existantes, comme la psychose, risquent de s’aggraver en raison des changements climatiques. Mais surtout que ces situations vont entraîner l’apparition de nouveaux cas de maladies mentales « comme le trouble de stress post-traumatique ; des facteurs de stress liés à la santé mentale, comme le deuil, l’inquiétude, l’anxiété et les traumatismes indirects ; et la perte du sentiment d’appartenance, qui fait référence à un détachement perçu ou réel de la collectivité, de l’environnement ou de la patrie ».
Cette détresse, liée à l’environnement, peut se classer en fonction de quatre termes bien définis.
- L’écoanxiété, qui désigne l’anxiété ressentie par les gens sensibilisés aux menaces écologiques auxquelles la planète est confrontée.
- L’écoparalysie, qui fait référence au sentiment complexe d’impuissance éprouvé devant l’ampleur de la tâche pour atténuer ou freiner les changements climatiques.
- La solastalgie, qui est la détresse éprouvée par une personne témoin de changements écologiques dans son milieu de vie et qui s’apparente à un sentiment de nostalgie, un peu comme si elle avait l'impression d'avoir quitté sa terre natale alors qu’elle n’a pas changé d'endroit.
- L’écodeuil, qui englobe la détresse qu’engendrent la perte écologique ou les pertes anticipées liées aux changements climatiques. Pertes qui peuvent être de nature environnementale, mais aussi culturelle ou identitaire. Ce qui inclut les traumatismes associés à des aléas comme les inondations, les feux de forêt, ou les impacts à évolution lente, tels que la hausse des températures, la sécheresse, la fonte du pergélisol ou l’élévation du niveau de la mer.
Pistes de solutions
Parmi les approches nouvelles et novatrices qui sont proposées pour atténuer les répercussions psychosociales des changements climatiques, le rapport souligne la grande importance des interactions avec le milieu naturel. Les gens qui s’engagent dans des pratiques ou des actions de préservation d’un milieu naturel peuvent en retirer un « sentiment d’intendance » susceptible de les aider à surmonter leur désespoir, leur anxiété et leur écoparalysie. Le rapport cite l’exemple d’une clinique environnementale ayant « traité des “impatients” qui étaient émotionnellement et physiquement lassés d’attendre des interventions législatives sur les changements climatiques en leur “prescrivant” des mesures environnementales ».
Ce genre d’approche n’est d’ailleurs pas sans rappeler la pratique ancestrale de la « guérison par la nature » des collectivités autochtones, et qui offre à leurs membres « l’occasion de se rassembler, d’apprendre et d’échanger des connaissances sur la culture et le savoir fondé sur la nature, et de renforcer le sentiment d’appartenance à la collectivité, ce qui améliore le bien-être psychosocial ».
Ajoutons que peu importe les raisons, le contact avec la nature est bénéfique pour la santé globale des individus. Depuis que les Japonais ont popularisé le shinrin-yoku, que l’on traduit par bain de forêts, des études ont en effet montré que cette pratique permet d’abaisser les taux de cortisol et la fréquence cardiaque, tout en accroissant considérablement le sentiment de bien-être.
Des villes résilientes
À la lecture de ce qui précède, on ne s’étonnera donc pas que le verdissement des milieux de vie s’impose comme l’une des principales solutions pour aider les populations à s’adapter aux impacts des changements climatiques. Car c’est aussi une excellente manière de les atténuer et même de contribuer à lutter contre eux !
Outre le bien-être mental qu’ils procurent, les parcs et les espaces verts nous offrent de nombreux services écologiques : diminution des îlots de chaleur, assainissement de l’air, protection contre les risques d’inondations des orages éclairs, etc. Si en plus ces aménagements incitent une plus grande partie de la population à se tourner vers le transport actif, cela améliore non seulement la santé physique et mentale de ses adeptes, mais aussi la santé environnementale en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.
Bref, les solutions existent. Et il ne faut surtout pas se laisser envahir par un sentiment d’écoparalysie. Au contraire, plus que jamais, nous devons agir. À ce chapitre, le rapport de Santé Canada est très clair. Les décideurs « doivent prendre des mesures d’adaptation inclusives et équitables, qui tiennent compte des besoins des populations racialisées, marginalisées et à faible revenu. » Et notamment renforcer les efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
« Le rythme, la nature et l’étendue des mesures d’adaptation doivent augmenter rapidement et considérablement afin de réduire les impacts sanitaires actuels et futurs au Canada, y compris les évacuations liées au climat et les déplacements forcés. »
Il faut agir rapidement, pour lutter et s'adapter.