Près de 150 personnes, membres et ambassadeurs de la communauté 100º, se sont rassemblées le 25 septembre dernier au Centre d’événements et de congrès interactifs de Trois-Rivières (CECi) à l’occasion de l’événement Impulsion. Placée sous le thème : « Osez entreprendre le changement », cette journée de conférences et d’ateliers a donné la vedette à plusieurs acteurs de changement qui ont tous su captiver leur auditoire.
Pour organiser cet événement, l’équipe de 100º a pu compter sur la collaboration du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, du Pôle d’économie sociale de la Mauricie et de Open Trois-Rivières. Marianne Lacharité-Lemieux, conseillère en transfert de connaissances pour M361 et responsable de la programmation de l’événement Impulsion, explique que, cette année, 100º souhaitait continuer à créer de l’impact, tout en renouvelant ses sources d’inspiration.
« Nous voulions profiter d’expertises propres à des disciplines qui ne sont pas d’emblée associées au domaine social. Donc, Impulsion, c’est à la fois se donner un élan collectif, et se doter aussi des outils qui vont permettre à nos projets à impact social de prendre leur essor. Mais plus encore, Impulsion, c’est le résultat du choc des idées qu’engendrent ces rencontres improbables entre des acteurs de changements provenant d’horizons divers. »
« La tenue de cet événement, précise Marianne Lacharité-Lemieux, cadre parfaitement avec la raison d’être de 100º, et incidemment de M361. En étant l’instigateur de cette rencontre entre les acteurs de l’innovation sociale au Québec - qui autrement n’ont presque pas d’occasions de partager leurs initiatives - 100º contribue donc à créer l’impact, à générer un mouvement de changement. »
En ouverture
L’animation de la journée était confiée à Anne Marcotte, entrepreneure, dragonne et co-fondatrice du mouvement entrepreneurial – Adopte. Forte de ses solides expériences, c’est avec aisance et naturel qu’elle est intervenue auprès de différents conférenciers. Mais elle a d’abord introduit les allocutions de Marco Champagne, président du conseil d’administration de M361; d’Éric Guillemette, directeur par intérim, direction du développement et de l’aménagement du territoire au MAPAQ; d’Élise Boyer, directrice générale de la Fondation Olo et de Lynn O’Cain, directrice générale du Pôle d’économie sociale de la Mauricie.
L’humain dans la machine
Directeur général MTLab, Martin Lessard a ensuite prononcé la première conférence du jour : Reconnecter – dans un monde hyper-connecté. Une réflexion sur la mise à l’épreuve, par le numérique, des stratégies à impact social. Dans une présentation délibérément contre-intuitive (elle débutait par l’intelligence artificielle, suivi par les médias sociaux et enfin les données ouvertes), cet expert du numérique, sans minimiser la portée des changements que les nouvelles technologies vont nous apporter, a insisté sur l’importance du rôle que les humains peuvent et doivent jouer pour en tirer le meilleur parti.
Et bien que, en matière de nouvelles technologies, il soit parfois difficile de faire la distinction entre « surveillance et assistance », Martin Lessard se veut rassurant. Après tout, la responsabilité nous incombe de prendre les bonnes décisions. En outre, jamais les machines ne pourront totalement remplacer les humains. Certes, elles excellent dans le traitement massif des données. Toutefois, sans contextualisation, ces données n’ont guère d’utilité. Seuls les humains sont en mesure de créer du sens à partir d’elles. Et, de manière analogue, dans la société, c’est aux communautés que revient la tâche de générer du sens ! Et de faire preuve d’intelligence culturelle…
L’entrepreneuriat au service d’un monde meilleur
Marie-Josée Richer est co-fondatrice de Prana. Une entreprise dont elle a raconté, avec un humour désinvolte, les modestes débuts au sous-sol de la maison familiale. Une entreprise qui s’est doucement développée, sans jamais se départir des valeurs initiales de ses cofondateurs. D’entrée de jeu, Marie-Josée avait la certitude de pouvoir changer le paradigme du système de production en travaillant de l’intérieur. Car, pour le changer, il faut l’utiliser, insiste-t-elle.
Un pari fou, mais un pari réussi. Qui s’explique par la frugalité, une croissance graduelle, le souci de produire soi-même et surtout de vendre plus que des produits, c'est à dire une vision qui repose, entre autres, sur des valeurs écologiques. Et qui véhicule un sens de la mission : celui de participer à quelque chose de plus grand que soi. Voilà pourquoi, aux yeux de Marie-Josée Richer, le profit ne demeure qu’un moyen; il n’est pas une fin en soi. C'est simplement la possibilité de créer un modèle d’affaires sociétal au service d’un monde meilleur !
Les ateliers
« Impulsion, c’est à la fois se donner un élan collectif, et se doter aussi des outils qui vont permettre à nos projets à impact social de prendre leur essor. » - Marianne Lacharité-Lemieux
En matinée et après-midi, des spécialistes passionnés ont animé des ateliers participatifs pour débroussailler de nouvelles pistes d'action et d'information.
Louis-Maxime Lockwell, coordonnateur de l’Incubateur en entrepreneuriat collectif jeunesse (Sismic) avait intitulé sa première présentation : Storytelling 101 – Parler pour captiver. Prêchant par l’exemple, il a décoiffé les participants en leur présentant le trio logos-pathos-ethos, essentiel pour concocter une présentation orale irrésistible.
Lors du deuxième atelier, en après-midi : Storytelling 101 – Écrire pour captiver, c’est un Louis-Maxime Lockwell toujours aussi désarçonnant qui a convaincu son auditoire de s’inspirer de la structure du conte pour rédiger un texte remarqué, non sans être en mesure de le résumer sur un « papillon adhésif » (post-it).
Natasha Gupta, de Gupta services conseils, animait deux ateliers complémentaires : Les clés du financement – volet communautaire. Sa présentation, très dense, portait sur les différentes stratégies que les organismes à but non lucratif doivent mettre de l’avant pour recueillir des fonds ou des dons, que ce soit par le truchement de la commandite, du sociofinancement ou de la philanthropie.
Toutefois, Natacha Gupta a préféré mettre l’emphase sur la commandite que l’on désigne désormais, soit dit en passant, sous le nom de partenariat. D’où l’importance de rechercher un « partenaire » avec le même soin que l’on mettrait pour une quête d’emploi. Un partenaire, donc, qui partage vos propres valeurs et à qui vous pourrez dire, si vous avez bien fait vos devoirs : « Vous ne pouvez pas... ne pas être là, avec nous ! »
Le stratège créatif Louis-Felix Binette et son associée Anick Patenaude, Escouade Génie Collectif, qui tous deux s’intéressent à l’intelligence collective, animaient en alternance l’atelier : Découvrir la science collaborative. Tout en utilisant les participants comme d’heureux cobayes, ils ont, au cours de leur présentation, fait la démonstration que dans un travail collaboratif, il importe avant tout que les individus adhèrent à la mission et à son pourquoi, qu’ils s’entendent sur le problème qu’il faut régler et sur la solution que l’on doit mettre en place. Le but n’étant pas d’accomplir des tâches indexées sur des tableaux KanBan…
Charles André Vidal, de la Factry, présentait le 6e atelier de cette journée : Développer son leadership créatif. Lui qui œuvre dans la toute première école des sciences de la créativité au Canada est formel : la créativité, ce n’est pas un art ou un talent, c’est une posture mentale. Et cela s’apprend. Or, et justement, les acteurs de changement qui cultivent leur propre créativité sont plus susceptibles de stimuler celles des autres, si bien que, tous ensemble, ils auront un plus grand impact social !
Le LABO4
En marge de l’annonce de l’événement Impulsion, l’équipe de 100° avait lancé une invitation spéciale aux porteurs d’un projet s’adressant aux jeunes et à leurs familles dans le secteur bioalimentaire. Les 10 participants sélectionnés avaient ensuite la chance de participer au Laboratoire d’innovation sociale LAB04 qui s’est échelonné au courant des journées du 24 et 25 septembre.
Cette expérience collective unique aura permis aux participants d’accélérer leur projet afin qu’il génère un maximum d’impact social à travers un processus d’animation et de co-création. Piloté par le Pôle d’économie sociale de la Mauricie, ce LAB04 reposait sur une approche favorisant l’émergence de l’intelligence collective et le transfert des savoirs.
Le panel
En début d’après-midi, Anne Marcotte relançait les activités en animant une fort intéressante discussion à quatre voix : celles d’Olivier Demers-Dubé, fondateur de ÉAU, de Jean-Sébastien Delorme, coordonnateur - ATAB, Coopérative de solidarité, Raphaëlle Bilodeau, coordonnatrice à CitéStudio Montréal, et Bertrand Fouss, cofondateur de Solon. Une discussion au cours de laquelle chaque panéliste a eu l’occasion de raconter son parcours et de partager certains des enseignements retenus. Voici quelques-uns de leurs messages clés.
« On a appris à comprendre le statu quo. Si on veut faire bouger les choses, on doit réaliser que derrière ce statu quo, il y a des gens. Et qu’en s’adressant aux gens, on en vient à pouvoir poser des petits gestes qui, à force de s’additionner, mènent au changement. » - Bertrand Fouss
« C’est bien d’être revendicateur dans la vie. Mais comme les administrations mettent du temps à bouger, on ne doit pas pour autant blâmer les gens qui en font partie. Au contraire, il est de notre devoir, en tant que citoyen ou organisation, de bien documenter nos projets, de proposer une réflexion pour ouvrir le dialogue. » - Raphaëlle Bilodeau
« Identifiez votre mission. Mais ne soyez surtout pas amoureux de votre idée. C’est vrai… Soyez amoureux de votre mission, mais pas de votre idée. Car une idée, ce n’est qu’une mise en application. Si vous demeurez accroché à une idée, à une forme, vous allez devenir rigide. Et votre idée risque de se planter. Alors qu’une mission, ça ne se plante jamais. » - Olivier Demers-Dubé
« Ce qui importe le plus, en région, c’est de mettre sur pied des projets qui créent des opportunités pour les gens, qui leur permettent de continuer d’habiter le territoire et de conserver des villages dynamiques. C’est entre autres de cette manière que les jeunes vont venir s’installer pour en retour revitaliser la région. » - Jean-Sébastien Delorme
Conférence de clôture
C’est à Sylvain Carles, associé chez Real Ventures, que revenait l’honneur, ou le fardeau, de prononcer la dernière conférence. Et son approche atypique, sans présentation à l’écran, n’aura pas déçu; ni d’ailleurs l’intriguant titre de sa présentation : Transformer l’impact collectif par la culture du hacking. Et bien entendu, il était question de bons hackeurs. De ces personnes qu’allument changements constants, incertitudes, complexité et ambiguïté.
Alors quel rapport avec l’impact social ?
D’abord parce que les premiers hackeurs, en quelque sorte les bidouilleurs qui ont participé à la création d’Internet, voyaient les ordinateurs en réseau comme une force de changement social, une sorte d’accélérateur du progrès scientifique, une source d’augmentation de l’esprit humain.
Ensuite, parce qu’innover, ce n’est pas facile.
Donc, ceux qui souhaitent devenir des promoteurs de l’innovation sociale auraient tout intérêt à s’inspirer des techniques utilisées par les hackeurs. Et la recette, c’est de procéder par de très courtes étapes successives, tester ses hypothèses et ses intuitions, puis les valider à l’aide de données. Et, surtout, vingt fois sur le métier, remettre son ouvrage !
L’équipe 100º vous donne donc rendez-vous l’an prochain !
Avec le concours apprécié de Roxanne Boucher et Françoise Ruby