Les hôpitaux, les universités et les écoles disposent d’un imposant budget alimentaire. Un document produit par le Réseau alimentation durable (RAD) et la Fondation de la famille J. W. McConnell propose 10 pistes d’action aux établissements publics, afin qu’ils consacrent une plus grande part de ce budget à l’achat d’ingrédients sains, locaux et durables.
Le raisonnement des deux organismes est simple : les établissements publics peuvent utiliser leur pouvoir d’achat de façon stratégique pour renforcer la santé et la richesse dans les communautés, et ainsi réaliser pleinement leurs missions.
De 2014 à 2016, 8 projets canadiens ont bénéficié du soutien financier de la Fondation de la famille J. W. McConnell pour se convertir à des pratiques alimentaires plus durables.
Dix leçons ont été tirées de ces projets, afin de guider et inspirer les établissements, les organisations, les bailleurs de fonds et les décideurs politiques. Objectif : sensibiliser tous ces acteurs au fait que les achats d’aliments locaux et durables sont porteurs d’importantes retombées positives sur les plans social, économique, sanitaire et environnemental
1. Déterminer ce qu’est un aliment local
Il existe différentes interprétations du terme « local ». Les critères peuvent être établis en fonction d’une distance en kilomètres, d’une zone géographique précise, d’une province ou même du pays entier. Dans le cas des aliments transformés, l’exercice est plus complexe. Par exemple, faut-il que tous les ingrédients soient produits localement, ou seulement les principaux ingrédients? Voilà une des nombreuses questions que les établissements publics doivent se poser pour définir clairement leurs attentes auprès de leurs fournisseurs.
Par exemple, dans le cadre du projet Edmonton Northlands, les représentants d’établissements ont déterminé qu’un produit local doit répondre à au moins deux des trois critères suivants :
- ses ingrédients doivent provenir de la province;
- sa transformation doit avoir lieu dans la province;
- les propriétaires de l’entreprise alimentaire doivent être basés dans la province.
2. Déterminer ce qu’est un aliment durable
Le caractère renouvelable des ressources naturelles employées (sol, eau, nutriments), le bien-être animal, la biodiversité et la viabilité économique des producteurs font partie des critères de la production durable des aliments. Il existe plusieurs certifications, mais plusieurs petits agriculteurs et pêcheurs utilisent des méthodes de production durables non certifiées.
« L’Ecology Action Centre a mis sur pied une chaîne de valeur afin d’approvisionner quatre établissements de santé régionaux en produits de la mer durables capturés par de petits pêcheurs à la ligne et à l’hameçon. »
3. Repérer les aliments locaux
Lorsque les distributeurs ne fournissent pas d’information sur le lieu de production de leurs produits, les établissements doivent procéder eux-mêmes au repérage des aliments locaux. Ils peuvent mettre leurs ressources en commun pour entreprendre ce travail ou encore collaborer avec les distributeurs, afin que les listes de produits locaux qu’ils offrent soient partagées avec les autres acheteurs.
« Équiterre a analysé les listes de produits des distributeurs approvisionnant un réseau de quatre établissements de santé à Montréal afin d’y repérer les aliments produits au Québec. Dotés de cet inventaire d’aliments locaux, les établissements ont mis sur pied des bases de référence, et sont en mesure de déterminer lesquels de ceux-ci peuvent potentiellement remplacer des produits non locaux.
4. Regrouper les achats
Quand plusieurs établissements regroupent leurs commandes, ils peuvent créer des liens avec de nouveaux fournisseurs qui seraient prêts à devenir des distributeurs de gamme complète de produits. Un soutien reste toutefois nécessaire pour favoriser l’essor des filières (chaînes de valeur) pour les systèmes alimentaires locaux. Ces filières permettent le regroupement, la distribution, la mise en marché, la transformation et la traçabilité des aliments à une échelle adéquate.
5. Changer les règles pour qu’elles soient équitables envers les petits producteurs
La manière dont les établissements préparent leurs contrats nuit grandement aux petits producteurs qui désireraient faire des soumissions, car certaines exigences favorisent la distribution de gros volumes d’aliments. Il est toutefois possible de changer cette situation, par exemple, en signant des « contrats de culture sur commande » (grow-to-order contracts). Ceux-ci consistent, pour les établissements, à s’engager à faire un certain volume d’achats ultérieurs. Ce type de contrat permet au fournisseur d’augmenter sa production, notamment en obtenant le financement nécessaire à l’expansion de son entreprise.
« Le projet FEED Comox Valley a aidé un collège et deux établissements de santé à accroître leur demande en ingrédients locaux, en plus d’avoir servi d’intermédiaire dans la création d’un lien entre ces établissements et un distributeur de produits ayant fait la démonstration qu’il était possible de faire des livraisons directement à partir de la ferme. »
6. Utiliser les contrats de gestion de services alimentaires comme leviers de changement
À l’échéance d’un contrat, les établissements peuvent provoquer des changements en fixant des cibles d’approvisionnement en aliments locaux produits de manière durable. Cette démarche exige la mise en place d’un suivi des dépenses alimentaires et de mécanismes de communication bidirectionnelle.
« En 2015, l’Université Concordia a profité de l’échéance d’un contrat de 13 ans avec ses services alimentaires pour renforcer sa performance sur le plan de la durabilité. […] La demande d’offres de services fixait des balises pour l’achat d’aliments locaux ou durables, en plus de réclamer des progrès dans le temps. […] »
7. Faire un suivi des dépenses alimentaires
Au départ, ce suivi peut représenter un défi, mais il s’agit d’un outil essentiel pour suivre les changements sur le plan des dépenses alimentaires. Communiquer ces données aux clients et travailleurs des services alimentaires, ainsi qu'aux membres de la haute direction et du conseil d’administration de l’établissement, contribue à maintenir leur engagement dans la démarche.
Pour effectuer le suivi des achats d’aliments locaux et durables, les établissements doivent exiger l’accès aux données dans les contrats qu’ils concluent avec les fournisseurs alimentaires.
8. Modifier le menu pour atteindre les objectifs de durabilité
Les menus constituent d’importants moyens permettant d’arrimer l’offre et la demande. De plus, leur modification peut engendrer des effets imprévus sur le développement des chaînes de valeur. Par exemple, en Nouvelle-Écosse, grâce au travail du Ecology Action Centre, des pêcheurs locaux ont trouvé une façon de répondre aux critères de qualité des établissements de santé tout en leur offrant un approvisionnement constant à un prix compétitif.
9. Cuisiner à partir d’ingrédients de base : bon pour les papilles et la santé, et pas plus cher
De nombreux services alimentaires utilisent des ingrédients transformés et des repas préparés, afin de réduire les coûts de la main-d’œuvre. Cependant, en modifiant leurs pratiques et en cuisinant à partir d’ingrédients de base, ces services peuvent compenser l’augmentation du coût de la main-d’œuvre par les prix moins élevés des aliments entiers saisonniers.
« Cuisiner à partir d’ingrédients de base a permis au Réseau des cafétérias communautaires (Nouveau-Brunswick) de mettre sur pied plusieurs activités de nature éducative et entrepreneuriale en collaboration avec des enseignants et des élèves, qui se sont partagé la responsabilité d’assurer une saine alimentation à l’école. »
10. Développer une culture alimentaire afin que les gens appuient le changement
Le personnel des services alimentaires se fait souvent demander d’utiliser davantage d’aliments locaux et durables, mais il doit composer avec un budget alimentaire préétabli, ou des installations restreintes.
Des visites à la ferme, de l’éducation alimentaire ou des activités de perfectionnement permettent de sensibiliser le personnel des services alimentaires aux bienfaits des produits locaux et durables pour la santé, l’environnement et les économies locales. De telles initiatives contribuent à créer une nouvelle culture alimentaire au sein des établissements.
3 projets québécois
Trois établissements du Québec ont participé aux projets financés par la Fondation de la famille J. W. McConnell :
- le Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides (CISSS des Laurentides)
- l’Université Concordia
- le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, avec la collaboration d’Équiterre.
Les informations ci-dessus sont tirées du document LE POUVOIR D’ACHAT : 10 leçons sur la manière d’augmenter l’approvisionnement des écoles, des hôpitaux et des campus en aliments locaux, sains et savoureux (2017). Jennifer Reynolds, Réseau pour une alimentation durable; Beth Hunter, Fondation de la famille J. W. McConnell.