Sport et loisirs

Le basket comme moteur d'inclusion sociale et d'éducation citoyenne

Le basket comme moteur d'inclusion sociale et d'éducation citoyenne

Écoles secondaires et primaires, pieds d’immeubles, fêtes de quartier : l’association Action Basket Citoyen intervient partout pour que les jeunes des quartiers défavorisés de Lyon aient accès à des activités sportives motivantes et formatrices. Rencontre avec Jean Belmer et Mathias Belmer, respectivement président et directeur de cette association lauréate de plusieurs prix.

Heure du midi dans la cour du collège Gabriel-Rosset à Lyon : les Green Anonymous affrontent les Dark Angels  au cours d’un match de basket endiablé. L’arbitre tempère les ardeurs des joueurs et joueuses, des journalistes sont à l’œuvre et des partisans s’époumonent. Tout ce beau monde a entre 11 et 15 ans et l’affaire est sérieuse : le tournoi « Challenge Gabriel-Rosset » se déploie sur toute l’année et les 600 élèves du collège y participent d’une façon ou d’une autre, 2 fois par semaine.

Ce projet est mis en œuvre par Action Basket Citoyen, dont Jean Belmer, ingénieur urbaniste à la retraite, est le cofondateur et président bénévole. Cette association organise de multiples activités dans certains quartiers défavorisés de Lyon. Objectif : l’éducation citoyenne des jeunes par le sport.

« En 2006, nous avons commencé par sillonner les quartiers défavorisés de Lyon dans un autobus aménagé en terrain de sport ambulant, les mercredis et samedis après-midi, ainsi que durant les vacances scolaires, raconte Jean Belmer. Six ans plus tard, nous avons décidé d’offrir nos activités tout au long de l’année en intervenant dans les écoles, sur l’heure du midi et après les classes. Puis, en 2013, s’est ajouté le Challenge Gabriel-Rosset. »

Photo tirée du compte flickr de Mme Najat Vallaud-Belkacem

Collège Gabriel-Rosset : le sport comme facteur de cohésion

Le visage du collège a radicalement changé grâce à ce projet qui rythme désormais le quotidien des élèves et de l’équipe-école. « Le climat s’est amélioré au collège Gabriel-Rosset où il y avait énormément de problèmes de discipline, de retards, et d’expulsions, explique Mathias Belmer. Dès la première année, les rapports disciplinaires ont chuté de 30 % ! »

Pas étonnant, lorsqu’on constate à quel point le projet est intégré à l’ensemble de la vie sociale et scolaire du collège. Par exemple, en début d’année, les élèves de chaque classe créent le blason de leur équipe pendant le cours d’éducation civique, choisissent un animal-totem et mettent au point un rituel d’avant-match.

Photo tirée du compte flickr de Mme Najat Vallaud-Belkacem

« La mixité fille-garçon fait partie de nos valeurs fondamentales : il doit y avoir des joueuses dans chaque équipe et à chaque match, tel que mentionné dans le règlement intérieur du collège. »

Autre point important : le résultat du tournoi ne dépend pas seulement des points marqués pendant un match, mais aussi de la qualité du travail des arbitres, du comportement des partisans et de la qualité des articles publiés dans le journal du collège par les journalistes en herbe. De plus, les points ne sont pas attribués individuellement, mais à toute la classe. Ainsi, si trop d’élèves arrivent en retard, l’équipe écope d’une pénalité.

Du côté de l’équipe-école, le professeur principal de chaque classe en est l’entraîneur, et les surveillants s’occupent de l’encadrement des matchs, de l’installation et de la gestion du matériel. « Le projet a été conçu sur mesure pour ce collège, précise Mathias Belmer. Et il tient la route depuis cinq ans, malgré l’habituel roulement de direction et de personnel dans un établissement scolaire et, ça, nous en sommes très fiers ! »

Photo tirée du compte flickr de Mme Najat Vallaud-Belkacem

Le sport comme projet éducatif

Le succès de cette initiative repose sur plusieurs facteurs, mais le fait qu’il soit intégré au projet d’établissement du collège contribue à sa pérennité. « Les professeurs qui partent passent le flambeau et les nouveaux enseignants adhèrent au projet sans se poser de questions, d’autant plus qu’ils sont très ouverts à recevoir de l’aide quand ils arrivent dans un collège dont la réputation est moyenne », indique Matthias Belmer.

Mais justement, la réputation du collège s’est améliorée ! Alors que seulement 60 % des jeunes décrochaient leur diplôme national du brevet (équivalent d’un secondaire 3 au Québec) en 2013, ils étaient 80 % en 2017. « Le crédit va bien sûr à l’ensemble des mesures mises en place par le collège, précise Jean Belmer, mais nous en faisons partie ! »

Ce projet a d’ailleurs été primé par l’Agence pour l’Éducation par le Sport (APELS) en 2015, dans le cadre du programme Fais-nous rêver, ce qui a valu au collège la visite de la ministre de l’Éducation nationale, Madame Najat Vallaud-Belkacem.

À la petite école aussi, on joue au basket citoyen !

Avec en tête l’idée de « suivre » les jeunes le plus longtemps possible, l’association a également investi six écoles primaires. Le mode d’intervention y est par contre très différent, puisqu’en France, c’est l’instituteur qui enseigne l’éducation physique. « Nous sommes présents dans une trentaine de classes et nous collaborons étroitement avec chaque instituteur », explique Mathias Belmer.

En amont, l’éducateur sportif d’Action Basket Citoyen et l’enseignant mettent au point un cycle de 10 à 12 séances de 60 à 90 minutes durant lesquelles ils vont travailler ensemble de façon transversale les compétences physiques, mais aussi plusieurs aspects psychosociaux comme le respect des règles et l’apprentissage de l’échec.

Mesure de la longueur d'une passe de basket dans la cour d'école

« Les matières scolaires comme les mathématiques peuvent également être abordées, souligne Mathias Belmer. Par exemple, l’apprentissage du calcul de la vitesse peut reposer sur des courses chronométrées effectuées la semaine précédente. Raconter les jeux actifs auxquels ils ont participé permet aux jeunes d’apprivoiser l’expression écrite et orale. »

À la fin du cycle, l’enseignant et l’éducateur sportif font un bilan dans le but d’améliorer l’intervention chaque année.

Visite en entreprise pour les élèves de secondaire 3

Le financement : 220 000 euros par année

Cinq éducateurs sportifs, et un directeur travaillent à temps plein pour Action Basket Citoyen, ce qui est un tour de force dans le milieu associatif selon Jean Belmer. « Nous allons chercher du financement public grâce à différents programmes, mais 50 % de notre budget de 220 000 euros provient du secteur privé », précise-t-il.

« Nous avons aussi été lauréat national du programme Fais-nous rêver en 2006, ajoute le président. Cette notoriété nous a permis de répondre à des appels à projets des fondations de grandes entreprises et d’obtenir un soutien financier récurrent de l’Agence Nationale pour les Chèques-Vacances. »

Équipe 2018 d'Action Basket Citoyen. Au centre, Jean et Mathias Belmer au centre

Des projets plein les bras et plein la tête

Même si la recherche de financement se fait de haute lutte, comme le dit si bien Jean Belmer, le militant associatif de longue date et son équipe sont toujours prêts à aller plus loin : « Depuis 2015, nous intervenons à petite échelle dans un collège qui accueille des allophones, mais aussi des élèves autistes. L’activité sportive sur l’heure du midi contribue à une meilleure cohabitation entre ces jeunes. »

De plus, depuis peu, les éducateurs sportifs travaillent de façon ponctuelle auprès de jeunes décrocheurs de 18 à 25 ans qui fréquentent une antenne lyonnaise de l’École de la deuxième (E2C). « C’est un nouveau groupe d’âge pour nous, souligne Mathias Belmer. Une fois par semaine, nous accueillons une douzaine d’élèves pour une activité sportive ponctuelle. »

Et c’est sans compter, depuis trois ans, les camps nature d’une semaine offerts à très faible prix : 64 jeunes en profiteront cet été. Sans oublier la journée en entreprise organisée pour les élèves en dernière année, qui se termine par un match de basket entre des équipes formées d’élèves et d’employés, les stages d’initiation sportive et bien d’autres activités.

Tout est loin d’être rose dans les quartiers défavorisés de l’agglomération lyonnaise, mais les milliers de jeunes qui participent chaque année aux activités d’Action Basket Citoyen ont tous l’occasion de marquer des points sur le terrain et dans leur vie.

Photo en vedette tirée du compte flickr de Mme Najat Vallaud-Belkacem
Autres photos : Action Basket Citoyen

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