Samedi 7 octobre, l’OSBL Puamun Meshkenu organisait le premier Challenge Stanley Vollant, une marche de 4 ou 6 kilomètres sur les hauteurs du mont Royal et qui rassemblait Autochtones et non-Autochtones. 100º était sur place.
C’est sous un ciel gris et menaçant que, à l’invitation de Stanley Vollant, quelque 200 braves marcheurs et marcheuses se sont rassemblés près du Lac-aux-Castors pour participer à l’événement. Ce premier Challenge Stanley Vollant marquait le coup d’envoi des activités de l’organisme Puamun Meshkenu (Chemin des mille rêves). Sur place, des chanteurs autochtones battaient le tambour au rythme d’envoûtantes mélopées. Puis, après les discours de circonstance, la foule s’est doucement ébranlée en direction du chemin Olmstead qui serpente sur le sommet du mont Royal. Nous nous sommes entretenu avec Stanley Vollant qui nous a accordé une entrevue de 2 kilomètres...
100º : La marche, c’est le point commun d’Innu Meshkenu et de Puamun Meshkenu ?
Stanley Vollant : Innu Meshkenu, signifie le chemin des humains. Puamun Meshkenu, c’est le chemin des rêves. Donc, la marche continue. Et c’est d’abord parce que la marche est commune à tous les peuples. Mais c’est aussi un symbole fort qui exprime que l’on va de l’avant. Pour atteindre nos rêves. Pour développer notre plein potentiel, tout en demeurant en santé physique, mentale, spirituelle, et émotionnelle. C’est donc une façon de promouvoir les saines habitudes de vie. Et surtout, nous marchons ensemble afin de créer un monde meilleur pour l’avenir de nos enfants.
Et vous marchez toujours accompagné de votre bâton ?
Oui, mon bâton des mille rêves. Il m’a été légué par un ami de mon grand-père, en 2013. Et quand j’ai commencé à l’utiliser lors de mes marches, les jeunes voulaient me l’emprunter. Alors, je leur ai dit que, en retour, ils devaient me donner quelque chose. Et je leur ai demandé de confier leurs rêves à mon bâton. C’est à ce moment que j’ai vu l’effet que ça pouvait avoir sur eux. Avec quelle émotion ils étreignaient le bâton ! À quel point ils voulaient croire à leurs rêves ! Et c’est comme ça que, en 4 ans, j’ai ramassé, avec mon bâton, presque 17 000 rêves de jeunes, et aussi de moins jeunes.
C’est donc un bâton très précieux !
Et que je souhaite passer à quelqu’un d’autre dans un futur rapproché. À une personne qui va continuer de porter mon message et convaincre les gens de croire en eux, de croire en leurs rêves et d’apprendre à vivre ensemble.
Qu’est-ce qui change vraiment avec Puamun Meshkenu ?
Innu Meshkenu, c’était un chemin de guérison, un chemin d’avenir. J’avais fait le rêve de marcher à la rencontre des jeunes pour leur dire de persévérer, de ne jamais abandonner, et de se tenir loin des drogues et de l’alcool qui peuvent vite transformer un rêve en cauchemar. Maintenant, avec Puamun Meshkenu, la thématique centrale tourne autour de la réconciliation. Je veux organiser des marches communautaires qui rassemblent Autochtones et non-Autochtones. Mon but, d’ici 2021, c’est de faire marcher simultanément les 62 communautés autochtones ! Un peu comme aujourd’hui, alors que des gens marchent à Montréal, mais aussi à Mashteuiatsh, Val-d’Or et Lac-Simon. Dès l’an prochain, on vise une marche simultanée dans 12 communautés à travers le Québec.
Pour faire marcher le plus de gens possible…
Exactement. Durant ma longue marche Innu Meshkenu, je pouvais être accompagné par 15 personnes pendant 3 semaines. C’est sûr que ça transformait ces 15 personnes là. Mais si je suis capable de faire marcher 62 communautés en même temps, faire en sorte qu’elles s’y préparent pendant l'année, ça va faire marcher des milliers de personnes.
Prenez le mont Royal. C’est devenu la plus belle salle d’entraînement à Montréal. Je ne voyais pas ça, il y a 15 ou 20 ans. Mais là, maintenant le soir, il y a tellement de gens qui viennent s’entraîner ! On sent que le message des saines habitudes de vie, vous les non-Autochtones, vous l’avez saisi, même s’il reste du travail à faire. Par contre, chez nous, les Autochtones, on est à des années-lumière de ça. Il y a énormément de travail à faire. Et pourtant nous étions de grands marcheurs. C’est pour ça que je veux promouvoir la marche comme une activité qui célèbre aussi la culture et l’histoire de nos peuples.
En donnant l’exemple…
Mon grand-père disait : « Fais la chose et les gens vont te suivre. Travaille, et les gens vont travailler avec toi. Si tu fais juste parler, ils vont t’écouter, peut-être, mais ils ne feront rien. » D’ailleurs, mon grand-père m’enseignait les choses en marchant. Il m’a appris l’éthique du travail. Il me disait toujours : « Finis ce que tu as entrepris. » Et surtout, il m’a appris la fierté d’être Autochotone, d’être Innu. Il m’a fait comprendre que le vivre-ensemble et l’entraide étaient des valeurs au cœur de la culture autochtone. Des valeurs qu’il faut retrouver au risque de perdre notre histoire, notre culture, notre langue. Sinon, on sera seulement Autochtone de peau, mais on ne sera plus Autochtone de cœur, ni d’esprit.