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Dans sa plus récente publication, Bâtir ensemble des chemins vers l’école, le Lab-École s’est donné le défi de repenser les environnements qui mènent vers l’école, mais à hauteur d’enfant, que ce soit à pied, à vélo, en trottinette, en voiture ou en autobus. Une vaste réflexion à laquelle sont invités à prendre part les centres de services scolaires, les municipalités, les instances gouvernementales, et tous les adultes qui gravitent autour des enfants.
Incubateur d’innovations scolaires, le Lab-École a été fondé par l’architecte Pierre Thibault, le chef Ricardo Larrivée ainsi que l’athlète et conférencier Pierre Lavoie. Ce dernier était évidemment responsable des enjeux entourant les gymnases, les cours d’école, mais aussi le transport actif vers l’école. En entrevue à 100º, Pierre Lavoie nous parle de ce nouveau guide créé afin d'offrir aux enfants de meilleurs chemins vers l’école.
Les obstacles sur le chemin de l’école
« Avec le Lab-École, explique Pierre Lavoie, l’État nous a confié un mandat très important. On devait donc examiner tous les angles; là où il y a des améliorations à apporter. Et on savait que le transport vers l’école, c’est crucial pour créer les citoyens actifs de demain. Car les enfants qui, dès le départ, ont pris l’habitude de se déplacer de manière active, ils ont de bonnes chances de demeurer physiquement actifs pour le reste de leur vie. »
Or, à l’heure actuelle, la grande majorité des jeunes se déplacent en autobus ou en voiture pour aller à l’école. Une des raisons qui explique ce phénomène, c’est souvent la trop grande taille des écoles, une tendance qui nous vient d’ailleurs des États-Unis. Quand une école compte quelque 500 enfants et plus, un bon nombre d’entre eux vont forcément habiter à plus de 1,6 km de distance. C’est la limite à partir de laquelle les parents peuvent se prévaloir du transport par autobus scolaire. Et en deçà du 1,6 km, plusieurs parents vont quand même choisir de reconduire leurs enfants en voiture, soit par manque de temps ou pour des considérations liées à la sécurité.
Et tout ce beau monde se donne rendez-vous à peu près au même moment. Parce que les écoles n’autorisent qu’une courte plage horaire durant laquelle on peut déposer les enfants. Ce qui engendre, on le sait, une véritable cohue qui met à rude épreuve la patience des parents et met à risque la sécurité des enfants. Ce qui fait, d’ailleurs, que plusieurs parents vont préférer la voiture justement pour des raisons de sécurité. Un cercle vicieux qui aggrave la situation.
« Nous, au Lab-école, enchaîne Pierre Lavoie, ce qu’on recommande, entre autres, c’est d’allonger la période durant laquelle on peut déposer les enfants. Pour diminuer la congestion, et laisser plus de temps aux enfants pour se rendre à l’école. Toutes ces choses-là, les parents les vivent. Les écoles les vivent. Et nous, notre travail, c’est d’apporter un éclairage sur ce genre de problème. Et leur dire que c’est possible de les régler en s’assoyant tous ensemble et en regardant les manières de faire différemment. »
Un guide à hauteur d’enfant
Le but de ce guide, c’est d’abord de brosser un portrait de la situation, à l’échelle de la province, des municipalités, des écoles et des enfants. Puis de marquer un temps d’arrêt afin de réfléchir et de rêver à de nouveaux chemins vers l’école. Il se veut complémentaire des autres publications qui traitent de ces enjeux, mais qui le font de manière plus pointue. Car dans le guide du Lab-École on ne parle pas de trottoirs, de bollards, de dos d’âne, de signalisation, puisque ce sont des solutions à hauteur d’adulte. Les auteurs de ce guide ont plutôt voulu sortir du cadre pour se placer à hauteur d’enfant.
D’ailleurs, afin de bien faire comprendre la multiplicité des expériences que peuvent vivre les enfants sur le chemin de l’école, le guide donne la parole à quatre d’entre eux : William, Emma, Margot et Nassim. Chacun et chacune, à sa manière, racontent les parcours qu’ils empruntent pour se rendre à l’école, mais aussi qu’ils vivent dans leur tête.
« Il faut savoir, insiste Pierre Lavoie, que les enfants, dès qu’ils franchissent le seuil de la maison, eh bien ils se retrouvent déjà en posture “école”. Le chemin vers l’école fait partie intégrante de leur expérience scolaire. Et si, dans notre guide, on place l’enfant au cœur de nos réflexions, c’est parce que c’est lui qui est assis dans la voiture, c’est lui qui est assis dans l’autobus, c’est lui qui est sur son vélo, sa trottinette ou à pied. Et je considère que tous les enfants méritent d’avoir un moment pour marcher. »
« Dans le guide, souligne-t-il, on propose notamment aux écoles de désigner différents points de chute, mais à une certaine distance de leur entrée. Pour que les enfants qui viennent par autobus, ou en voiture, aient aussi l’occasion de marcher vers l’école. On rêve aussi à des “sentiers” : le nom qu’on donne par exemple à des chemins que les enfants vont pouvoir emprunter de manière sécuritaire, par eux-mêmes. Pas accompagnés par leurs parents. Parce que, pour bien des parents, le chemin vers l’école c’est de se déplacer du point A vers le point B. C’est le chemin le plus court, le plus rapide. Alors que pour l’enfant, le chemin vers l’école c’est aussi un lieu d’exploration, de découverte. C’est aussi se promener. »
La marche: une activité physique inclusive
Le principe de fonctionnement du Lab-École repose sur la multidisciplinarité. Ce qui implique de réunir le personnel enseignant, les spécialistes du milieu de l’éducation, les parents, les membres du service de garde, les communautés, les élues et élus, les directions d’école, les architectes, architectes de paysage, les urbanistes, les expertes et experts des modes de vie sains et actifs, et, bien sûr, les enfants. Et ce, pour penser l’école de demain. Or, cela représente, aux yeux de Pierre Lavoie, une grande force.
« Parce qu’établir des liens entre une ville et un centre de service scolaire, c’est pas facile, confie-t-il. Mais avec le Lab-École, tout le monde est assis à la même table. C’est pour ça que ça débouche sur de bonnes idées qu’on peut ensuite transmettre aux autres. C’est comme ça qu’on peut repenser l’écosystème autour de l’enfant. Parce que l’activité physique, c’est pas juste dans le gymnase que ça se passe. C’est pas juste dans la cour d’école. C’est aussi avec le transport actif, à l’extérieur de l’école. Et cet aspect-là, il est encore mal exploité. »
« Je le dis souvent, la marche c’est le premier et le dernier sport qu’on va faire. Et l’un des grands avantages de la marche, c’est que c’est inclusif. Il n’y a pas de comparaison, pas de jugement, pas d’évaluation, pas de mesure. Sauf exception tout le monde peut marcher. Et l’enfant qui marche vers l’école, c’est bon pour son corps et c’est bon pour son esprit, car il peut socialiser, il peut jouer avec ses amis, il peut découvrir la nature, les saisons… »
S’approprier le 1,6 km
Un des constats réalisés par les auteurs de ce guide, c’est que, selon la loi sur l’instruction publique, les centres de services scolaires sont uniquement tenus de s’occuper des enfants qui sont dans les autobus scolaires et dans les autobus de transport adaptés. Autrement dit, l’élève marcheur n’est pas reconnu comme nécessitant des services spéciaux. En conséquence, rares sont les écoles qui fournissent de l’information sur la présence de brigadiers scolaires, sur les rues qui ont été ciblées pour la sécurité des enfants en partenariat avec la Ville, sur les emplacements des supports à vélos ou des portes par lesquelles les enfants peuvent entrer s’ils viennent à pied.
Une situation représentative du défi que l’on doit tous relever et que Pierre Lavoie résume par cette formule : « S’approprier le 1,6 km ». Et nous en avons eu un bel exemple, lors du lancement de Bâtir ensemble des chemins vers l’école, qui s’est tenu au Canton de Shefford, là où vient d’être construite une des six écoles pensées par le Lab-École. Une occasion qu’a d’ailleurs saisie la municipalité pour améliorer ses infrastructures de transport actif. Ce qui a changé les habitudes de vie de plusieurs parents et enfants, comme en témoignait le jeune Gabriel : « L’année passée, je me lançais un défi de prendre l’autobus moins de 10 fois au cours de l’année. J’ai finalement pris l’autobus 6 fois. Et cette année, je vais battre mon record. Je vise à ne pas aller du tout en autobus à l’école ».
« Je n’ai aucun doute, affirme Pierre Lavoie, que tout le monde veut s’assurer que les enfants soient actifs pour la vie. Et ça, ça passe par l’activité physique. C’est ne pas juste faire du sport. Le rôle d’une école, ce n’est pas de fabriquer des champions dans les sports. Son rôle, c’est de développer les compétences des enfants dans différentes matières. C’est pour ça que le transport actif c’est important. Que le jeu dans la cour d’école, c’est important. Que l’activité physique dans le gymnase, c’est important. Que le parascolaire, c’est important. Mais il faut le faire dans un esprit de camaraderie et de plaisir. De la mesure et de l’évaluation, on fait ça beaucoup trop tôt au Québec. Il faut revenir à l’intérêt de l’enfant ! »