Santé et société

Repenser collectivement la place de l’alcool dans la société

Repenser collectivement la place de l’alcool dans la société

Ressource

Durant le mois de février, la Fondation Jean Lapointe invite les Québécois·es à s’abstenir d’alcool et à en profiter, pendant ces 28 jours, pour réfléchir à leur relation avec cette substance. Comme l’alcool est consommé par plus de 8 personnes de 12 ans et plus sur 10, dans notre province, et qu’il est associé à plus de 200 problèmes sociaux et de santé, ce questionnement personnel, qui revient chaque année, est certes le bienvenu. Toutefois, je suis d'avis que nous avons aussi besoin d’entreprendre une vaste introspection collective sur l’alcool. Vous êtes partants ?

Avez-vous déjà constaté que l’alcool occupe un pan important de notre culture et que sa consommation est souvent banalisée ? On le positionne en l'associant au plaisir, à la récompense, « parce qu’on le mérite » ou, plus récemment, au besoin de se consoler du malheur pandémique. D'ailleurs la liste des émissions qui lui accordent une place de choix est trop longue pour être dressée ici. En outre, les joutes sportives ainsi que les spectacles d’humour et de musique – du moins, à l’époque où on avait la joie de pouvoir y assister – sont aussi commandités par les produits alcoolisés.

Consommation d'alcool

L'alcool au quotidien

Voilà une scène typique dans nos téléromans ou dans les films : une mauvaise journée se termine pratiquement toujours par un grand verre… ou plusieurs. Et quand c’est une bonne journée, eh bien, il faut la fêter! Quoi de plus normal, de plus banal ! On ne se surprend même plus de l'omniprésence de l'alcool, du matin au soir, sur nos écrans.
L’alcool est aussi partout dans nos espaces publics, nos rassemblements présentiels comme virtuels et nos réseaux sociaux. Les commerces lui préparent des étalages colorés impossibles à manquer. Ainsi que le montrait un récent rapport de l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) sur le marketing de l’alcool, la publicité de cette substance remplit nos vies : de nos cellulaires jusqu'à nos autoroutes.

Publicité d'alcool

Une traîtresse ivresse collective ?

Envoûté·e·s par ses saveurs et sa capacité à réchauffer les cœurs et à engourdir les pensées désagréables, aurions-nous collectivement laissé l’alcool s'imposer en tant que stratégie de mieux-être, tout en oubliant qu’il s’agit aussi d’un produit cancérigène, d’un dépresseur tout en étant un facteur qui accroît les risques de suicide, de traumatismes et de la violence ? En plus des souffrances, les méfaits de l’alcool engendrent annuellement près de 3 milliards de dollars de dépenses, au Québec, en coûts sociaux et de santé. Or, bon nombre d’entre eux sont évitables. Avons-nous vraiment les moyens de nous satisfaire du statu quo ?


Plus encore, lorsque je promène mon regard à l’épicerie, ou sur les pubs des abribus, quand je vois les promotions du Superbowl ou les commerciaux à la télévision, je ne peux qu’avoir une pensée empathique pour les quelque 2,7 % de mes concitoyen·ne·s qui sont aux prises avec une dépendance à l’alcool et pour les milliers de Québécois·es qui en ont déjà souffert et qui luttent pour éviter la rechute. A-t-on vraiment besoin de lui accorder une telle visibilité ?


Je pense aussi aux femmes enceintes. Si, pour plusieurs d'entre elles, éviter de boire de l'alcool pendant la grossesse est facile, nombreuses sont celles qui avouent que c'est beaucoup plus ardu qu'on ne le croit, si bien que certaines d’entre elles continuent d'en consommer malgré ses effets toxiques sur le fœtus. Pourrait-on les soutenir davantage et protéger les enfants à naître en modifiant nos milieux de vie et en réévaluant la place que prend l’alcool dans nos rencontres et dans notre société en général ?


Enfin, je pense à nos jeunes. Les études démontrent que l'exposition à la publicité et à la promotion de l’alcool favorise une initiation précoce à cette substance psychoactive, alors que le cerveau est en plein développement. La publicité contribue aussi à une consommation plus importante. Si bien que la témérité naturelle de l'adolescence, jumelée à la banalisation de cette substance, engendre chez nos jeunes des intoxications à l’alcool dont le nombre va croissant. Or, qui sont leurs modèles ? Quels messages notre société leur envoie-t-elle ?

Consommation d'alcool

Consommation éclairée

Sans diaboliser l’alcool, comme ce fut le cas à l’époque de la légende de la Chasse-galerie ou de la prohibition, il semble qu’on ait laissé le balancier s'éloigner un peu trop de son état d’équilibre. En le recentrant, ensemble, nous pourrions faire en sorte que consommer ou non devienne réellement une décision personnelle plutôt qu’une conséquence de la surexposition et de l’invitation continuelle à boire de l’alcool dans nos milieux de vie.


Afin de nourrir cette réflexion collective et de contribuer à redonner une juste place à l’alcool dans notre société, l'ASPQ documente actuellement les facteurs qui en influencent la consommation ainsi que la norme québécoise. Elle collige et analyse aussi les stratégies et politiques qui ont eu du succès sur la réduction des méfaits de l’alcool. Je serai d'ailleurs heureuse de partager nos découvertes et de recueillir vos réactions au fil des prochains mois pour faire cheminer ces réflexions. Notre objectif : identifier les efforts concrets qui pourraient faire une différence sur le mieux-être des Québécois·es en général, mais surtout pour les personnes plus vulnérables face à l’alcool comme celles qui vivent une dépendance ou en ont vécu une, les jeunes et les femmes enceintes.


Et comme le veut l'adage : « Pour faire durer le plaisir, ne le prends qu'à petite dose ». 

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