Santé environnementale

Un appel à protéger le fleuve Saint-Laurent

Un appel à protéger le fleuve Saint-Laurent

Ressource

En mars 2022, l’Observatoire international des droits de la Nature (OIDN) a créé l’Alliance Saint-Laurent afin que le fleuve soit reconnu comme une personnalité juridique. Quels sont les dangers qui guettent le fleuve et comment un cadre juridique pourrait-il le protéger ? Le documentaire « Des Rives. Regard sur le fleuve », se penche sur ces enjeux et nous propose, quel que soit notre âge, de devenir des « Gardiens du fleuve ». Entretien avec Billie-Jazz Marcuzzo-Roy, coréalisatrice de ce film.

Billie-Jazz Marcuzzo-Roy est écoéducatrice et chargée de projet pour Le Semoir, un organisme qui propose une centaine d’ateliers d’écoéducation. Elle anime un atelier durant lequel elle présente le documentaire « Des Rives. Regard sur le fleuve » dans le but de sensibiliser les jeunes à l’importance de protéger le Saint-Laurent. Ce documentaire a été présenté le 22 février en première montréalaise, lors d’une projection qui était suivie d’une activité de mobilisation et à laquelle 100° est fier de s’être associé.

Bien que des moments poétiques ponctuent le documentaire, celui-ci met en lumière la vulnérabilité du fleuve Saint-Laurent. Quels sont les dangers qui le menacent ?


Ils sont nombreux ! Nous en abordons trois : la pollution sonore causée par la navigation commerciale et de plaisance, la pollution par les microplastiques et le réchauffement des eaux de surface.

 
Comment réagissent les jeunes après avoir vu le documentaire ?


Ce qui les surprend le plus, c’est la quantité de microplastiques dans le fleuve. Ça vient les réveiller, parce qu’il s’agit d’une pollution qu’on ne voit pas. Ce sont des particules ayant une taille allant de 0,1 micromètre à 5 millimètres.


La pollution par le bruit les touche également beaucoup. Quand on leur explique que les bélugas utilisent les sons pour communiquer, se nourrir, naviguer et se reproduire, ils réalisent à quel point la circulation maritime perturbe leur cycle de vie. Ainsi, lorsqu’un retrouve un veau mort, autrement dit un bébé béluga, on s’imagine qu’il a été contaminé, mais non, il s’est perdu, car la communication avec sa mère a été brouillée par le bruit des bateaux.

Regard sur le Saint-Laurent

Que pensent les jeunes de la solution proposée par l’Observatoire international des droits de la nature ?

Je vois des étincelles dans leurs yeux ! Ils trouvent que l’idée de donner des droits au fleuve est géniale et ils se sentent moins impuissants. Le documentaire montre que la rivière Magpie (Muteshekau-shipu), située sur la Côte-Nord, a obtenu un statut juridique en 2021, grâce à la mobilisation du milieu. Le Conseil des Innus de Ekuanitshit et la MRC de la Minganie ont adopté une résolution accordant neuf droits à la rivière, dont les droits de couler, de maintenir sa biodiversité et d’intenter une action en justice. C’est une première au Québec et au Canada, mais les droits de la nature sont de plus en plus reconnus à travers le monde et je suis convaincue que le mouvement va prendre de l’ampleur ici aussi !


Dans la même veine, en collaboration avec des experts internationaux, l’Observatoire international des droits de la nature a rédigé deux projets de loi, qui ont été déposés en mai 2022, devant l’Assemblée nationale (projet de loi 990) et devant le Parlement canadien (projet de loi C-271).

Regard sur le Saint-Laurent
Groupe de recherche et d'éducation sur les mammifères marins (GREMM)

Quels seraient les effets concrets de ces projets de loi s’ils étaient adoptés ?


Actuellement, au regard de la loi, l’eau n’est qu’une ressource et non pas un milieu de vie. Sa fonction environnementale est ignorée, au profit de considérations politiques, économiques et administratives. La loi permettrait de considérer le Saint-Laurent comme une entité ayant des droits juridiques. Par exemple, en donnant au Saint-Laurent le droit à sa biodiversité naturelle, on protégerait de façon formelle et préventive tous ses écosystèmes, qu’ils soient en eau douce ou en eau marine. Actuellement on attend qu’une espèce soit en péril ou menacée pour agir.


Donner des droits au Saint-Laurent permettrait ainsi de renforcer plusieurs réglementations trop permissives, dont celle qui encadre la circulation des bateaux commerciaux. De plus, le cadre légal actuel ne tient pas compte des données scientifiques qui montrent que le fleuve est en grand danger. Il est plutôt favorable aux impératifs économiques. Il s’agit de passer d’une justice environnementale, dont l’humain est le centre, à une justice écologique qui inclut toutes les espèces, y compris les humains.

Regard sur le Saint-Laurent

Comment peut-on contribuer à cette justice écologique ?


En demandant à sa municipalité et à ses députés de signifier officiellement leur appui au projet de loi. J’ai proposé à l’Observatoire international des droits de la nature de former les futurs Gardiens du Fleuve. Ainsi, à l’occasion de mes ateliers, je lance un appel à l’action et je fournis aux participants un canevas qui leur permet de faire cette démarche auprès des élus municipaux, provinciaux et fédéraux.


Je remets également un macaron « Gardien du fleuve » aux jeunes qui participent à l’atelier et je leur propose d’organiser le nettoyage des rives d’un cours d’eau ou de créer une œuvre d’art en lien avec le fleuve. Lorsque je reçois une confirmation de leur action, je leur envoie par la poste un diplôme de Gardien du fleuve affichant le logo de l’Observatoire international des droits de la nature, du Semoir et du film.


Les élèves de l’école secondaire Bon Pasteur de L’Islet m’ont fait part de leur projet de fabriquer un rideau en plastique avec les contenants utilisés à la cafétéria, afin de sensibiliser les élèves à la pollution des cours d’eau par les microplastiques. C’est inspirant ! De plus, dans cette même école,  un groupe de  jeunes adultes en cheminement particulier sont en train de fabriquer les  macarons « Gardien en Herbe ».

Regard sur le Saint-Laurent

Plusieurs acteurs ont déjà fait part de leur appui au projet de loi.


En effet. Actuellement, 16 municipalités et le Conseil tribal Mamuitum, qui regroupe cinq nations innues, ont manifesté leur appui au projet de loi, ainsi que deux centres de recherche, sept organisations non gouvernementales, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et 2 500 citoyens. Je porte l’idée de partir en tournée pour présenter le documentaire partout au Québec, afin de créer un lien d’appartenance au fleuve qui soit solide, individuel et collectif. C’est ce sentiment d’appartenance et le désir d’une responsabilité partagée qui peut changer la donne ! Si des pays comme la Colombie, l’Inde, le Bangladesh et la Nouvelle-Zélande ont reconnu les droits de certains fleuves, il est temps d’en prendre bonne note. En 2008 l’Équateur a même inséré dans sa Constitution la reconnaissance des droits de la nature.

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Note. L’atelier Des Rives, s’adresse aux élèves de 10 ans et plus, aux regroupements citoyens, aux MRC et à tout groupe désirant voir le documentaire.


Pour signer la pétition demandant au gouvernement du Québec d’adopter un projet de loi qui reconnaît la personnalité juridique du Fleuve : Alliance Fleuve Saint-Laurent.

Sauf indication contraire, les photos sont tirées du documentaire.

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