En 2012, Face aux vents organisait la première thérapie d’aventure pour de jeunes adultes vivant un premier épisode de psychose. Seul organisme québécois en intervention par la nature et l’aventure spécialisé en santé mentale, Face aux vents n’a cessé au fil des années de diversifier son expertise et sa clientèle pour permettre au plus grand nombre de personnes possibles de profiter de l’extraordinaire potentiel de l’intervention par le plein air.
« On fait partie d’un mouvement qui croit que le plein air peut apporter quelque chose de plus, confie d’entrée de jeu Jean-Philippe Leblanc, directeur général et fondateur de Face aux vents. Mais sortir des sentiers battus, ça implique parfois d’avoir de la neige jusqu’aux hanches. » En effet, malgré la reconnaissance scientifique du milieu de la santé, l’organisme peine toujours à obtenir les fonds gouvernementaux pour pérenniser sa mission.
Première thérapie d’aventure au Québec
Guide en tourisme d’aventure chevronné, Jean-Philippe Leblanc a longtemps mené des groupes à la conquête des plus hautes montagnes du monde. « C’étaient des gens à succès, raconte-t-il, et plusieurs étaient frustrés de ne pas parvenir jusqu’au sommet. L’échec faisait partie du voyage et, pour moi, ça manquait de sens. J’ai alors eu envie de faire l’inverse : guider des gens qui vivent des difficultés et leur faire vivre une réussite à travers le plein air. »
Particulièrement sensible aux problèmes de santé mentale, Jean-Philippe Leblanc approche la clinique JAP (Jeunes adultes psychotiques) du Centre hospitalier de l’Université de Montréal. Dès la première rencontre, en 2011, son idée séduit l’équipe soignante. Un projet pilote sous le nom de « Un brin de folie » est rapidement mis sur pied.
À l’automne 2012, neuf jeunes adultes ayant vécu un premier épisode de psychose et deux ergothérapeutes de la clinique JAP, accompagnés par Jean-Philippe Leblanc, prennent part à une expédition de randonnée pédestre et de canyoning dans la vallée Bras-du-Nord. L’expérience qui s’insère dans le plan de traitement des jeunes adultes psychotiques est un succès. « Les intervenants ont vu plusieurs effets bénéfiques sur la clientèle, poursuit Jean-Philippe Leblanc, comme l’énergie qui était plus présente, l’adhérence au traitement qui était plus facile, ainsi que la relation entre les participants et les intervenants qui s’était développée pendant le projet. » Convaincue que la nature et l’aventure peuvent contribuer à la santé mentale, la docteur Amal Abdel Baki, psychiatre et chef de la clinique JAP, ne tarde pas à convaincre Jean-Philippe Leblanc de créer un organisme communautaire pour offrir ses services à d’autres clientèles. Au printemps 2013, Face aux vents était créé.
« Il fallait un nom pour l’organisme et quand on a trouvé “Face aux vents”, c’était tout à fait cela. Quand tu vis avec la maladie mentale, il faut se remettre debout, il n’y a personne d’autre que toi-même qui peut le faire. Faire face aux vents, c’est faire face à l’adversité, faire face à soi-même, le fait de se relever et d’avoir une énergie vers l’avant. » - Jean-Philippe Leblanc
De la thérapie en pleine nature
Tout en poursuivant sa collaboration avec la clinique JAP, Face aux vents organise et guide aujourd’hui des thérapies par l’aventure élaborées en partenariat avec des cliniques et des organismes communautaires en santé mentale de partout au Québec. Chaque expédition compte un maximum de dix participants accompagnés d’au moins deux professionnels de la santé de l’équipe traitante. « Notre approche est complémentaire à la médication ou aux suivis psychosociaux, précise Jean-Philippe Leblanc. Nous prenons en charge toute la logistique matérielle et organisationnelle, afin de permettre au personnel clinique d’optimiser les interventions thérapeutiques. »
Randonnée pédestre, canot, vélo de montagne, kayak de mer, canyoning… : les activités de plein air sont aussi diversifiées que les destinations, mais les expéditions, généralement d’une durée de quatre jours, sont toujours adaptées en fonction des besoins et des particularités de la clientèle. « Notre force chez Face aux vents, explique Nicholas Bergeron, intervenant plein air et chargé de cours à l’Université du Québec à Chicoutimi, c’est qu’on travaille avec les psychiatres, les psychologues et les ergothérapeutes. Comme intervenants plein air, on s’assure de créer un milieu propice et de faciliter le travail d’intervention qui se déroule sur le terrain. Ce n’est pas du plein air récréatif, car ça relève vraiment de la thérapie. »
« L’approche fait partie du plan de traitement et Face aux vents offre les services pour réaliser cette approche-là. On ne peut pas s’inventer intervenant plein air. Il faut savoir comment fonctionne l’approche pour être capable de la rendre efficace. C’est un processus très rigoureux. » - Nicholas Bergeron
Une approche reconnue par la science
Basée sur un diagnostic, la thérapie d’aventure vise des objectifs spécifiques de traitement. Pour assurer sa rigueur, Face aux vents collabore avec de nombreux chercheurs en psychologie et en psychiatrie pour évaluer l’impact de ses activités. Depuis cinq ans, une équipe de la clinique JAP étudie particulièrement l’impact de la thérapie d’aventure sur les jeunes psychotiques. Les résultats préliminaires montrent que la thérapie d’aventure améliore leur sentiment d’efficacité personnelle et favorise l’engagement dans leur processus de rétablissement. L’expédition renforce également le lien thérapeutique entre le patient et les intervenants présents aux activités. « Il y a vraiment une nouvelle génération de médecins qui croient en des approches complémentaires en psychiatrie, tient à dire Jean-Philippe Leblanc. Certains paient même les projets de leurs poches pour amener leurs patients avec nous. »
Alors que la science démontre de plus en plus les nombreux bienfaits de la thérapie par l’aventure sur les relations, l’estime de soi et la motivation des participants, Face aux vents a réalisé cette année un premier projet orienté vers la prévention en santé mentale. Développé en collaboration avec l’École internationale Montessori de Montréal, le projet visait à mieux outiller les jeunes finissants de 6e année pour faire face au stress de leur entrée au secondaire. L’expédition a été une réussite et encourage Face aux vents à poursuivre sa mission en incluant l’aspect prévention en santé mentale. « La santé mentale, c’est encore le parent pauvre de la santé au Québec, observe Jean-Philippe Leblanc. On fait beaucoup de projets en traitement et rétablissement, mais le plein air offre aussi un contexte extraordinaire pour faire de la prévention. »
Faire face aux vents contraires
Reconnu par le Centre national d’excellence en santé mentale, le Département de psychiatrie du CHUM, l’Association québécoise des programmes pour Premiers épisodes psychotiques et plusieurs universités, Face aux vents aspire à poursuivre son développement pour répondre aux besoins qui sont immenses. « Maintenant qu’on a bâti la solidité de l’approche, on est prêts à la déployer, confirme Nicholas Bergeron, mais on ne peut le faire si on n’a pas plus de ressources. » Face aux vents est en effet l’un des rares organismes communautaires qui ont moins de quinze années d’existence et se bat désespérément pour obtenir la reconnaissance du gouvernement qui assurerait sa permanence.
« C’est relativement novateur, poursuit Jean-Philippe Leblanc. Mais la mission est là et nos valeurs sont bien ancrées. » Aussi le fondateur de l’organisme est fier de ce que l’organisme a réussi à réaliser en quelques années et entend bien poursuivre sa mission. Grâce à son engagement sans faille, la thérapie par l’aventure a fait ses preuves auprès des gens souffrant de problèmes de santé mentale en les aidant à leur tour à prendre conscience que le plus important n’est pas d’atteindre le sommet, mais la façon de gravir la montagne.
Pour en savoir plus sur Face aux vents
* Cet article a été publié en partenariat avec le groupe de travail sur la promotion du plein air au Québec, qui relève d'un comité de la Table sur le mode de vie physiquement actif.
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