Saine alimentation

Alimentation et futur de la planète: flexitariens demandés d’urgence!

Alimentation et futur de la planète: flexitariens demandés d’urgence!

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Le Conseil des ministres des pays nordiques européens s’est fixé pour mission de rendre le système alimentaire plus durable et publiera fin 2022 des recommandations alimentaires arrimées à la protection de l’environnement. Devant l’ampleur du défi, deux questions me sont venues à l’esprit. Ces nouvelles directives s’appuieront-elles sur un régime flexitarien et d’autres pays se sont-ils penchés sur cet enjeu ?

Depuis plus de 10 ans, de nombreuses organisations et chercheurs affirment qu’il sera impossible de ralentir le réchauffement de la planète sans transformer radicalement le système alimentaire mondial, qui est à la source d’au moins 25 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) et d’une immense perte de biodiversité. Selon eux, la seule façon de sortir de l’impasse environnementale qui se joue dans notre assiette est d’adopter un régime flexitarien en consommant principalement des aliments végétaux, sans toutefois éliminer complètement la viande et les produits laitiers.

Une alimentation flexitarienne présente un double avantage par rapport à une diète carnée: elle est à la fois plus favorable à la santé humaine et nettement moins dommageable pour la planète sur tous les plans (émissions de GES, pression sur les sols, l’eau douce, la biodiversité, etc.) Par exemple, la production d’un kilo de viande de bœuf entraîne 31 fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que celle d’un kilo de tofu, et 231 fois plus que celle des noix !

Un portrait mondial très inquiétant

Sur le plan mondial, le portrait de l’arrimage des recommandations alimentaires et de la protection de l’environnement indique que le défi est immense. J’ai sursauté en consultant une récente modélisation des recommandations alimentaires de 85 pays, qui montre qu’elles ne sont pas alignées sur plusieurs objectifs liés à la santé humaine et planétaire : l’Accord de Paris (réchauffement climatique), les Objectifs d’Aichi (habitats naturels et biodiversité) et différents Objectifs de développement durable (ODD) de l’agenda 2030 de l’Organisation des Nations unies (ONU) (dont celui de réduire de 33 % la mortalité précoce causée par les maladies non transmissibles, comme le diabète, cancers et maladies cardiovasculaires).

Comme l’illustre le graphique ci-dessus, le portrait est désastreux. La compatibilité des recommandations des 85 pays se décline ainsi :  

  • 2 % d’entre elles sont compatibles avec les 6 objectifs mentionnés plus haut (Sierra Leone et Indonésie).
  • 7 % sont compatibles avec 5 des 6 objectifs.
  • 11 % sont compatibles avec 4 des 6 objectifs.
  • 13 % sont compatibles avec 3 des 6 objectifs.
  • 47 % sont compatibles avec 2 des 6 objectifs.
  • 20 % sont compatibles avec 1 des 6 objectifs.

Le G20 fonce dans un mur

En se basant sur la modélisation mentionnée plus haut, des chercheurs du réseau EAT ont extrait les données relatives aux recommandations des pays du G20 (80 % du produit mondial brut). Le graphique ci-dessus illustre à quel point elles sont loin d’un régime flexitarien sain et durable (ligne pointillée orange) : même si tous les habitants du G20 suivaient ces directives officielles, ce qui est loin d’être le cas, ils mangeraient quand même trois fois trop de viande rouge, deux fois trop d’œufs et de sucre, et vraiment pas assez de légumineuses et de noix ! Notons tout de même que le Guide alimentaire canadien, même s’il reste très discret sur l’empreinte environnementale des aliments, propose depuis 2019 une assiette qui donne nettement moins de place à la viande et aux produits laitiers qu'auparavant.

Le fossé est encore plus grand quand les chercheurs prennent en compte des habitudes alimentaires réelles. Globalement, les habitants des pays du G20 défoncent allègrement les limites d’un régime flexitarien sain et respectueux des limites planétaires : cinq fois plus de viande rouge, deux fois plus d’œufs, presque deux fois plus de sucre, pas assez de fruits, de légumes, de légumineuses et de noix. 

Ces données, pour inquiétantes qu’elles soient, ont le mérite d’exister et de montrer la voie à suivre.  

Le Conseil nordique des ministres montre l’exemple

Le Conseil nordique des ministres (CNM) regroupe des représentants du Danemark, de la Finlande, de la Norvège, de l’Islande et de la Suède. Ce conseil élabore les recommandations alimentaires nordiques, qui servent de base scientifique pour chacun des pays membres. La mise à jour de 2012 contenait déjà des orientations environnementales, mais celle de 2022 ira plus loin encore dans la prise en compte des impacts du système alimentaire sur la planète. 

Le CNM a publié en janvier 2021 un document étoffé, intitulé Cookbook for systems change– Nordic innovation strategies for sustainable food systems. Ce « livre de recettes » propose un modèle stratégique détaillé à l’intention des gouvernements nationaux et régionaux afin qu’ils passent efficacement à l’action. Plusieurs points de cette feuille de route ont retenu mon attention :

Un agenda clair. Le CNM confirme sa volonté délibérée d’arrimer l’alimentation et la protection de la planète et considère la transformation des systèmes alimentaires comme une mission urgente.
Le chaînon manquant. Les auteurs font le pari que l’avenir ne repose pas sur des innovations spécifiques liées à la technologie, à des modèles d’affaires ou à des politiques, mais plutôt sur la capacité des pays à se doter d’un solide écosystème public d’innovation, et à le soutenir.
Ne pas réinventer la roue. Plutôt que de vouloir s’approprier la démarche en recommençant à zéro, le CNM travaille en partenariat avec des experts. La feuille de route a été élaborée en collaboration avec trois organisations reconnues  le Stockholm Resilience Centre et le réseau EAT, et le EIT Climate-KIC.

En outre, le CNM a créé en 2017 le Nordic Food Policy Lab, un organisme dédié à l’atteinte des Objectifs de développement durable de 2030 au chapitre de l’alimentation. En 2021, ce laboratoire a produit un guide intitulé Setting the table – a story of food policy innovation à l’intention des décideurs politiques qui ne se « sentent pas équipés pour faire face à l’ampleur de la tâche ». Le document présente 11 méthodes utilisées par différents organismes à travers le monde pour s’attaquer aux enjeux alimentaires.

Les pays nordiques vont avoir eux-mêmes besoin de ces précieux outils, car, même si leur secteur agricole présente un bilan environnemental plus favorable qu’ailleurs, il est loin d’être parfait.

« Une alimentation végétalienne est le plus puissant moyen de réduire notre impact sur la planète. […] Ce choix a un effet plus grand que celui de réduire ses voyages en avion ou d’acheter une voiture électrique.»

Joseph Poore

Chercheur à l’Université d’Oxford.

Les défis des pays nordiques

Certains aspects du système alimentaire de plusieurs pays nordiques semblent, pour le moment, incompatibles avec les objectifs du CNM. Par exemple, une étude publiée en janvier 2022 montre que près de 100 % des subventions agricoles de l’Islande, et 70 % de celles de la Norvège, soutiennent les secteurs de la production de viande et de produits laitiers.

De son côté, le Danemark dit avoir adopté des recommandations alimentaires favorables à l’environnement en 2021, notamment en réduisant de 30 % la quantité de viande recommandée de 500 g à 350 g par semaine. Le pas à franchir par rapport au régime planétaire proposé par EAT reste grand, puisque la consommation de viande est optionnelle, et limitée à 200 g par semaine.
Mais il faut bien commencer quelque part et la solide culture de coopération des pays nordiques est un atout important dans cette transition.

Des initiatives et des tendances encourageantes

Impossible de toutes les nommer ici, mais des initiatives portées par l’industrie agroalimentaire sont en cours. Bien sûr, les géants de ce secteur ne sont pas toujours proactifs, mais les nouvelles exigences de certains de leurs clients pourraient avoir un effet domino.

En 2021, par exemple, deux géants mondiaux du secteur des services alimentaires ont pris l’engagement de rendre leurs activités carboneutres. Sodexo a annoncé que d’ici 2025, un tiers des repas servis au Royaume-Uni et en Irlande seront véganes. Pour sa part, Compass s’est engagé à augmenter la part de protéines végétales dans ses menus, ainsi que ses approvisionnements issus de l’agriculture régénérative.

J’attends avec impatience les prochaines recommandations du Conseil nordique des ministres pour répondre à la question que je me suis posée au tout début de ce texte : s’appuieront-elles sur un régime flexitarien qui changera vraiment la donne pour la planète ? En autant bien sûr, que nous changions nos habitudes alimentaires.

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