Le Guide alimentaire canadien vient d'être complètement revampé. Au lieu de portions et de groupes alimentaires sur fond d’arc-en-ciel, il se présente désormais sous la forme d’une assiette où les légumes, les fruits et les céréales entières sont mis en vedette. Cette version modernisée met également de l’avant l’importance d’adopter des comportements alimentaires sains comme faire la cuisine plus souvent et manger en bonne compagnie.
Comme journaliste qui suit l’actualité alimentaire depuis 30 ans, j’attendais ce nouveau guide avec grand intérêt. Voici mes observations, des plus positives aux plus critiques.
Finies les illustrations désuètes, place à une vraie assiette
Visuellement, cette belle assiette en dit long et reflète très bien l’ensemble des nouvelles Recommandations en matière d’alimentation saine de Santé Canada : on y voit plus de légumes que de fruits, et uniquement des produits céréaliers entiers. Tous les aliments protéinés sont regroupés pour former un quart de l’assiette où les protéines d’origine végétale sont très présentes.
« Pour un bon nombre de ces habitudes alimentaires saines ayant fait l’objet d’études approfondies, on retrouve essentiellement des choix d’aliments d’origine végétale pouvant inclure parfois de petites quantités d’aliments d’origine animale. » Guide alimentaire canadien 2019
Comme prévu, les produits laitiers ont perdu leur statut de groupe alimentaire et sont intégrés aux aliments protéinés : dans l’assiette, ils sont d’ailleurs présents sous la forme d’une toute petite portion de yogourt nature.
L’eau au premier plan, enfin !
En 2019, un verre d’eau figure sur la photo principale du nouveau Guide alimentaire canadien, accompagné d’une mention sans équivoque : « Faites de l’eau votre boisson de choix. » C’est tout un changement, car, aussi incroyable que ça puisse sembler, le guide de 2007 abordait ce point seulement à la 6e page, après avoir recommandé de boire « chaque jour du lait écrémé ou du lait 1 % ou 2 % M.G » !
Parlant de liquides, il n’y a pas que le lait qui a perdu du lustre : les jus de fruit sont absents des photos, alors que l’ancienne version montrait qu’une demi-tasse était l’équivalent d’une portion de fruits.
Au-delà des aliments, il y a la façon dont on les mange
La deuxième page de ce guide illustre l’importance que nous devrions accorder à nos habitudes alimentaires, comme cuisiner plus souvent, savourer les aliments et manger en bonne compagnie. Il était temps que la référence alimentaire du Canada se mette à jour, notamment au chapitre du plaisir de goûter et de l’importance de bien reconnaître la sensation de satiété. Une chance que les concepteurs d’ateliers culinaires pour les enfants n’ont pas attendu la publication du nouveau guide pour mettre ces deux points à l'honneur !
Visuellement, cette deuxième page transmet également des messages cohérents, car les légumes et les protéines végétales y figurent au premier plan, tandis que les protéines animales sont floues. Quant au verre de lait présent sur deux de ces images, sa couleur rappelle étrangement celle d’une boisson de soya nature…
Au-delà des aliments, il y a l’environnement alimentaire
En abordant de façon directe l’étiquetage des aliments, les aliments hautement transformés (trop salés, sucrés et gras), ainsi que le marketing alimentaire, la deuxième page de ce nouveau guide met l’accent sur l’environnement alimentaire.
Dans ses Recommandations, Santé Canada reconnaît, par exemple, que les aliments hautement transformés sont facilement accessibles et qu’il est important de limiter l’exposition des enfants au marketing alimentaire parce qu’ils sont particulièrement vulnérables aux techniques utilisées par l’industrie, notamment sur les réseaux sociaux.
Fait intéressant : le guide considère que la lecture des étiquettes fait partie des compétences alimentaires. Dommage que l’industrie bénéficie d’un délai de trois ans pour les rendre plus transparentes (sucres regroupés et portions uniformisées) et plus évidentes (étiquetage sur le devant de l’emballage) !
En ce qui concerne les aliments hautement transformés, la photo figurant sur le guide a le grand mérite de les présenter dans leurs emballages : muffins, pizza, soda, etc. En ces temps où le suremballage est dénoncé de toutes parts, Santé Canada envoie là un intéressant message.
Un guide transparent et libre de conflits d’intérêts
Il est clair que Santé Canada a tenu son engagement de se tenir (très) loin des puissants lobbies alimentaires pour s’en tenir à la science et c’est une excellente nouvelle.
Je trouve toutefois que ce nouveau guide manque d’audace sur certains points. Il est notamment bien timide au sujet des aliments ultra-transformés, alors que le guide alimentaire brésilien, mis à jour en 2015, recommande de les éviter parce qu’ils sont malsains, mais aussi parce qu’ils ont des impacts négatifs sur la culture, sur la vie sociale et sur l’environnement.
Et l’environnement dans tout ça ?
Le Guide alimentaire canadien demeure par ailleurs extrêmement discret et timoré au sujet des impacts environnementaux de la production alimentaire. alors que celui de la Suède (2015) tient explicitement compte de ce point dans ses recommandations, grâce, notamment, à une collaboration étroite entre les ministères de la Santé, de l'Environnement et de l'Agriculture. C’est selon moi un regrettable manque de vision, surtout qu’un très récent rapport de la EAT-Lancet Commission intitulé Alimentation Planète Santé affirme ceci : « Aucun levier n’est plus puissant que l’alimentation pour optimiser la santé humaine et la durabilité de notre environnement. »
Malgré ces bémols, la nouvelle mouture du Guide alimentaire canadien est remarquable, particulièrement sur le plan visuel : aucune hésitation à la placer sur mon frigo !