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Plus de 500 enseignant·es, professeur·es, éducateur·rices et intervenant·es, du préscolaire à l’université, se sont donné rendez-vous les 2 et 3 mai derniers à Drummondville pour découvrir et expérimenter, ensemble, des pratiques innovantes d'éducation à l’extérieur.
Pour sa 13e édition, le colloque Apprendre à ciel ouvert, organisé par la Fédération des éducateurs et éducatrices physiques enseignants du Québec (FÉÉPEQ) et la Fondation Monique-Fitz-Back, a une fois de plus rassemblé des passionné·es de tous horizons, du Québec, d’ailleurs au Canada… et même de France ! Ce rassemblement annuel est devenu un carrefour incontournable pour celles et ceux qui croient que l’éducation gagne à sortir des murs : pour mieux apprendre, mieux bouger, mieux se connecter à soi, aux autres, et à notre environnement.
Une pédagogie qui prend racine dans le territoire
L’honorable Michèle Audette, sénatrice originaire de la communauté innue de Uashat mak Mani-utenam, a ouvert le colloque avec un récit profondément ancré dans sa culture innue. Elle nous a transportés sur le Nitassinan. En entrevue, elle me raconte comment le lien au territoire est un puissant vecteur d’apprentissage. Durant son enfance, lorsqu’elle cueillait des petits fruits avec sa mère, ce moment était bien plus qu’une cueillette : c’était une leçon de science, d’écoute, d’histoire et de lien à la nature. Pour elle, apprendre à ciel ouvert, c’est engager le cœur, la tête et le corps – une pédagogie vivante, enracinée, qui crée des apprentissages durables.
Quand l’extérieur permet aux jeunes de se ressourcer
Christine Drolet, fondatrice de Réinspire, nous a rappelé que la nature est parfois l’endroit où certains jeunes trouvent un espace pour se réinspirer, c’est-à-dire prendre le temps de respirer et de se laisser inspirer. Avec des activités psychoéducatives pensées pour des élèves ayant des troubles du spectre de l’autisme, d’adaptation ou d’apprentissage, l’expérience en plein air ouvre la porte d’un monde nouveau.
Dans ce décor vivant, animé par les éléments, des adolescent·es expriment – souvent pour la première fois – un sentiment de bien-être profond. Et parfois, lorsque la nature évoque pour eux les souvenirs de parcours migratoires parsemés d’embûches, le simple fait de ne plus craindre la forêt marque un véritable tournant dans leur parcours.
« On donne et on reçoit » : les leçons d’un enseignant engagé
Harouna Ba, enseignant au préscolaire au Centre de services scolaire de la Pointe-de-l’Île, incarne l’esprit du colloque. Pour lui, aller dehors avec ses élèves, beau temps, mauvais temps, n’est pas une méthode, mais bien une philosophie. Il observe les effets positifs de ces sorties sur la santé des enfants, mais aussi leurs impacts bénéfiques dans le quartier. Il raconte avec émotion comment une résidente du CHSLD voisin vient chaque jour saluer les enfants, le regard illuminé. « Vous voyez, dit-il, c’est ça, enseigner à ciel ouvert : une éducation qui rayonne bien au-delà de la classe. »
La recherche le confirme : dehors, on apprend mieux… et on bouge plus
Les travaux de recherche, notamment ceux de l’unité mixte de recherche (UMR) Petite enfance, grandeur nature (Université Laval) ou ceux de la CREPA (Chaire de recherche sur l’éducation en plein air, Université de Sherbrooke) étaient présentés dans l’espace de kiosques du colloque. Parmi les questions investiguées par la CREPA, on retrouve entre autres celle-ci : comment les contextes extérieurs stimulent-ils l’engagement cognitif et physique des élèves ? Une éducatrice originaire de la Côte-Nord me témoigne de son expérience et de ses observations : après avoir travaillé dans deux milieux de garde très différents — l’un uniquement axé sur les modules de jeu fixes dans une cour, et l’autre, sur l’exploration des parcs — elle a été surprise par l’évolution des habiletés motrices des enfants dans le second environnement. « La différence était frappante. Ça m’a donné envie d’en apprendre encore plus. » Vivement la recherche pour documenter davantage les liens entre santé et éducation à ciel ouvert
Un rendez-vous qui donne envie de respirer, de réfléchir… et d’agir
En somme, le colloque Apprendre à ciel ouvert nous démontre, année après année, que la pédagogie en nature n’est pas une tendance passagère. Comme l’exprime Julie Moffet, coordonnatrice de projets à la Fondation Monique-Fitz-Back et ambassadrice 100°, elle offre une réponse essentielle aux défis éducatifs, sociaux, environnementaux et de santé auxquels nous faisons face. À nous maintenant de saisir cette occasion d’agir collectivement, pour faire de la nature un pilier sur lequel construire des apprentissages durables.