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Des élèves plus attentifs. Des professeurs plus motivés. Un climat d’apprentissage plus stimulant. Voilà le portrait d’une classe du primaire dont les élèves rentrent tout juste d’une leçon formelle donnée en nature.
Plusieurs études avaient déjà montré que des élèves exposés à des périodes d’apprentissage en pleine nature ont tendance à mieux retenir leurs leçons. Mais, pour la première fois, des chercheurs américains ont tenté de mesurer les impacts subséquents d’une telle immersion dans la nature sur des élèves ensuite placés en situation d’apprentissage formel. Ils ont pu estimer que, contrairement aux appréhensions de certains enseignants, les élèves, une fois de retour en classe normale, affichaient un niveau de participation (student-level engagement) beaucoup plus élevé (81 %) que si la période précédente s’était déroulée à l’école.
Votre attention, s’il vous plaît !
L’expérience, qui a été conduite sur deux classes d’élèves de 9 à 10 ans, pendant 10 semaines, a permis aux chercheurs d’analyser 100 paires d’éléments de comparaison. De ce nombre, 61 d’entre elles témoignaient d’un meilleur climat de participation dans la classe à la suite d’une période « nature ». 25 ne montraient pas de réelles différences alors que seulement 14 d’entre elles donnaient l’avantage à une période d’enseignement en classe ordinaire.
De manière encore plus significative, les chercheurs ont pu établir que, à la suite d’une période d’enseignement en nature, les professeurs devaient rappeler à l’ordre les enfants presque deux fois moins souvent qu’à l’habitude ! Au lieu de réclamer l’attention des jeunes toutes les 3,5 minutes, ils le faisaient plus en moyenne qu’aux 6,5 minutes !
Une combinaison de facteurs
Les chercheurs émettent l’hypothèse selon laquelle 4 facteurs peuvent expliquer les résultats de cette expérience. D’une part, et tel que mentionné précédemment, des études ont déjà montré que le contact avec la nature rendait, sur le coup, les enfants plus attentifs et plus motivés tout en diminuant leur niveau de stress. Toutefois, on ignorait à ce jour si cet effet « nature » était susceptible de perdurer.
En second lieu, les changements de décor, ou encore de routine pourraient expliquer la participation accrue des élèves. Mais, rappellent les chercheurs, même après 10 semaines d’expérience, cet effet de « nouveauté » ne s’était pas estompé. En outre, il s’agissait de périodes d’enseignement formel, réglées par les mêmes routines qui prévalent en classe, contrairement aux activités de type plus récréatives ou expérimentales qui ont généralement lieu dans le cadre d’une « classe nature ».
En troisième lieu, puisque les enfants devaient marcher deux fois 5 minutes pour se rendre au parc et en revenir, on ne peut exclure que la pratique de cette activité physique puisse contribuer à expliquer, du moins en partie, les résultats observés. Mais les études tendent à montrer que de tels bénéfices s’obtiennent à la suite de périodes d’activités physiques beaucoup plus intenses qu’une simple balade.
Enfin, dernier facteur non négligeable à considérer : les enseignants eux-mêmes. On peut postuler, et pour les raisons déjà évoquées, précisent les chercheurs, que les enseignants ont pu influencer le climat en classe en revenant de leur sortie en nature d’autant plus motivés.
Bref, soulignent les auteurs de l’étude, si tous ces facteurs sont susceptibles d’expliquer, à leur manière, l’accroissement du climat de participation en classe, ils avancent l’hypothèse que seul leur effet combiné peut rendre compte de l’ampleur des résultats observés.
Une bénéfique synergie
Les auteurs de l’étude suggèrent donc que les impacts bénéfiques du contact avec la nature sur l’attention, la motivation, la discipline de soi, ainsi que sur la réduction du stress, créent une sorte de cercle vertueux : une synergie qui accroît le niveau de participation de chaque élève. D’autre part, cet accroissement du niveau de participation individuel, multiplié par chacun des élèves, induirait lui aussi un effet de synergie bénéficiant à l’ensemble de la classe. En outre, des études citées dans la recherche montrent que des épisodes réguliers de « classes exceptionnelles » ont le potentiel d’avoir d’importants effets cumulatifs tout au long du parcours scolaire.
Les enseignants n’ont donc pas de raison d’appréhender que des sorties à l’extérieur engendrent, après coup, des effets perturbateurs sur la dynamique en classe, affirment les chercheurs. Ces derniers encouragent d’ailleurs tout particulièrement les enseignants, déjà curieux d’expérimenter de nouvelles approches éducatives, d’organiser des leçons en nature. Et ce, en attendant qu’elles deviennent tout bonnement la norme.