Éducation alimentaire

Littératie alimentaire : des apprentissages précieux pour l’autonomie des jeunes

Littératie alimentaire : des apprentissages précieux pour l’autonomie des jeunes

Ressource

On sait aujourd’hui que le développement des connaissances et des compétences en alimentation, dès le plus jeune âge, génère un large éventail de bénéfices. Les projets pour enrichir la littératie alimentaire des enfants foisonnent d’ailleurs de plus en plus. Mais qu’en est-il des plus grands?

Qu’est-ce que la littératie alimentaire ?

Le concept de littératie alimentaire, nommé une première fois en 2001, est encore récent dans le monde de la recherche. Plusieurs définitions coexistent et aucune ne fait consensus. Les experts s’entendent néanmoins sur le fait que sa portée va bien au-delà des capacités à cuisiner et qu’elle génère de nombreux bénéfices pour les jeunes (voir notre dossier spécial La littératie alimentaire : puissant levier de changement social.)


Selon Santé Canada, « la littératie alimentaire inclut les compétences et pratiques alimentaires apprises et utilisées tout au long de la vie pour se débrouiller dans un environnement alimentaire complexe. Ce concept prend aussi en compte les facteurs d’ordre social, culturel, économique et physique liés à l’alimentation ».

Si les initiatives se multiplient auprès des tout-petits et des enfants d’âge primaire, l’éducation alimentaire demeure tout aussi importante à l’adolescence et au début de l’âge adulte.

Littératie alimentaire

Des jeunes allumés et sensibilisés

Diététiste-nutritionniste et professeure adjointe à l’Université de Montréal, Maude Perreault s’intéresse de près au développement de la littératie alimentaire chez les jeunes de différents groupes d’âge. « Les adolescents et jeunes adultes sont très allumés, explique-t-elle. Ils sont conscients des défis de société, notamment de la santé de planète et des enjeux de justice sociale. On sait qu’il s’agit d’un groupe plus vulnérable aux troubles de comportements alimentaires. Ils sont aussi préoccupés par leur assiette et leur apparence. Mais quel est le portrait de leur littératie alimentaire ? On n’a pas de vue d’ensemble, on n’a que des bribes d’informations. »


Selon les données d’enquête, on sait qu’à peine le quart des adolescents québécois mange suffisamment de fruits et légumes (en baisse de 7 %) et que le tiers consomme assez de lait et produits laitiers (en basse de 12 %). « On a aussi remarqué une baisse dans les capacités culinaires, précise Maude Perreault. Est-ce que ces compétences étaient davantage enseignées à l’école avant ? Y avait-il une meilleure transmission à la maison par les parents et les grands-parents ? » 


À l’âge où l’autonomie s’installe et l’identité se forge, la littératie alimentaire prend toute son importance, soutient la diététiste-nutritionniste. « Les adolescents plus âgés et les jeunes adultes s’épanouissent dans leur choix de vie. On souhaite que leurs sélections alimentaires puissent refléter leurs valeurs. Vont-ils prendre en compte l’environnement, la justice sociale ? On aimerait qu’ils puissent prendre des décisions éclairées et les exécuter. On doit les soutenir dans cette période importante de leur existence. » Oui, mais comment ?

Littératie alimentaire

Un modèle pour mieux comprendre la littératie alimentaire chez les jeunes

Des experts ont schématisé la littératie alimentaire de différentes manières. Le modèle des chercheures australiennes Hélène Vidgen et Danielle Gallagos, qui se décline sous la forme de pétales de fleurs, est souvent utilisé pour représenter l’étendue des compétences qu’englobe le concept de littératie alimentaire (voir notre dossier spécial pour en savoir plus sur ce sujet). Mais, comme nous l’explique Maude Perreault, une chercheure canadienne a développé un autre modèle fort intéressant. Professeure à l’Université du Manitoba (Department of Food and Human Nutritional Sciences), Joyce Slater s’intéresse depuis longtemps à la littératie alimentaire et à son impact auprès des jeunes adultes. Son modèle propose un cadre de développement de la littératie alimentaire dans un continuum selon 5 groupes d’âge (de 2 à 18 ans).

Littératie alimentaire

Le modèle Slater tourne autour de trois axes importants :

  1. Compétences fonctionnelles : faire l’épicerie, gérer un budget, comprendre d’où viennent les aliments, se débrouiller en cuisine, etc.
  2. Compétences relationnelles : reconnaître l’importance de préparer des repas pour les autres (commensalité) et la valeur de l’alimentation locale, apprécier les aliments culturels et les traditions culinaires, apprécier la relation avec l’alimentation, etc.
  3. Compétences des systèmes : comprendre les enjeux sociaux liés aux systèmes alimentaires, l’influence de l’industrie alimentaire. « Au-delà de nos décisions dans notre propre cuisine, il faut avoir une vision plus inclusive et englobante de tous les citoyens », souligne Mme Perreault.


Selon les tranches d’âges, on ne visera pas les mêmes savoirs ou compétences qui seront développés en progression au fil des ans. Par exemple, dans le champ de la justice sociale, les tout-petits (2 à 4 ans) seront invités à reconnaître que la nourriture doit être partagée, tandis que les plus vieux (15-18 ans) seront appelés à s’engager dans une action communautaire pour réduire l’insécurité alimentaire ou discuter sur le thème de la souveraineté alimentaire.


 « Les jeunes adultes sont autonomes, rappelle Mme Perreault. On veut qu’ils puissent prendre des décisions concrètes et les exécuter selon leurs valeurs et leurs préoccupations. Ces décisions peuvent évoluer selon les ressources à leur disposition et leur budget, mais on veut qu’ils réfléchissent à ce qu’ils achètent, à ce que ça veut dire pour eux et pour tout le monde autour d’eux. » 

Littératie alimentaire

Littératie alimentaire tous azimuts

Selon Maude Perreault, le modèle de Slater est particulièrement intéressant parce qu’il vient mettre des mots précis sur le concept de littératie alimentaire qui, trop souvent, apparaît flou. « Ça nous donne du vocabulaire et ça nous aide à cibler des éléments à développer selon les âges. Comment aborder la justice sociale avec des enfants de 7 ans ou, encore, avec des ados de 17 ans ? »  Le modèle de Slater offre des repères pour orienter les stratégies des intervenants, des éducateurs et des enseignants. « Ça permet aussi d’aller dans des zones auxquelles on ne pense pas d’emblée. On peut, par exemple, combiner un atelier culinaire à une discussion sur la tradition. »


Le modèle est aussi intéressant parce qu’il se décline sous la forme d’un continuum. « On réalise que, si on veut des adultes compétents, il vaut mieux travailler d’abord avec les plus jeunes. Au fil des ans, ils acquièrent ainsi des compétences solides et bien ancrées. On réalise que c’est une période charnière. On doit soutenir les enfants de façon bienveillante et positive », affirme Maude Perreault.


Famille, services de garde, écoles : cette responsabilité doit être partagée. « Si on voit tous les bénéfices de soutenir les élèves et de considérer que la littératie alimentaire est aussi importante que les mathématiques, peut-être qu’on aura collectivement plus d’opportunités de faire des liens au quotidien. La littératie alimentaire se décortique en petits morceaux. » Et c’est vrai tout au long de la vie. « Il n’est jamais trop tard pour s’y mettre ! »

Communauté

Vous avez aimé l’article?

En quelques clics, joignez notre communauté et obtenez le meilleur de 100º grâce à des ressources personnalisées.

Créer mon profil
DEVENEZ AMBASSADEUR ET FAITES BRILLER LES PROJETS DE DEMAIN