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Sortez tambours et trompettes : la Cour d’appel du Québec confirme la validité du règlement municipal de l’arrondissement de Côtes-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce (CDN-NDG), à Montréal, qui interdit l’implantation de nouveaux établissements de restauration rapide dans certains secteurs à moins de 500 mètres des écoles. Une excellente nouvelle qui confirme le pouvoir des municipalités d’agir en faveur des saines habitudes de vie !
Retour sur les événements
En 2016, CDN-NDG adoptait un règlement novateur mettant de l’avant une série de mesures d’urbanisme pour encourager un mode de vie physiquement actif et une saine alimentation, incluant l’interdiction de nouveaux restaurants rapides près des écoles. Insatisfait de la mesure, un regroupement de propriétaires de restaurants-minute a rapidement entamé des poursuites judiciaires contre de la ville pour invalider la réglementation de CDN-NDG. Ce n’est qu’en 2019 que la Cour supérieure a donné raison à la Ville de Montréal ! Une décision et une victoire que plusieurs attendaient. J’étais fière de partager cette bonne nouvelle et de rédiger un blogue sur ce gain important pour la santé de la population. Toutefois, sans grande surprise, Restaurants Canada ainsi que Les Rôtisseries St-Hubert, Les Restaurants McDonald du Canada, Les Services alimentaires A&W et le Groupe TDL Corporation (Tim Hortons), n’ont pas hésité à contester la décision en Cour d’appel. Deux ans plus tard, cette dernière maintient le jugement de la Cour supérieure et rejette la demande. C’est 2 à 0 pour la santé !
J’ai suivi ce dossier de CDN-NDG depuis 2016. D’ailleurs, avec l’Association pour la santé publique du Québec et sa Coalition Poids, je travaille sur l’enjeu des restaurants rapides à proximité des écoles depuis 2009. Saviez-vous que près d’un jeune du secondaire sur deux consomme de la « malbouffe » au restaurant, ou dans un casse-croûte, deux fois ou plus par semaine (du lundi au vendredi), et ce, sans compter les fins de semaine ? Au Québec, selon les données de l’Institut national de santé publique, près de 40 % des élèves du secondaire provenant d’écoles publiques ont accès à au moins deux restaurants rapides situés à moins de 750 mètres de leur établissement. Les études démontrent que leur présence autour des écoles augmente significativement la proportion d’élèves consommant de la malbouffe le midi. De plus, elle mine les efforts déployés par les écoles pour offrir des repas sains et de bonnes habitudes de vie aux élèves.
Malheureusement, plusieurs restaurants rapides s’installent sciemment devant des écoles secondaires pour attirer cette clientèle et ils sont prêts à tout pour préserver ce droit. Dans une lettre transmise au maire et membre du conseil municipal de CDN-NDG, le 29 janvier 2016, ils allèguent notamment qu’ils sont de bons citoyens corporatifs : « nous prenons notre responsabilité de redonner à la collectivité au sérieux en offrant notre soutien à de nombreux programmes locaux et œuvres de bienfaisance ».
Des citoyens corporatifs socialement responsables ?
Pour faire bonne figure et maximiser leur vente, ces entreprises enregistrées en bourse usent de plusieurs stratégies pour garantir leurs profits. Par exemple, elles vantent leurs engagements envers la communauté en appuyant des ligues sportives d’enfants et en positionnant leur marque bien visible sur tous leurs chandails et en leur remettant de belles médailles à l’effigie de leur marque, une entorse à la Loi québécoise qui interdit la publicité ciblant les enfants. Ou encore, ils valorisent leur engagement envers la planète. Pourtant, en 2018, Tim Hortons et McDonald’s figuraient parmi les principaux pollueurs de plastique au Canada avec Coca-Cola, Pepsico et Nestlé selon une enquête menée par Green Peace.
Si aux yeux de certain·e·s, ces entreprises projettent une image positive et engagée d’entreprise socialement responsable, j’observe surtout une industrie agressive et prête à tout pour garder son privilège de s’installer devant les écoles. Pour faire pression sur les élu·e·s lors des consultations publiques, en plus de remplir la salle de représentant·e·s de l’industrie de la restauration rapide, ils ont inondé leurs boîtes de courriels. J’ai même eu droit à des insultes personnelles de la part du représentant de Restaurant Canada qui était à court d’arguments en pleine consultation publique. Et puisque leur stratégie d’intimidation a échoué devant les élu·e·s, ils se sont alors tournés vers la Cour supérieure, et ensuite vers la Cour d’appel. Et qui sait s’ils n’iront pas en Cour suprême pour préserver leur droit de s’installer à moins de 500 mètres d’une école? Car, oui, toute cette bataille se fait autour de ce petit 500 mètres !
Se mobiliser pour envoyer un message clair à l’industrie de la restauration rapide
La semaine dernière, plusieurs organismes se sont réunis pour souligner cette victoire. En démontrant notre cohésion, conjuguée à l’appui populaire, il deviendra plus gênant pour l’industrie de poursuivre sa lutte. Leur image de marque demeure importante à leurs yeux, alors plus nous dénoncerons leur geste, plus ils auront intérêt à revoir leur pratique.
La décision rendue par la Cour d’appel confirme le grand pouvoir que détiennent les municipalités d’adopter des règlements pour bâtir des milieux de vie propices à la santé durable. Alors qu’une nouvelle vague d’élu·e·s entre en poste pour diriger les municipalités, j’espère que cette victoire leur servira de source d’inspiration. Les municipalités ont tout à leur avantage de mettre la promotion des saines habitudes au cœur de leurs actions.