On entend souvent que le transport collectif, c’est l’affaire des grandes villes. Et nous avons tous déjà été témoins de tentatives qui visent à discréditer le transport collectif régional en insinuant que le service est inefficace. D’autres plaident plutôt en faveur de son développement puisqu’il s’agit d’un service vital pour la mobilité des citoyens. Si certaines régions ont définitivement besoin d’améliorer leurs services, d’autres proposent une offre qui satisfait, voire dépasse, les attentes des usagers. Zoom sur trois régions qui ont relevé ce défi avec brio.
Le grand enjeu des régions : faire éclater les limites administratives
Afin de maximiser l’efficacité du transport collectif, il faut voir au-delà des limites administratives. Souvent, en transport collectif régional, on organise les services à l’intérieur du territoire d’une ville ou d’une MRC, alors que les besoins de mobilité des citoyens dépassent largement ces limites territoriales. Pour Valérie Bellerose, directrice générale de la CTC Maskinongé, si un citoyen doit se rendre dans la MRC voisine, il trouvera un moyen de s’y rendre, peu importe si l’autobus passe par là ou non. Percevoir le territoire dans son ensemble facilite donc les déplacements.
De son côté, la Régie intermunicipale de transport Gaspésie — Îles-de-la-Madeleine (RÉGîM) a bien compris l’importance d’organiser les services sur l’ensemble du territoire plutôt que de les fragmenter selon les limites administratives. En effet, la RÉGîM a été la première organisation de transports, en dehors de la région métropolitaine de Montréal, à se structurer en régie, en regroupant les cinq MRC de la région, afin de pouvoir percevoir une taxe sur l’essence pour financer ses services. Cette autonomie financière lui permet d’assurer des services de qualité sur l’ensemble du territoire gaspésien, en plus de développer des projets innovants.
Par ailleurs, le transport collectif facilite l’accessibilité aux pôles d’emplois, aux institutions scolaires et aux services de santé. Une bonne offre de transport collectif permet, par exemple, de retenir les jeunes dans la région, des jeunes qui seront par la suite disponibles pour travailler pendant leurs études. « On oublie que la mobilité en milieu rural, c’est un moteur économique », ajoute Valérie Bellerose. Cette dernière espère d’ailleurs que l’ensemble du Québec viendra à réfléchir et se positionner sur le transport collectif régional, que celui-ci sera reconnu par le gouvernement comme un service essentiel même en dehors du contexte de la pandémie et, surtout, qu’il soit financé à la hauteur des besoins.
Offrir des services pour l’ensemble des citoyens
Depuis 2005, la CTC Maskinongé a augmenté son nombre de déplacements de 50 par mois à... 50 par heure ! La clé de leur succès ? Optimiser les flottes de véhicules et travailler de concert avec les autres partenaires de la région. La notoriété de la CTC au sein de la communauté lui permet de faire valoir tous les bénéfices des services de transport collectif. Ainsi, l’équipe de la CTC approche les grands employeurs et crée des partenariats qui sont avantageux pour tout le monde. Régulièrement, l’équipe travaille avec les organismes et les transporteurs de la région afin de trouver un moyen d’optimiser le transport pour différents groupes. Ainsi, les transporteurs rentabilisent leurs déplacements et les usagers sont bien desservis !
Pour Marie-Andrée Pichette, directrice générale de la RÉGîM, le service à la clientèle est le nerf de la guerre si on veut que les automobilistes délaissent leur voiture. Son organisation a donc choisi de miser sur l’excellence de son service client. Par exemple, afin de satisfaire les besoins des usagers, le wifi est disponible à bord des autobus et un service de transport est également disponible pour répondre à certaines urgences. Rester à l’écoute des besoins de la communauté permet aussi de créer un service à l’image des citoyens. Antoine Chiletti, directeur d’Accès L’Islet, le service de transport de personnes de la MRC de L’Islet, abonde dans le même sens. Pour lui, il est essentiel de rendre l’offre en transport plus souple afin d’accommoder les différents besoins des usagers.
Des services qui n’arrêteront pas d’innover
Depuis sa création en 2012, la RÉGîM n’a cessé d’innover. Aujourd’hui, l’équipe travaille à l'électrification de sa flotte et développe un plan de mobilité régional ainsi qu’une application qui regroupera l’ensemble des services disponibles sur le territoire. Mais comme le souligne Marie-Andrée Pichette, ce ne sont toutefois pas que les grands projets qui font la différence : de microprojets peuvent également entraîner d’importants bénéfices pour les communautés.
Par exemple, un partenariat développé avec une école primaire située à environ 50 km de Gaspé permet d’adapter l’offre de transports à l’horaire des activités parascolaires : un nouveau service fort apprécié des parents qui ne pouvaient assurer le transport de ces enfants vers ces activités. Et les résultats sont éloquents : alors qu’à peine 7 jeunes étaient en mesure de participer à ces activités (pour un total de 60 élèves dans cette petite école), ils sont maintenant 26 à pouvoir y prendre part !
Créée plus récemment, Accès L’Islet rêve grand pour les prochaines années. D’ici 10 ans, l’organisation espère proposer une diversité d’offres en transport qui permettra de répondre à plus de demandes en offrant un service interrégional encore plus adapté et flexible qui pourra aller chercher des citoyens jusque dans les rangs plus éloignés.
Leurs conseils pour les autres régions
Voilà maintenant des années que de nombreuses voix réclament une offre de transport collectif mieux adaptée et plus attrayante, pour l’ensemble des Québécoises et Québécois. Pour y arriver, les défis sont grands. Valérie Bellerose propose une solution pour que l’ensemble des territoires du Québec aient accès à une offre de mobilité intéressante, il faut que les transporteurs d’une région à l’autre puissent mutualiser leurs efforts pour offrir des services efficaces au bénéfice de l’ensemble des usagers. Chose certaine, pour nos trois intervenants, la réponse est unanime : pour offrir un service de transport collectif de qualité, il faut connaître les particularités régionales, mettre la mobilité au cœur des décisions et organiser les services sans égard aux limites administratives des territoires. « Les transports s’organisent par territoire, mais les déplacements ne prêtent pas attention aux territoires », résume Antoine Chiletti.
À propos de Trajectoire Québec
Trajectoire Québec est une association qui intervient dans la représentation des citoyens et la promotion de leurs intérêts en matière de transports collectifs partout au Québec. L’association soutient l’accès à des services de mobilité abordables, sécuritaires et de qualité, en plus de rassembler et de mobiliser citoyens, associations et corporations grâce à son expertise en mobilité citoyenne.
L’association agit par des représentations, mobilisations, des interventions médiatiques et par la remise annuelle des Prix Guy-Chartrand. Pour adhérer ou soutenir par un don l’association, visitez trajectoire.quebec
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