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Les projets de recherche-création et intervention de notre collaboratrice Marie-Hélène Roch mettent de l’avant l’importance de créer des expériences qui réinventent la vie urbaine hivernale. Dans ce nouvel article, elle nous présente de bonnes pratiques et des initiatives pour encourager davantage d'élèves à pédaler vers l'école, 12 mois par année.
« J’aime me rendre à l’école à vélo l’hiver, ça m’amuse et ça me rend fière. Je suis presque seule à le faire. J'aimerais bien pouvoir faire le trajet avec tous mes amis. » - Lylia-Sha, bientôt 8 ans qui est à son 2e hiver sur deux roues, accompagnée de sa maman Donia.
« J’apprécie tout du vélo d’hiver ! Regarder les autres vélos devant moi, faire des courses et être synchronisé avec les lumières », confie Perrin, 14 ans, qui parcourt 15 km par jour pour aller à l’école l’hiver, sauf les jours où la chaussée est impraticable. Pour Louisa, du même âge, qui habite le quartier Rosemont à Montréal : « Même s’il fait froid, ça me fait du bien. C’est plus rapide que l’autobus et j’apprécie que ce soit moins encombrant. » Ce qui rejoint l’expérience de Charles-Antoine 15 ans, qui, depuis 3 hivers, a fait le choix de ne pas remiser son vélo et qui constate que son parcours de 6 km par jour en vélo lui permet de « se déplacer plus rapidement et efficacement en comparaison au transport en commun. »
Ces enfants et adolescent·e·s sont loin d’être seul·e·s à apprécier la pratique du vélo quatre saisons et y voir des avantages au quotidien à constater divers témoignages recueillis sur la page Facebook Parents — Vélo d'hiver au Québec.
Le cycle saisonnier influence-t-il les habitudes de transport vers l'école?
En Finlande, la majorité des élèves arrivent à l’école à vélo, même en hiver. Dans une ville comme Oulu, par exemple, on voit couramment des ados ou des enfants sur un vélo du mois de décembre à mars et l’engouement pour cette pratique se dénote particulièrement par la popularité des stationnements pour vélos. Dans une école de 1300 élèves, on dénombre 1000 jeunes qui se rendent à l’école sur deux roues en hiver. (voir vidéo)
Qu’en est-il des initiatives québécoises, tant dans les écoles, les milieux communautaires, les municipalités, qui favorisent l’initiation et/ou la pratique du vélo à l’année chez les adolescent·e·s et les enfants ? Est-ce possible de s’imaginer qu’au Québec la majorité d’entre eux se déplacerait en vélo entre la maison et l’école, peu importe la saison, notamment en hiver ? Je dirais qu’un des principaux défis consiste à transformer les perceptions et les normes sociales, pour en venir à amplifier la culture de la mobilité active et du vélo à l’année. Gardons en tête qu'il y a une multiplicité d’expériences dans la pratique du vélo quatre saisons. Entre l’idée qu’on peut s’en faire et la pratique, il y a un monde de possibilités.
« Une fois, je suis tombée sur un gros tas de neige quand j’étais à vélo sur la piste cyclable, mais je ne me suis pas fait mal. Avec mon habit de neige, ça me protège. » Lylia-Sha, bientôt 8 ans.
Au Québec: de plus en plus populaire de pédaler à l’année
Déjà en 2014, le quotidien Le Devoir rapportait qu’« il y a un engouement clair pour le vélo d’hiver. Les gens comprennent que ce n’est pas un sport extrême, qu’il suffit d’avoir l’équipement adéquat et le tour est joué. » La croissance d’adeptes au vélo d’hiver qui se poursuit depuis 10 ans dans le paysage de la métropole et même ailleurs, tel qu’à Québec, Gatineau ou Longueuil, démontre que nous sommes devant une réalité de moins en moins marginale, qui apporte même une nouvelle dimension à la fameuse question de comment mieux embrasser notre nordicité ?
On constate également un intérêt toujours plus grand pour des initiatives du genre La journée internationale du vélo-boulot d'hiver! qui rassemble les cyclistes roulant toute l’année, au soleil ou dans la neige. On assiste aussi à l'émergence de nouveaux incitatifs tels que le Programme de subvention au vélo d’hiver lancé en 2022-2023 dans l’arrondissement Ahuntsic. « Après avoir fait l’annonce de la subvention via une publication sur les réseaux sociaux, il y a eu 300 personnes inscrites en 15 minutes », m’expliquait Karine Théorêt responsable de la mobilisation dans Ahuntsic-Cartierville chez Solon un organisme qui collabore avec l’Association de mobilité active de Ahuntsic-Cartierville et Ahuncycle sur ce programme. Le programme bénéficie du soutien du gouvernement du Québec (grâce au programme Climat municipalités (phase 2) Mobilité de quartier pour la réduction de l’autosolo, du ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques).
Pour les écoles : le transport actif comme outil de développement des saines habitudes de vie
Au Québec, plus spécifiquement dans les régions de l’Outaouais, l’Abitibi-Témiscamingue, la Capitale-Nationale et l’Estrie la campagne À l’école à pied ou à vélo je suis capable ! fait la promotion du transport actif auprès des élèves du primaire. Le Défi : Je suis capable même en hiver ! encourage justement les élèves à se déplacer de façon active, d’autant plus entre les mois de décembre à mars. Cette année, en Outaouais pour l'École Lac-Des-Fées, l'École De La forêt, l'École des Tournesols ce sont 954 élèves qui ont accompli le Défi haut la main. Une moyenne de 25% de transfert modal qui a été observé grâce aux défis! Les directions, les enseignants et les parents bénévoles sont les forces vives qui permettent de déployer et concrétiser ce type d’initiatives qui ont un réel impact sur la promotion des saines habitudes de vie.
Dans le contexte de l’école et de son environnement, il est d’ailleurs démontré qu’encourager la mobilité active chez les enfants permet de réduire considérablement la circulation automobile aux abords des écoles, diminuant considérablement les enjeux de sécurité routière dans les zones scolaires. Pourrions-nous imaginer l’expérience des rues-écoles et rues-ludiques à travers le fil des saisons ?
Le fatbike aussi fait sa place dans les écoles depuis quelques années et devient un outil pour développer certaines habiletés chez les jeunes. « Le fatbike a deux avantages, précise Benoit Allard. Non seulement il permet de diversifier les activités de plein air offertes aux élèves, mais il se pratique aussi en toutes saisons. »
L’École secondaire d’Amos s’illustre par l’initiative des élèves de la concentration plein air et de leur enseignant Simon Carrier : « La Souche » est un nouveau sentier dans le boisé de l’établissement pour y pratiquer le vélo de type fatbike durant l’hiver et qui également accessible à toute la communauté. « Ils sont crinqués, ils arrivent le matin et prennent un vélo. Les ''grouilleux'', ça leur fait du bien de se lancer sur leur vélo et de libérer leur fou avant de commencer l'école », témoigne l’enseignant. Le Centre de service scolaire Harricana signale que même « si le vélo est déjà pratiqué depuis plusieurs années par la majorité des élèves de l’Harricana, la pratique hivernale du sport demeure encore à être apprivoisée. » Ce genre de projet vient notamment consolider des acquis qui viennent appuyer l’initiation des élèves du secondaire au transport actif par les enseignants en éducation physique.
Des idées pour amplifier la culture du vélo 4 saisons dans votre communauté
- S’assurer d’avoir suffisamment d’espaces de stationnement pour vélos et également de les déneiger, ou sinon opter pour un design d’abri ouvert ;
- Prévoir des casiers adaptés pour entreposer un casque de vélo et tout autre équipement pour la pratique du vélo à l’année ;
- Détenir une flotte de vélos en libre-service pour les enfants et adolescents qui n’auraient pas accès à un vélo, mais qui souhaiteraient tout de même essayer de faire le trajet maison-école à vélo. Lancer un appel à la communauté de votre école pour des dons de vélos usagés ;
- Favoriser l’entretien des pistes cyclables aux abords des écoles ;
- Identifier et promouvoir les parcours sécuritaires de mobilité active aux abords de votre école ;
- Éviter que les zones débarcadères pour les voitures aux abords des écoles côtoient des pistes cyclables non-protégées
- Promouvoir au moyen de signalétique la distance recommandée pour effectuer un dépassement au côté d'un vélo ;
- Expérimenter la rue-école et rue-ludique selon le rythme des saisons ;
- Profiter de l’entre-saison (fin hiver-début printemps) pour proposer une journée-défi : « Je me rends en transport actif à l’école ! » ;
- Organiser à l’automne un atelier parent-enfant pour s’initier à l’habillage et ou l’équipement pour prolonger le plus possible sa saison de vélo ;
- Utiliser la cour d’école pour initier les enfants/citoyens au vélo d’hiver et faire tomber leur a priori par des tests sur la surface enneigée ou glacée. Que les enfants puissent expérimenter les divers types de surface par la dimension du jeu.
- S’inspirer des parcs d’éducation cycliste dans les cours d’école.
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Et pour aller encore plus loin, consultez le mémoire de maîtrise de Marie-Hélène Roch: Vélo d’hiver à Montréal : expérience vécue, perçue et imaginée