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Au cours d’une conférence tenue le 29 février à Montréal, l’architecte Pierre Thibault a présenté des exemples inspirants d’écoles publiques scandinaves, japonaises, allemandes et espagnoles.
Une école au design ovale dont le toit sert d’immense espace de jeu libre et actif (Japon), une garderie tout en rondeurs où les enfants peuvent évoluer dans de grands espaces intérieurs lumineux (Espagne), un vaste espace d’apprentissage culinaire dans une école primaire (Danemark) : les photos présentées par Pierre Thibault ont fait rêver les quelque 70 personnes venues assister à sa présentation.
Toit et cour intérieure de l’école Fuji à Tokyo (photo : Takaharu Tezuka)
Infant School Student, Vereda (photo : Miguel de Guzmán)
Des écoles à la triste mine
« Un bloc de briques, une cour asphaltée et une clôture "frost", voilà ce que le Québec offre aux écoliers, déplore l’architecte. Le même modèle a cours presque partout, car notre vision du design des écoles n’a pas changé depuis les années 1950 ! Nous avons le même niveau de vie et de scolarisation que le Danemark, pourquoi ne pourrions-nous pas faire aussi bien ? »
Il faut faire de l’école un milieu de vie où les jeunes ont l’occasion d’adopter de saines habitudes de vie. Et c’est dans les quartiers les plus défavorisés que les écoles doivent être les plus belles.
La sécurité : un obstacle qui enferme les jeunes et qui freine le design créatif
Pierre Thibault s’insurge contre l’obsession sécuritaire qui nuit à la créativité et la mobilité des élèves. « Au Danemark, les écoles ne sont pas séparées de leur environnement par des clôtures, explique-t-il. On laisse les enfants profiter des aires qui entourent l’école, plutôt que de les enfermer dans une cour asphaltée. Et les pistes cyclables sont aussi conçues pour desservir les écoles, afin de favoriser le recours au transport actif des jeunes. »
Récréation à l’école Fuji à Tokyo (photo : Takaharu Tezuka)
Une participante a d’ailleurs confirmé, après la présentation de M. Thibault, que le simple verdissement d’une cour d’école a posé problème, car la plantation d’arbres aurait empêché les policiers de bien voir la cour à travers la fameuse clôture « frost ». Une autre a précisé que toute sortie au parc adjacent à l’école nécessitait l’autorisation du conseil d’établissement qui se réunissait… une fois par mois.
Bouger librement à l’intérieur aussi
Un espace scolaire bien conçu et agréable peut remplir le même rôle qu'un professeur-adjoint.
Selon Pierre Thibault, le design intérieur des bâtiments est aussi à repenser en profondeur, car il confine les enfants plutôt que de leur permettre de circuler activement dans l’école. Il cite en exemple le cas de l’école Fuji à Tokyo, où les locaux ne sont pas séparés par des murs, mais par du mobilier.
Bien manger à l’école et apprendre à cuisiner
« En Scandinavie, raconte l’architecte, les repas sont fournis par l’école, ce qui permet d’offrir une alimentation saine. De plus, on accorde de l’importance à l’éducation culinaire. Par exemple, les jeunes de 5e et 6e ont des "semaines cuisine" durant lesquelles ils participent à la préparation des repas. En sortant du primaire, ils savent cuisiner de 10 à 15 plats. »
École Sydhavnen, Copenhague (photo : Torben Eskerod)
Ouvrir l’école sur la communauté
L’architecte souligne l’importance d’une école comme lieu attractif dans un quartier. « Au Danemark, l’école est le plus beau bâtiment d’un quartier. Les locaux sont ouverts à la communauté et sont utilisés le soir, pour des cours de yoga ou de cuisine, souligne-t-il ».
École Sydhavnen, Copenhague (photo : Torben Eskerod)
Au lieu de brider la créativité, les défis d’aménagement devraient la stimuler pense Pierre Thibault. En donnant en exemple des milieux denses, où l’on a conçu des écoles sur 5 étages. « Le rez-de-chaussée est un espace public, de jour comme de soir, et qui fournit notamment des locaux à différents groupes communautaires. »
Des écoles modèles à construire
« Au Québec, pour stimuler la création d’écoles bien conçues, on pourrait commencer par en construire cinq. Cinq prototypes qui permettraient d’en mesurer les effets sur les jeunes et sur le milieu, propose Pierre Thibault. Elles vont peut-être coûter 10 % plus cher, mais si on augmente de 40 % l’utilisation des locaux, tout le monde est gagnant. »
Les écoles devraient être des jardins. Ça ne coûte rien planter des arbres.
D’autre part, l’architecte précise que la conception d’une école devrait être l’affaire de tous, pas seulement celle de la commission scolaire. « En réfléchissant avec la municipalité, les parents, les groupes communautaires, on maximiserait les retombées positives de la construction ou de la rénovation d’une école ».
Des initiatives québécoises à souligner
Le portrait des écoles du Québec est toutefois en train de changer. De nombreuses écoles se sont dotées d’un potager et d’autres ont verdi leur cour. Plusieurs organismes soutiennent ces efforts et les parents font souvent partie des initiatives visant à améliorer les lieux dans lesquels leurs enfants passent des milliers d’heures.
École Gabrielle-Roy (photo : Services horticoles Pouce-vert)
À la suite de cette fascinante présentation, les organismes suivants ont présenté le travail qu’ils réalisent au profit des écoles :
- L’Association québécoise de la garde scolaire, qui vient de publier un document de propositions pour réaménager les écoles primaires afin de mieux répondre aux besoins des services de garde, prépare actuellement un guide d’aménagement pour la rénovation des écoles.
- Le Conseil régional de l’environnement de Montréal coordonne le projet ILEAU (Interventions locales en environnement et aménagement urbain) dans l’est de Montréal. Ce projet inclut le verdissement de plusieurs écoles et garderies, par exemple : École Gabrielle Roy, École La Dauversière, CPE Aux petits soins.
- Le projet « Dépanneur Fraîcheur », qui vise, entre autres, à améliorer l’offre alimentaire autour des écoles.
- Le projet Trottibus, une initiative de la Société canadienne du cancer (SCC), adopté par 90 écoles, réparties dans 14 régions du Québec.
Notez que Québec en Forme, par le biais de son initiative Communauté branchée, invite les écoles des régions de la Mauricie, de l’Estrie et de Montréal, à déposer un projet qui vise la transformation des environnements au bénéfice des saines habitudes de vie des élèves en améliorant le contexte dans lequel les jeunes prennent leurs repas à l’école.
Cette conférence s’est tenue dans le cadre d’un événement Communauté branchée et réseautée, une nouvelle initiative de Québec en Forme pour informer et engager les individus et les organisations dans un mouvement favorable aux saines habitudes de vie. Plus de 70 personnes étaient présentes, dont des représentants des secteurs scolaire, communautaire et municipal, ainsi que des architectes.