Cet été, j’ai eu la chance de participer à l’édition 2017 des Jeux Autochtones Inter-Bandes, en tant que coprésident d’honneur. Ces olympiades destinées aux jeunes des Premières Nations se déroulaient du 3 au 11 juillet, en territoire Atikamekw, à Wemotaci (à 1 h 30 à l’ouest de La Tuque). Cette communauté compte environ 1 200 habitants et elle n’a pas encore fêté ses 50 ans.
Que d’émotions à voir ce millier de jeunes provenant d’une quinzaine de communautés, réunis autour du sport et de l’activité physique ! J’en suis ressorti aussi avec beaucoup d’admiration pour la communauté, qui a réussi à mettre en œuvre un projet de grande ampleur. Ça m’encourage beaucoup de voir ça, car dans le contexte de l’épidémie de diabète dont je vous ai parlé dans mes deux billets précédents, il est clair qu’au même titre que la saine alimentation, l’activité physique fait partie de la solution.
Mais de quoi parle-t-on exactement, quand on parle de « mode de vie physiquement actif » ? Tous devenir des athlètes ? Certainement pas… C’est beaucoup plus simple et plus réaliste que ça…
Passer de l’intention…
Un mode de vie physiquement actif intègre la pratique de diverses activités physiques, de fréquence, de durée et d’intensité variables. L’adoption et le maintien d’un tel mode de vie reposent tout d’abord sur un choix individuel. En effet, chaque personne choisit ses activités en fonction de caractéristiques qui lui sont propres : habiletés et condition physique, préférences, attentes, satisfaction et plaisir ressentis lors d’expériences passées, goût de la découverte, socialisation, etc.
Un mode de vie physiquement actif, c’est donc une façon de vivre où bouger, sous ses diverses formes (sports, loisirs, plein air, déplacements, principalement, mais aussi travail, tâches domestiques), est intégré au quotidien pour les bienfaits qui s’y rapportent. Ces bienfaits sont largement connus par la population, aujourd’hui. Les individus savent qu’il est nécessaire d’être actif pour être en bonne santé et ils veulent bouger ! Toutefois, malgré cette « connaissance » et cette intention louable, il reste parfois difficile de passer à l’action.
… à l’action !
Comment alors stimuler ce passage à l’action ? On peut identifier un certain nombre de facteurs, qui jouent un rôle déterminant. On parle ici des environnements favorables au mode de vie physiquement actif, qu’ils soient physiques, politiques, socioculturels ou économiques. Concrètement, on peut citer quelques exemples :
- des communautés où les installations récréatives et sportives sont bien réparties et accessibles à pied, à vélo, voire en transport en commun, où le milieu naturel est facilement accessible et où l’offre d’activités culturellement adaptées répond aux intérêts des membres de la communauté ;
- des communautés où des ententes contribuent à l’utilisation d’installations du conseil de bande, de la municipalité ou encore des écoles ;
- des milieux où l’on informe la population, particulièrement les parents, des mesures prises pour rendre sécuritaires les trajets vers l’école, les parcs ou les installations récréatives et sportives, en vue de modifier la perception de dangers appréhendés ;
- des lieux où de l’équipement et du matériel récréatif et sportif sont accessibles et mis gratuitement à la disposition du public.
En quelque sorte, avec ces exemples, on réalise que nous avons une responsabilité collective de faire en sorte qu’adopter un mode de vie physiquement actif soit accessible, valorisé, plaisant et pertinent d’un point de vue culturel.
Des défis et… des opportunités !
Bien que les réalités des Premières Nations et des Inuits soient loin d’être uniformes dans l’ensemble des communautés, notamment en raison de la diversité des contextes géographiques et culturels, nous pouvons néanmoins dresser certains constats qui peuvent orienter l’action des partenaires locaux et des partenaires externes qui les soutiennent.
Tout d’abord, la sédentarisation forcée des Premiers Peuples, phénomène encore très récent pour certaines communautés, exerce toujours une influence au sein de la population. La norme sociale est parfois peu favorable au mode de vie physiquement actif. Le « filet » qu’elle tisse autour des individus semble jouer un rôle important en ce qui a trait à leurs décisions en matière d’activité physique. Ainsi a-t-on observé que les individus qui ont dans leur entourage des gens qui pratiquent régulièrement une activité physique étaient cinq fois plus portés à en pratiquer eux-mêmes que les individus ne connaissant personne faisant de l’activité physique. De la même façon, ceux qui voient des personnes actives dans leur voisinage ont quatre fois plus de probabilités d’être actifs eux-mêmes. On a également constaté que les communautés souhaitent trouver des stratégies compatibles avec les normes sociales de leur communauté, afin de développer un mode de vie physiquement actif qui leur ressemble. Par conséquent, ce n’est pas le filet social qui est important en lui-même, mais bien le fait qu’il soit pertinent d’un point de vue culturel.
C’est la raison pour laquelle selon moi, l’engagement personnel et communautaire est fondamental. En tant que membre d’une communauté, en tant que parent, en tant que travailleur, en tant qu’aîné, nous avons tous la possibilité de jouer un rôle pour améliorer le bien-être de notre communauté, en faisant la promotion des saines habitudes de vie et en nous impliquant concrètement. Le changement peut et doit provenir de nous-mêmes, comme cela a toujours été le cas. Je reviendrai sur cet engagement, notamment bénévole, dans un prochain billet, en référence au « Mamuitun » (travailler ensemble) et au « Uauauitshitun » (l’entraide), deux valeurs fondamentales des peuples nomades.
Le stade autochtone : le milieu naturel
Avec sa diversité climatique et ses nombreux espaces naturels, les territoires des nations autochtones disposent d’un riche potentiel pour les activités extérieures et de plein air. La diversité des saisons représente également un atout pour diversifier l’offre d’activités. Au sein des milieux urbain, rural et périurbain, les défis sont évidemment variés et exigent des réponses adaptées. Selon le milieu, il sera alors décidé d’augmenter le potentiel piétonnier et cyclable, de diversifier les activités, d’améliorer la disponibilité des ressources et l’accessibilité à celles-ci, d’établir des partenariats entre les écoles, les conseils de bande et les municipalités ou de mettre en valeur le milieu naturel et d’en faciliter leur accès.
Pour leur part, les partenaires des différents milieux de vie qui composent la communauté (écoles, maison des jeunes, CPE, aréna, etc.) peuvent jouer un rôle, dans la limite de leurs responsabilités, dans la création d’environnements favorables à un mode de vie physiquement actif. Sur ce plan, on doit en revanche déplorer que les budgets des conseils de bande des Nations dites non conventionnées laissent très peu de marge de manœuvre aux partenaires locaux en matière d’activités physiques. Les autorités des deux paliers de gouvernement tardent à investir massivement pour soutenir cette volonté de se mobiliser au niveau local en faveur du mode de vie physiquement actif.
Une redoutable concurrence peut également être identifiée, particulièrement chez les jeunes, en ce qui concerne les loisirs passifs, principalement expérimentés à travers des écrans (téléphones intelligents, tablettes, ordinateurs, télévision, etc.). L’attractivité de ces activités demande des interventions ciblées, créatives et novatrices pour rendre tout aussi attrayantes les activités physiques, sportives et de loisirs actifs.
Des efforts louables dans les communautés
Sur le plan du mode de vie physiquement actif, là aussi, les communautés agissent à transformer les milieux de vie fréquentés par leurs jeunes. Le défi de la pérennisation est présent dans certains cas, en raison notamment de la faiblesse du financement accordé aux autorités locales pour agir, mais il y a bel et bien un mouvement en marche. En voici quelques exemples concrets :
- Animation en sports, et loisirs et plein air sur le territoire
- Activités parents-enfants
- Intervention en psychomotricité
- Formation des intervenants
- Formation et encadrement des jeunes leaders
Sur la lancée du Challenge Stanley Vollant qui a rassemblé plus de 200 personnes à Montréal, Mashteuiatsh et Lac-Simon, j’encourage tous les acteurs qui interviennent sur le diabète à bien considérer le mode de vie physiquement actif comme un fulgurant remède, à prescrire sans modération ! Tous ensemble, donnons-nous la mission de construire des communautés favorables au mode de vie physiquement actif, pour faire en sorte que nos jeunes, qu’ils soient sélectionnés ou non aux Jeux Autochtones Inter-Bandes, disposent d’un milieu de vie dans lequel ils pourront trouver du plaisir à bouger toute l’année !
Crédits photos: Jeux Autochtones Inter-Bandes 2017 et Puamun Meshkenu