Agriculture urbaine

Portrait de l’agriculture urbaine résidentielle sur le territoire montréalais

Portrait de l’agriculture urbaine résidentielle sur le territoire montréalais

Ressource

Qui sont les Montréalais qui jardinent sur leur terrain ? Quelles sont leurs motivations ? En quoi ces activités ont-elles des impacts sur leur alimentation ? Contribuent-elles à notre résilience face aux changements climatiques ? Et comment peut-on encourager ces pratiques ? Voilà quelques-unes des questions auxquelles vient répondre un volumineux rapport du Laboratoire d’agriculture urbaine (AU/LAB).

Un rapport qui, avec ses quelque 270 pages, a demandé quatre années de travail et la mobilisation de 21 chercheurs pour cartographier 11 territoires : 6 sur l’île de Montréal et 5 en périphérie. Intitulée Évaluation de l’agriculture urbaine comme infrastructure verte de résilience individuelle et collective face aux changements climatiques et sociaux, cette recherche interdisciplinaire, produite par AU/LAB a donc permis de brosser un tableau inédit* des jardiniers et jardinières de la métropole.

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La métropole de l’agriculture urbaine

Au total, sur les territoires cartographiés dans le cadre de cette enquête, et qui couvrent une superficie de 268 km2, on compte 17 046 potagers domestiques. C’est un nombre considérable, notent les chercheurs, révélateur du caractère distinctif de la métropole. En effet, Montréal possèderait 10 fois plus de potagers par km2 que d’autres des villes nord-américaines qui lui sont similaires. Ce qui contribue, entre autres, à la régulation de son « métabolisme urbain ».
 
En plus du travail de cartographie, par imagerie satellite et sur le terrain, les chercheurs ont sondé les jardiniers et les jardinières des cinq plus importants territoires étudiés : Terrebonne, Chomedey, Montréal-Nord, Côte-Saint-Paul–Ville-Émard et une portion de Longueuil. Leur enquête révèle, notamment, que les jardins résidentiels sont plus présents dans les zones comptant surtout des maisons unifamiliales. En revanche, on les retrouve aussi dans les quartiers qui comptent davantage de ménages à faible revenu, plus d’enfants, et avec des concentrations plus élevées d’immigrants d’Europe du Sud et d’Asie du Sud.

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Pourquoi faire du jardinage urbain ?

Avec des profils socioéconomiques aussi variés, on peut s’attendre à ce que les motivations des adeptes du jardinage diffèrent de manière considérable. L’enquête permet d’ailleurs de les classer dans quatre grandes catégories. La première repose d’abord sur le désir de goûter des aliments frais et le souci de l’environnement. La seconde tend à associer le jardinage au loisir. La suivante à saisir l’occasion de faire de l’éducation et de la socialisation. Enfin, la dernière mise principalement sur la contribution alimentaire du potager pour garnir la tablée familiale.
 
Toutes ces motivations, qui ne sont pas exclusives, se retrouvent à des degrés divers parmi les trois profils de jardiniers esquissés par les chercheurs. Plus de la moitié d’entre eux (52 %) peuvent être qualifiés de passionnés ou même de militants, donc des jardiniers convaincus. L’autre grand groupe (3 %) se compose de pragmatiques : des personnes pour lesquelles le jardinage représente une activité alimentaire et de loisir, sans pourtant qu’elle soit considérée comme une nécessité. Et enfin, on compte les hédonistes qui recherchent simplement une activité plaisante, apaisante et de détente.

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Une question de sécurité alimentaire ?

Dans la majorité des cas (71 %), les jardiniers urbains produisent moins du quart de leur consommation en fruits et légumes frais lors de la belle saison. Toutefois, chez près de la moitié d’entre eux (45 %), la production est suffisante pour qu’ils la partagent avec les membres de leur famille et leurs voisins. Au final, à peine le tiers (29 %) comble plus du quart de ses besoins en fruits et légumes et moins d’un jardinier sur dix (8 %) réalise l’exploit de produire les trois quarts de ce qu’il consomme.
 
On constate donc que, pour la plupart des citadins au pouce vert, la production potagère domestique, bien que significative, demeure « anecdotique ». Cependant, selon une estimation conservatrice des chercheurs, le volume global de production des potagers résidentiels pourrait répondre, durant la saison estivale, aux besoins en légumes frais d’environ 100 000 personnes, soit 5 % de la population montréalaise. Et selon des modèles plus « généreux », ce nombre pourrait atteindre 250 000 personnes, soit plus de 12 % de la population. Bref, voilà une production maraîchère d’une valeur qui oscille entre 25 et 50 millions de dollars par année! Ce qui représente une contribution non négligeable au système alimentaire local.

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Changements climatiques

De nombreuses études ont montré les bienfaits que les individus retirent en matière de santé physique et mentale en s’adonnant au jardinage. D’autre part, on sait que les potagers urbains contribuent à la biodiversité, tout comme à la lutte contre les îlots de chaleur. Jardiner est donc bénéfique, tant pour la santé individuelle que collective et celle de l’environnement. Mais est-ce suffisant ?
 
Déjà, de nombreux jardiniers (43 %), surtout ceux qui cumulent au moins 5 ans d’expérience, disent constater des dégâts sur leurs cultures causés par les variations climatiques, comme la sécheresse, les gels tardifs ou hâtifs, ou les fortes pluies. Placés aux premières loges des changements climatiques, les jardiniers urbains semblent particulièrement sensibles aux questions environnementales, ce qui se traduit par des comportements plus écoresponsables. Ainsi, parmi tous les citadins, ils représentent ceux qui, par exemple, récupèrent le mieux les eaux de pluie ou qui compostent avec zèle leurs résidus alimentaires afin d’amender leurs jardins.
 
Tous ces petits gestes, en apparence anodins, peuvent notablement contribuer à la résilience du milieu urbain face aux défis que posent les changements climatiques. Raison, notamment, pour laquelle ce rapport se termine par cinq grandes recommandations à l’intention des arrondissements et municipalités afin d’encourager une agriculture urbaine durable.

  • favoriser la diffusion de l’information et des connaissances afin d’outiller les citoyennes et citoyens ;
  • favoriser l’accès aux espaces de culture ;
  • favoriser le partage des espaces pour notamment aider les ménages qui sont locataires ;
  • augmenter les bénéfices du jardinage alimentaire résidentiel ;
  • minimiser les effets des changements climatiques sur la production alimentaire des potagers.

Car, à la lumière du fort potentiel qu’elle recèle, il importe de soutenir cette « pratique au niveau individuel et collectif et faire face, de façon lucide, aux enjeux sociaux et climatiques du 21e siècle ».
 
*Il faut en effet savoir que, dans les villes nord-américaines, les jardins potagers résidentiels représentent la forme dominante d’agriculture urbaine. Toutefois, ces pratiques sont peu documentées, contrairement à celles des fermes commerciales urbaines et des jardins collectifs ou communautaires qui connaissent un essor considérable depuis quelques décennies. Le rapport du AU/LAB vient donc, sur ce point, combler une lacune.

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