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Bien qu’elle connaisse un formidable essor depuis plusieurs années, l’agriculture urbaine a soudainement acquis ses lettres de noblesse dans la foulée de la pandémie. Mais, au-delà du rêve d’autonomie alimentaire, l’agriculture urbaine demeure une pratique qui offre des réponses à de nombreux autres enjeux : changements climatiques; insécurité alimentaire; souhait de vivre dans un environnement sain; volonté de réduire son empreinte environnementale; sans oublier le plaisir de cultiver, de manger frais et d’être près de la nature. État des lieux.
Qu’est-ce que l’agriculture urbaine ?
L’agriculture urbaine se définit par toute activité agricole pratiquée à l’intérieur du périmètre d’urbanisation. À savoir, en particulier, la production de végétaux comestibles et l’élevage de petits animaux sur le territoire de la ville. L’agriculture urbaine touche aussi la distribution de proximité, puisque son volet commercial gagne sans cesse en popularité.
Pour le résumer, et sans que cette liste soit exhaustive, on parle ici :
- de jardins potagers, qu’ils soient privés, communautaires ou collectifs, aussi bien au sol, sur les toits que sur les murs;
- de petits élevages (abeilles, poules);
- d’aménagements avec des plantes comestibles (foodscaping) ou des plantes favorables aux insectes pollinisateurs;
- d’entreprises pour qui l’agriculture urbaine constitue une activité économique;
- de mise en marché de proximité, voire hyperlocale.
En matière d’agriculture urbaine commerciale, le Québec peut d’ailleurs s’enorgueillir d’avoir fait figure de proue. En 1997, la Ferme Pousse-Menu, devenait la première entreprise agricole urbaine du Québec inscrite au Registre des entreprises, ce qui en fait l’une des plus anciennes dans le monde ! Et, en 2006, les Fermes LUFA installaient la première serre commerciale sur toit au monde !
Quels sont les avantages de l’agriculture urbaine ?
Il existe de nombreuses raisons qui motivent les adeptes de l’agriculture urbaine. Mais plus nombreux encore sont les bénéfices qui découlent de cette pratique, notamment dans quatre domaines qui touchent directement nos vies.
- Environnement - La requalification des villes par le verdissement génère de nombreux services écologiques auxquels contribue aussi l’agriculture urbaine : amélioration de la biodiversité; réduction des îlots de chaleur; meilleur drainage des eaux de pluie. En outre, un système alimentaire local diminue les émissions de gaz à effet de serre causées par le transport.
- Santé humaine - L’accessibilité physique et financière à des aliments frais, nutritifs et diversifiés est à la base d’une saine alimentation. D’autre part, les jardiniers urbains sont actifs physiquement et profitent d’un contact privilégié avec la nature, ce qui diminue leur stress, améliore leur santé émotionnelle, en plus d’engendrer un sentiment de fierté et d’accomplissement.
- Société - Les jardins communautaires renforcent les liens sociaux et facilitent l’intégration des nouveaux arrivants, tandis que les jardins collectifs et fermes urbaines, à vocation sociale, favorisent la réinsertion des personnes marginalisée. Au Québec, selon le Portrait de l’agriculture urbaine commerciale 2020 : « Près du quart (24 %) des fermes urbaines sont enregistrées comme des personnes morales sans but lucratif. Ce sont des organismes à vocation sociale pour lesquels l’agriculture urbaine est un des volets d’activités qui contribue à la sécurité alimentaire, à la formation d’une clientèle en insertion socioprofessionnelle ou encore à l’éducation populaire ». Enfin, la transformation de terrains vagues en espaces productifs revitalise et embellit les quartiers, notamment les plus défavorisés.
- Économie - Outre ses services écologiques, moins facilement mesurables, l’agriculture urbaine entraîne des retombées économiques significatives. Par exemple, avec l’augmentation de la valeur foncière de résidences situées près de jardins communautaires. De plus, les fermes urbaines créent des emplois de qualité.
Quelles sont les ressources en agriculture urbaine ?
Les ressources en agriculture urbaine sont nombreuses et diversifiées. Trop pour en dresser la liste exhaustive. Mais voici certainement des incontournables, d’abord pour les citoyens et ensuite pour les entrepreneurs :
- Jardiner chez soi : Le guide de l’agriculture urbaine, publié par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), est sans doute la référence pour les agriculteurs urbains en herbe. Ces derniers peuvent aussi compter sur le portail Cultive ta ville, ainsi que sur de nombreuses ressources en lignes y compris, pour les plus ambitieux, des conseils dans le but de construire une serre urbaine.
- Ceux qui caressent le rêve de se lancer en affaires voudront sans doute consulter le Guide pour démarrer son entreprise en agriculture urbaine. Et, pour mieux cibler leur marché ou identifier des partenaires, le Bottin des producteurs et productrices risque de leur être très utile. Enfin, s’ils résident dans la métropole, ils pourront compter sur l’accompagnement du tout nouveau programme MontréalCulteurs, mis sur pied par le Laboratoire sur l’agriculture urbaine (AU/LAB).
Quel est le rôle des municipalités ?
L’essor de l’agriculture urbaine ne repose pas uniquement sur les épaules d’individus passionnés ou d’entrepreneurs audacieux. Chacun d’eux, pour s’épanouir, a besoin de la reconnaissance de sa municipalité, voire d’un petit coup de pouce. À cet effet, le MAPAQ et le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) ont récemment publié le Guide de bonnes pratiques sur la planification territoriale et le développement durable.
Signe qui ne trompe pas, de plus en plus de villes québécoises se dotent de plans d’action en agriculture urbaine comme Québec, Longueuil, Montréal. Et, tandis que Gatineau planche déjà sur son plan d’agriculture urbaine 2.0, Saguenay et Trois-Rivières viennent d’entrer dans la marche.
Quels sont les projets d’agriculture urbaine ?
Les projets d’agriculture urbaine fleurissent partout à travers la province. Simples jardins de façade ou imposant potager sur le toit d’un supermarché ! Forêt nourricière ou coopérative dynamique et avant-gardiste ! Grands ou petits, ces projets misent souvent sur l’innovation, l’impact social, l’écocitoyenneté, le développement durable ou l’économie circulaire. Et, au fil des années, le Québec a développé une expertise que font rayonner des acteurs du milieu souvent à l’origine des initiatives les plus inspirantes.
- Le Carrefour de recherche, d’expertise et de transfert sur l’agriculture urbaine (CRETAU) de même que (AU/LAB) mettent la recherche universitaire à la portée des citoyens, des jeunes pousses et même des municipalités.
- À Québec, les Urbainculteurs qui, faisant figure de pionniers depuis de nombreuses années, ont récemment accompli l’exploit d’aménager une ferme maraîchère dans le Vieux-Port de Québec. Parmi leurs nombreuses autres activités, ils animent aussi le centre d’agriculture urbaine au Grand Marché de Québec.
- À Victoriaville, ce sont les Incroyables Comestibles qui ont accompagné cette municipalité que l’on considère être le « Berceau du développement durable au Québec », et dont les initiatives essaiment dans la région.
- Trois-Rivières, de son côté, peut compter sur des passionnés qui tiennent à bout de bras La Brouette afin de conjuguer écocitoyenneté et agriculture urbaine.
Et voici, pour compléter le palmarès de ces acteurs majeurs, quelques projets coup de cœur : les Jardins des patriotes, le Carrefour alimentaire Centre-Sud, la Fermette du Bâtiment 7, le jardin collectif intergénérationnel de Dunham, le Laboratoire vivant de Baie-Saint-Paul, la ferme hydroponique conteneurisée d’Inukjuak, la Politique Ville nourricière de Saint-Bruno-de-Montarville et la plus grosse rue comestible au Canada.
Où est la relève en agriculture urbaine ?
La relève en agriculture urbaine se prépare. Et elle commence même avant l’âge scolaire, par exemple, au CPE Les pouces Verts, installé au beau milieu d’une ferme maraîchère. Une cohorte d’enfants qui pourrait ensuite poursuivre sa formation, disons, à l’école primaire, Louis-de-France, où l’agriculture urbaine est intégrée à l’ensemble du cursus scolaire. Un établissement qui, fort de son expérience, a mis sur pied l’organisme AgrÉcoles afin d’assurer le transfert de connaissances et l’accompagnement aux autres écoles qui souhaiteraient persévérer dans cette voie.
Ces jeunes pourraient ensuite parfaire leurs connaissances à l’école secondaire Louis-Joseph-Papineau, grâce à l’option EAU (Environnement et Agriculture Urbaine), et aboutir finalement au Cégep de Victoriaville qui offre le premier diplôme d’études collégiales en agriculture urbaine.
Il s’agit bien sûr ici d’un parcours scolaire idéal, mais qui conduirait un jeune à connaître de nombreux déménagements... Cela dit. Force est de constater que l’agriculture urbaine s’implante un peu partout dans les écoles du Québec grâce à la multiplication des jardins pédagogiques. Certaines initiatives offrent même l’occasion à des jeunes de mettre en marché leurs propres productions. Et de prendre leur place dans la communauté.
La relève sera là !
Car, à l’évidence, l’agriculture urbaine va bien au-delà de la production d’aliments frais de proximité pour, notamment, contribuer à la louable lutte contre l’insécurité alimentaire. C’est, surtout, une manière nouvelle de cultiver sa ville, son quartier, sa communauté. De les embellir. Et de laisser grandir nos enfants en santé !