La réalisation d’une serre en ville doit être soigneusement réfléchie, car il s’agit d’un projet dont les aspects techniques, réglementaires et budgétaires peuvent s’avérer complexes. Voici les questions à se poser avant de se lancer.
Prolongation de la saison, production à l’année, rentabilisation de l’espace au sol et proximité de la clientèle font partie des avantages de cultiver des aliments frais dans une serre. Pour partir du bon pied, il est toutefois essentiel de bien définir son projet et d’évaluer avec le plus de précision possible les coûts de construction, d’installation et d’opération qu’un tel projet représente.
Note. Les informations qui suivent sont tirées de la présentation que Mohamed Boudache, agronome à la direction régionale de Montréal-Laval-Lanaudière du MAPAQ, a fait le 3 avril 2019 à Montréal, au cours d’une journée intitulée Les serres urbaines sous la loupe*.
Avant toute chose, il est primordial de contacter les autorités municipales dès l’idéation d’un projet, afin de vérifier si la construction d’une serre est permise sur le terrain choisi et sous quelles conditions : gestion de l’eau, gestions des déchets de culture, règlements d’urbanisme, pollution sonore (causée par la ventilation) et pollution lumineuse (causée par l’éclairage nécessaire à une production à l’année), etc.
Notez qu’actuellement, il existe seulement deux fabricants de serres au Québec : Serres Harnois et Les Serres Guy Tessier.
Bien définir le projet et le budget : les questions à se poser
Quelle sera la vocation de la serre ?
- Éducation
- Éducation et économie sociale
- Économie sociale avec un volet commercial
- Commerciale
Quel sera son emplacement ?
- Au sol
- Sur un toit (coût global de 5 à 10 fois plus élevé)
Sera-t-elle chauffée ou non ?
- Non chauffée : prolongation de la saison (avril à novembre)
- Chauffée : production à l’année, nécessitant un chauffage et un système d’éclairage
Quels légumes y seront produits ?
- Légumes feuilles (laitues, kale)
- Fines herbes
- Micropousses
- Légumes fruits : tomates, concombres, poivrons
Bon à savoir : la polyculture représente un défi technique (et budgétaire), car les besoins en lumière, humidité, fertilisation et gestion phytosanitaire varient d’une plante à l’autre.
Quelle sera la technique de production ?
- En pots sur table
- En plein sol
- Hydroponie
- Aquaponie
- Structure verticale
- Culture conventionnelle ou biologique
Quels seront les équipements ?
Le choix et le prix des équipements varient en fonction des caractéristiques souhaitées. Les prix ci-dessous sont donnés à titre indicatif seulement. Seule une soumission en bonne et due forme donnera une idée précise du budget à prévoir.
Couverture
- Polyéthylène double : 7,50 $/m2.
- Polycarbonate : 43,00 $/m2.
- Éthylène tétrafluoroéthylène (ETFE) : ce revêtement est plus résistant et performant, mais aussi beaucoup plus cher. Pour le moment, il n’est pas disponible au Québec.
Chauffage
- Gaz naturel : le meilleur choix actuellement en termes de coût et d’efficacité, mais il faut prévoir un raccordement au réseau de distribution.
- Électricité (courant triphasé) : prévoir 20 000 $ pour le raccordement, selon la distance avec le réseau d’Hydro-Québec.
- Mazout : moins efficace et demande plus d’entretien que les autres sources d’énergie.
Éclairage
- Lampes HPS : 30 $/m2.
- DEL : 180 $/m2.
Bon à savoir : les lampes DEL sont dispendieuses et n’émettent pas beaucoup de chaleur, mais elles sont moins énergivores que d’autres modes d’éclairage. Néanmoins, leur prix a commencé à baisser.
Ventilation
- Naturelle, avec côté ouvrant de type « roll-up » ou ouverture sur le toit.
- Forcée : ce type de ventilation est énergivore et bruyant (un point important à considérer en milieu urbain).
Système de contrôle du climat
Pour gérer efficacement tous les paramètres permettant le maintien d’un environnement adéquat (température, humidité, arrosage, ventilation, etc.), il existe de nombreux dispositifs électroniques et électromécaniques dont la complexité varie grandement.
- Système simple : 1000 $
- Système avec irrigation incluse : 3500 à 5000 $ pour une serre de 50 m2.
- Un système sophistiqué conçu pour la polyculture peut coûter 50 000 $ et plus.
Autres points à considérer dans le budget
- Les coût d’isolation de la serre, particulièrement lorsqu’on veut produire toute l’année
- Les canicules (plus fréquentes et plus longues) : les serres sur toit sont particulièrement sensibles à ce problème. Certaines serres commerciales ont connu des problèmes de production importants à Montréal, faute de disposer d’un système de climatisation.
- La pollution lumineuse.
- La gestion des déchets de culture
- La gestion de l’eau pour une serre sur toit, car le débit de renvoi d’eau anticipé pourrait être supérieur à la limite permise par la ville.
- La construction d’une serre sur toit est soumise à des contraintes rigoureuses et coûteuses, ainsi qu’à des règlements d’urbanisme spécifiques ou encore à des dérogations.
Des opportunités, des défis et des réalisations
Les opportunités offertes par la culture en serre en milieu urbain sont nombreuses :
- Productivité accrue
- Offrir des produits frais, locaux et de qualité
- Compléter l’offre alimentaire et favoriser la sécurité alimentaire, ainsi que les liens sociaux à l’échelle d’un quartier.
- Sensibilisation, éducation, persévérance scolaire, réinsertion sociale.
- Création d’emplois.
- Développement d’une expertise locale.
Toutefois, comme l’a bien résumé Mohamed Boudache : « Ça prend beaucoup plus que de l’eau, de la bonne terre et de la chaleur pour faire pousser des légumes de serre, en pleine ville. Ça prend aussi une bonne dose de patience et de compétences. »
Malgré tous ces défis, plusieurs rêves collectifs ont pris forme comme la coopérative Les Serres du Dos blanc sur le terrain du Cégep Saint-Laurent, la serre de l’école Saint-François-d’Assise à Longue-Pointe-de-Mingan, la serre de la Récolte des générations à Dunham, la serre du Quartier nourricier, dans l’arrondissement Centre-Sud, la serre de l’école Louis-Joseph-Papineau, dans l’arrondissement Saint-Michel (Jardin des Patriotes) et celle du projet Vert l’harmonie dans l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, pour n’en nommer que quelques-uns.
* Cette journée été organisée par Le Projet impact collectif (Centraide) et ateliers/C, en collaboration avec le Laboratoire sur l’agriculture urbaine AU/LAB.