Cinq ans après la publication du livre Villes nourricières, où en sont les collectivités québécoises en matière de systèmes alimentaires durables ? Dans ce premier article d’une série de trois, nous explorons le concept de système alimentaire durable et son importance pour mobiliser les collectivités face aux problèmes alimentaires complexes de notre époque.
En janvier 2015, Vivre en Ville lançait une publication d’envergure intitulée Villes nourricières : mettre l’alimentation au cœur des collectivités. Le livre et les dizaines de conférences qui l’ont suivie mettaient de l’avant les stratégies prometteuses pour renforcer les systèmes alimentaires de proximité. Cinq ans plus tard, Vivre en Ville récidive en lançant une première capsule vidéo qui vulgarise les systèmes alimentaires durables et invite à nouveau les collectivités à joindre le mouvement grandissant des territoires nourriciers.
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Série de capsules vidéo sur le thème des Territoires nourriciers (Crédits : Vivre en Ville)
Se nourrir est plus que jamais reconnu comme un droit humain fondamental. La faim n’est pas une option pour nos collectivités, le manque d’accès à une alimentation de qualité non plus. Or, le contexte économique global et les changements climatiques posent des défis sans précédent. Les enjeux du système alimentaire actuel sont nombreux et interreliés. Ils touchent la santé, la qualité de vie, l’intégrité de l’environnement, l’économie et la gouvernance des territoires. La complexité de la problématique en appelle d’une approche plus systémique de l’alimentation. Comme disait Albert Einstein, « un problème créé ne peut être résolu en réfléchissant de la même manière qu’il a été créé. »
Représentation simplifiée d’un système alimentaire durable (Crédits : Vivre en Ville)
Affronter la complexité : pensez comme un système !
Imaginée dans les années 1950, la théorie des systèmes a été popularisée dans les années 1970 et a notamment permis l’émergence des technologies de l’information. L’approche systémique est aujourd’hui présente dans de nombreux domaines allant de l’écologie au management des entreprises, en passant par les sciences de l’éducation, la climatologie, etc. En matière d’alimentation, cette approche implique de revisiter les liens entre le développement du secteur bioalimentaire, la santé des populations, ainsi que la protection et l’aménagement du territoire. Elle suggère de poser les questions suivantes :
- Quelles fonctions l’alimentation joue-t-elle pour nos territoires ?
- Comment les acteurs du système alimentaire interagissent-ils ensemble ?
- Comment nos pratiques et nos politiques influencent-elles le devenir du système alimentaire, et par le fait même, la santé des populations et des écosystèmes ?
À l’instar de ce que propose le sociologue Edgar Morin, l’approche systémique nous invite à relier les choses, plutôt qu’à les séparer, pour les comprendre, c’est-à-dire les « saisir ensemble. » Comme le veut la célèbre expression, « le tout est plus grand que la somme de ses parties. » Ainsi, pour affronter la complexité du système, il devient nécessaire de penser comme lui ! Mais pour y arriver, il faut d’abord s’entendre sur les termes et parler le même langage.
Qu’est-ce qu’un système alimentaire durable ?
Un système est « un ensemble d’éléments en interaction dynamique, organisé en fonction d’un but » (De Rosnay, 1975). Prenons l’exemple du système judiciaire. Il a pour fonction de résoudre les différends conformément à la loi. Il comprend les tribunaux de différentes instances et l’ensemble des acteurs qui l’opèrent et l’encadrent. Dans cette logique, qu’en est-il du système alimentaire ?
Un système alimentaire durable (SAD) peut être défini comme un réseau de collaboration territorial qui intègre la production, la transformation, la distribution et la consommation de produits alimentaires ainsi que la gestion des matières résiduelles, dans le but d’accroître la santé environnementale, économique et sociale de la collectivité. Il comprend les acteurs, les activités et les infrastructures soutenant la sécurité alimentaire d’une population et repose sur une gouvernance alimentaire territoriale (Vivre en Ville, d’après FCM, 2010; GIEC, 2014).
Alors concrètement, sur le terrain, ça ressemble à quoi, un système alimentaire durable ? En fait, les signes d’un changement dans le système alimentaire peuvent s’observer à différents niveaux :
- Des pratiques agricoles plus écologiques : agriculture biologique, régénérative, urbaine, etc.
- Des canaux de mise en marché de proximité : vente directe, circuits courts, regroupements de producteurs, etc.
- Des initiatives visant à réduire le gaspillage alimentaire : glanage, cuisines de transformation, etc.
- Des politiques et des programmes qui encouragent les choix alimentaires équitables et sains.
La présence d’une dynamique de collaboration entre les organisations d’un même territoire témoigne également d’une transformation du système alimentaire. Les valeurs communes autour desquelles s’organise cette collaboration renseignent sur ses objectifs : transparence dans les échanges, économie de proximité, équité entre les générations, résilience alimentaire en cas de crise, etc. Plus encore, la durabilité des systèmes alimentaires peut être évaluée grâce des indicateurs reconnus à l’échelle internationale. Il appartient aux collectivités de s’en inspirer pour passer à l’action.
Vers des territoires nourriciers
Au cours des dernières années, nombre de citoyens, organismes communautaires, entreprises, municipalités et autres institutions publiques associent leurs savoirs et leurs ressources pour renforcer leur système alimentaire localement. Ensemble, ils cherchent des solutions collectives innovantes qui sont adaptées aux particularités de leur milieu tout en s’appuyant sur les meilleures pratiques. Ces démarches sont autant de promesses d’une alimentation plus saine, plus fraîche, qui s’enracine dans un lieu et contribue à la viabilité des collectivités.
Utopique, vous croyez ? Dès lors qu’une collectivité priorise l’accès à une alimentation de qualité pour l’ensemble de ses citoyens, elle chemine vers la sécurité alimentaire. L’utopie, disait l’écrivain Eduardo Galeano, elle sert à cela : à avancer ! Nous découvrirons, dans les prochains articles et vidéos de cette série, comment les collectivités du Québec s’organisent pour rendre leur système alimentaire plus durable et leurs milieux de vie, plus nourriciers.
Ce sujet vous intéresse ?
Visionnez la conférence de Vincent Galarneau: Tous mangeurs : bâtir des collectivités nourricières
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