Montréal n’a pas l’apanage des ruelles. On en trouve notamment à Québec, où elles quadrillent littéralement le Vieux-Limoilou et tirent des pointillés ailleurs en Ville. Depuis 3 ans, à l’instigation de Nature Québec, les ruelles de Limoilou reprennent vie en se parant de verdure et le mouvement commence même à s’étendre à d’autres quartiers.
Différence majeure avec les ruelles de la métropole : les ruelles de Québec sont orphelines. Elles n’appartiennent ni à la Ville de Québec ni aux propriétaires riverains ! Elles sont plutôt la propriété de promoteurs immobiliers qui ont fait faillite, laissant les ruelles sous la curatelle de Revenu Québec. De quoi complexifier leur entretien.
Préoccupé par le sort de ces ruelles, l’organisme Nature Québec ne s’est toutefois pas laissé freiner par cet imbroglio foncier et a décidé de prendre les choses en main, ce qui l’a amené à créer le projet Ruelles vertes, dans le cadre de son programme Milieu de vie en santé.
« Sensibiliser un propriétaire à investir de l’argent sur la ruelle qui ne lui appartient pas est complexe. On a dû développer une mobilisation citoyenne différente de celle de Montréal », explique Cyril Frazao, coordonnateur de programmes à Nature Québec.
Candidatures printanières
Chaque printemps, depuis 2017, Nature Québec lance un appel à candidatures. Pour se qualifier, les ruelles doivent présenter un déficit de verdure et surtout, les propriétaires doivent avoir déjà formé un comité de ruelle actif, preuve de leur motivation. Sur la dizaine de candidatures reçues, Nature Québec en sélectionne une petite poignée qui bénéficiera d’un accompagnement pendant deux ans.
Un accompagnement en 5 temps
- En début de printemps, Nature Québec convie la ruelle à un atelier de design participatif. Plan de la ruelle à l’appui, chacun apporte ses idées : ralentir la circulation, planter des arbres, aménager un espace de jeux…
- Après une corvée de nettoyage printanière, c’est le moment de planifier les aménagements. Nature Québec offre une aide de 2500 $ pour l’achat de végétaux en plus d’aider à la recherche de commandites.
- En début d’été, les travaux sont réalisés, la ruelle se pare de verdure et reçoit une pancarte à son nom.
- Après la belle saison vient la corvée automnale pour tailler les plantes, vider les bacs à fleurs et remiser le matériel.
- Le printemps suivant, Nature Québec revient pour relancer la ruelle. « C’est un défi de garder la motivation », prévient Cyril Frazao. Nature Québec offre alors un financement pour acheter des vivaces afin de pérenniser l’aménagement. Parmi ces vivaces, des buissons et des arbustes grandiront d’année en année et leurs ombres réduiront les îlots de chaleur.
À la suite de cet accompagnement, le comité doit voler de ses propres ailes.
2 éditions et 9 ruelles verdies
En 2017, 4 ruelles vertes ont vu le jour dans Limoilou et en 2018, 5 nouvelles se sont ajoutées dont une dans Montcalm et une dans Vanier. Les points communs de ces 9 nouvelles ruelles vertes : embellissement par les plantes, sécurisation par le ralentissement de la circulation et aménagement d’espaces de jeux. Mais chaque comité développe sa ruelle à son image et lui attribue un nom. « Ça leur donne un cachet caractéristique que Nature Québec n’aurait pas apporté en agissant seul », souligne Cyril Frazao.
Par exemple, les riverains de la ruelle du clocher ont placé des bacs en chicane pour ralentir la circulation et ont transformé des stationnements non utilisés en jardins collectifs. Ceux de la ruelle des jardins de Limoilou ont préféré installer des tables à pique-nique sur les stationnements inutilisés. La ruelle des casseroles tire quant à elle son nom des casseroles transformées en pot de fleurs. « Beaucoup de projets ont maximisé les jeux pour les enfants avec de la peinture au sol. Des garages ont reçu des grillages pour faire pousser des plantes grimpantes », complète Cyril Frazao.
Vertes et conviviales
Le verdissement et la sécurisation de ces ruelles ont permis de les transformer en espaces de jeux. Ici, les enfants peuvent jouer librement en sécurité et apprendre à faire du vélo. Même pour les adultes, les ruelles favorisent la mobilité active, car la marche y est plus agréable que dans les rues parallèles. Au-delà des bienfaits sur l’activité physique des petits et de grands, la mobilisation des riverains pour leur ruelle a fait naître des amitiés et des activités de bon voisinage, comme des barbecues ou des épluchettes de blé d’Inde. Parées de verdure, ces ruelles deviennent ainsi des lieux où il fait bon vivre autant pour le corps que pour l’esprit.
La ruelle Parminous
Quand Nature Québec a lancé son projet Ruelles vertes, la ruelle Parminous avait déjà son comité et entrepris quelques opérations de verdissement. « On avait fabriqué des bacs à fleurs qui permettent de ralentir la circulation », raconte Jacques Lépinay, un membre actif du comité. En 2017, Nature Québec a aidé à mobiliser les riverains pour planter des lilas, installer des grillages sur les poteaux pour y faire pousser des plantes grimpantes, installer des bancs et un support à vélos.
« Des familles qui n’habitent pas la ruelle l’utilisent et apprennent aux enfants à faire du vélo parce que c’est sécuritaire. Les personnes âgées s’assoient sur les bancs, les employés de la Caisse Desjardins viennent y manger le midi. La ruelle devient un lieu de rencontre », dépeint Jacques Lépinay.
Et il a d’autres projets pour faire vivre la ruelle : un scrabble géant magnétique sur une porte de garage, un jeu d’échecs, une épluchette de blé d’Inde, des chats artistiques disséminés dans la ruelle que les enfants pourraient s’amuser à chercher…
Deux programmes complémentaires
La Ville de Québec a aussi son programme Redonner vie aux ruelles. Il vise spécifiquement les ruelles de Limoilou et subventionne des travaux de plus grande ampleur et à caractère permanent : aménagement paysager, gestion des eaux de pluie, revêtement de sol, éclairage… Le programme doit obtenir l’adhésion de la majorité des propriétaires (50 % + 1) et peut financer jusqu’à 80 %, le solde étant à la charge des propriétaires participant au projet. Une forte mobilisation des riverains est donc nécessaire pour maximiser l’adhésion des propriétaires et partager les frais. Les deux programmes sont donc complémentaires et Cyril Frazao, estime que le projet Ruelles vertes peut consolider la mobilisation et faciliter les démarches en vue d’une candidature au programme de la Ville.
Crédits photos: Nature Québec
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