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Soucieux d’encourager les aîné·e·s à demeurer le plus longtemps possible dans leur domicile, des organismes misent sur la gériatrie sociale et la solidarité pour améliorer leur qualité de vie et faire en sorte que des interventions appropriées puissent leur être offertes dès que cela s’avère nécessaire. Cela est possible grâce à la Fondation AGES, un organisme de bienfaisance dont la mission est de soulager les conditions liées à la vieillesse, de sensibiliser la population à la gérontologie et à la gériatrie sociale ainsi que de soutenir des solutions innovantes pour faire face au défi du vieillissement.
Concrètement, la Fondation AGES forme des sentinelles capables de sonner l’alarme si quelque chose ne va pas chez un·e aîné·e. Le cas échéant, la Fondation envoie ensuite à l’organisme un navigateur ou une navigatrice qui se rendra sur place afin d’évaluer la situation et d’intervenir au besoin, cela en collaboration avec un infirmier ou une infirmière du CISSS ou du CIUSSS. Des porte-parole de quatre des 16 organismes impliqués ont accepté de nous parler de leur expérience.
Service amical Basse-Ville: s’adapter à la population
Les trois navigatrices du Service amical Basse-Ville procurent chaque mois de l’aide à une trentaine de personnes âgées. « Notre organisme est reconnu pour favoriser le maintien à domicile des aîné·e·s, souligne Marie-Josée Girard, l’une des navigatrices. Les gens savent que, lorsqu’ils s’adressent à nous, ils peuvent parler à un humain. »
Ici, on adapte la gériatrie sociale à la population de la Basse-Ville de Québec, où les citoyens sont généralement peu scolarisés et à faible revenu. « Chez eux, on constate plusieurs difficultés, indique Marie-Josée Girard, notamment en lien avec la consommation d’alcool ou de drogues, ainsi que la présence de problèmes psychosociaux. ». Mais, quelle que soit la situation, on parvient à améliorer les choses.
La navigatrice dispose de plusieurs moyens pour agir. Par exemple, elle peut suggérer aux personnes qu’elle visite des comportements susceptibles de prévenir les chutes, leur offrir de l’aide pour une bonne gestion de leur glycémie, s’assurer qu’elles sont capables d’utiliser leur ordinateur pour prendre un rendez-vous dans une clinique ou recommander une investigation faite par une infirmière.
Avec cette dernière, elle peut aussi faciliter l’accès au système de santé. « Le réseau est une grosse machine, explique Marie-Josée Girard, mais il y a des médecins avec lesquels ça se passe bien. On a même un partenariat avec un Groupe de médecins de famille. »
Logis-Aide des Basques: vers une meilleure collaboration avec le système de santé
Dans la MRC des Basques, située dans le Bas-Saint-Laurent, la population est relativement âgée. Le projet pilote de gériatrie sociale peut donc apporter une grande différence. « Souvent, les situations que nous détectons ne semblent pas graves, mais si nous ne nous en occupons pas, elles le deviendront, soutient Mariane Goulet, directrice de Logis-Aide des Basques, l’hôte de ce projet pilote de gériatrie sociale. »
Les employés de l’organisme ne sont pas les seuls à être devenus des sentinelles. En effet, la navigatrice attitrée dans ce secteur a aussi donné une formation à des ambulanciers et aux employés de la caisse populaire; des personnes qui, par leur travail, sont en contact avec des aîné·e·s. Au moment d’écrire ces lignes, elle s’apprêtait à en donner une au personnel des pharmacies. « Cela nous permet de recevoir des alertes d’un peu partout », indique Mariane Goulet. Et d’être plus efficaces.
Le projet de gériatrie sociale comporte plusieurs avantages. Outre celui de procurer une meilleure qualité de vie aux aîné·e·s vivant à domicile, il facilite la collaboration entre l’organisme communautaire et le système de santé. « Avant le projet-pilote de gériatrie sociale, raconte Mariane Goulet, lorsque nous faisions un signalement à l’établissement de santé, nous n’avions pas de retour : chacun travaillait en silo. Aujourd’hui, il y a une réelle collaboration. »
Coop Autonomie chez soi: des interventions ciblées
Grâce à la formation sentinelle, le personnel de la Coop Autonomie chez soi, située à Granby, porte un regard différent sur les aîné·e·s. « Lorsque nous entrons chez une personne âgée, nous avons accès à une mine d’information », révèle Julie Champagne, une des deux navigatrices travaillant pour cet organisme. Cela lui permet de savoir quel comportement adopter, quel geste poser. Car la situation n’est pas toujours telle qu’elle le croyait au départ.
Récemment, une des navigatrices est allée visiter un aîné qui avait fait une chute. Sur place, elle s’est rendu compte qu’il mangeait beaucoup de sucre alors qu’il était diabétique et qu’il gérait mal ses médicaments au point d’en prendre qui étaient périmés, ce qui provoquait chez lui une certaine confusion. « Grâce à cette intervention, et aux autres qui ont suivi, la situation s’est replacée », relate Julie Champagne.
Cette dernière ne tarit pas d’éloges à l’égard de la gériatrie sociale, que l’organisme gère pour toute la région de la Haute-Yamaska. « La beauté du projet, c’est qu’on est dans la communauté, avec les aîné·e·s, souligne-t-elle. Cela nous permet de prendre le temps qu’il faut pour tisser des liens de confiance. Lorsqu’une personne âgée ne veut pas qu’on intervienne, nous respectons cela. Tout en sachant qu’il est possible que, deux semaines plus tard, elle ait changé d’avis. »
Aide Chez Soi La Baie: changer les mentalités
Pour Cathy Desgagné, directrice générale de l’organisme Aide Chez Soi La Baie, « la gériatrie sociale, c’est la communauté qui prend soin des aîné·e·s ». D’ailleurs, Claudia Dallaire, la navigatrice qui travaille pour cet organisme, se dit prête à transformer tous les citoyens en sentinelles afin que chaque aîné·e puisse bénéficier d’un « œil bienveillant. »
Parfois, la navigatrice rencontre des groupes de personnes âgées afin de les sensibiliser à certaines dimensions de leur santé et améliorer leurs comportements. Elle en profite alors pour essayer de changer leur perception à l’égard de ceux qui veulent les aider. « Lorsque nous voulons les référer à quelqu’un du CLSC, les gens sont souvent rébarbatifs, indique-t-elle. Car ils pensent qu’on veut les placer. Heureusement, on parvient tranquillement à changer les mentalités. »
Il arrive aussi à la navigatrice d’accompagner chez le médecin un·e aîné·e présentant un début de déficit cognitif. « J’écoute le médecin et je prends des notes, confie-t-elle. Ensuite, je peux joindre un de ses enfants afin de le tenir au courant de ce qui s’est dit. Pour la famille, c’est rassurant. »
Selon Cathy Desgagné, si le travail des sentinelles et des navigatrices est si important, c’est que les aîné·e·s, même lorsqu’ils ont des enfants, n’ont souvent pas un grand réseau. « C’est cela que nous leur fournissons, explique-t-elle. Et, ce faisant, nous leur permettons de continuer à vivre dans leur maison. »
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