Du Japon aux États-Unis en passant par le Royaume-Uni et bientôt le Québec, des professionnels de la santé prescrivent des immersions en nature pour aider leurs patients ou bénéficiaires à améliorer leur bien-être physique et mental.
Il faut dire que les études et recherches menées depuis une vingtaine d’années sur cette pratique ont démontré les nombreux bénéfices de la nature sur la santé : réduction du stress et de l’anxiété, renforcement du système immunitaire, stimulation de la mémoire, amélioration de l’humeur, développement du bien-être et de la résilience chez les enfants, diminution des risques de maladies cardiaques, etc.
D’où l’idée de prescrire des immersions en nature, ne serait-ce que deux heures par semaine. C’est notamment l’avis d’Isabelle Bradette, urgentologue à l’hôpital de Jonquière et professeure adjointe au département de médecine de famille et de médecine d’urgence à la faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke. « Le but d’une prescription n’est pas de médicaliser l’exposition à la nature. Mais comme pour les prescriptions d’activité physique, le fait d’écrire quelque chose de précis pour un patient ou un bénéficiaire augmente sa motivation et les chances de s’approprier de nouvelles habitudes comparativement à un simple conseil. »
Les avant-gardistes de la prescription par la nature
Dès les années 1980, le Japon proposait d’intégrer le Shinrin-yoku - bain de forêt - dans les saines habitudes de vie. Ce concept n’a en fait rien de nouveau puisqu’il désigne une pratique japonaise traditionnelle qui consiste à s’immerger dans la nature en éveillant ses sens. Simple marche, observation des oiseaux ou exploration des différentes odeurs de la forêt, cette pratique est notamment prescrite par les médecins pour améliorer le bien-être mental et physique de leurs patients. Il existe d’ailleurs depuis 2006 au Japon des lieux certifiés appelés « bases de thérapie forestière », où les effets relaxants de cette immersion en nature seraient scientifiquement démontrés par des experts en médecine forestière. On trouve aujourd’hui une soixantaine de lieux certifiés au Japon.
Le concept de prescription par la nature a depuis gagné d’autres pays. L’Écosse par exemple lançait en 2017 un premier projet pilote dans les îles Shetland sous l’égide du Service de santé publique (NHS) et la Société royale pour la protection des oiseaux. De l’exploration des dunes à la recherche de lichen ou la construction d’une sculpture en pierre sur une plage, les prescriptions de professionnels de la santé sont accompagnées d’un dépliant qui offre notamment un calendrier des idées à faire et à voir sur l’archipel tout au long de l’année. Le succès de ce projet conduisait trois ans plus tard à développer une initiative similaire à Édimbourg pour déterminer le potentiel des prescriptions par la nature dans un environnement urbain.
Aux États-Unis, Park Rx America, un organisme à but non lucratif fondé par un pédiatre offre lui aussi un programme d’ordonnances par la nature depuis 2017. Son objectif est d’informer les professionnels de la santé des bénéfices de la nature sur le bien-être, les maladies chroniques et l’environnement tout en les encourageant à prescrire à leurs patients des visites en nature, selon une fréquence et un dosage précis. Le tout grâce à une plateforme qui leur permet notamment de localiser à proximité de chez leurs patients un parc adhérant au programme dont l’entrée est gratuite pour toute personne munie de cette prescription.
Au Canada
Plus récemment, la Fondation des Parcs de la Colombie-Britannique lançait Parks Prescription (PaRx), le premier programme national de prescription par la nature au Canada, en collaboration avec des professionnels de la santé. Son ambition vise à promouvoir les bienfaits des sorties en nature sur la santé, au même titre que l’alimentation saine, le sommeil et l’exercice physique.
À l’instar du modèle américain, PaRx propose aux médecins, psychothérapeutes, physiologues, infirmières et autres travailleurs sociaux une plateforme simple d’utilisation qui les guide sur la façon de prescrire et d’enregistrer les prescriptions par la nature. « PaRx est une plateforme gratuite entièrement basée sur des études scientifiques. Elle permet d’accompagner autant les prescripteurs que les patients puisqu’elle offre beaucoup d’information vulgarisée ainsi que de la littérature plus spécifique » explique Isabelle Bradette. Le programme PaRx recommande par exemple des sorties d’un minimum 20 à 30 minutes en nature de manière à permettre une baisse efficace du cortisol, une hormone responsable du stress. Appuyé par plusieurs associations professionnelles, dont l’Association des médecins pour l’environnement, PaRx existe en Colombie-Britannique depuis décembre 2020 et en Ontario depuis mars dernier.
Et au Québec ?
Ce programme intéresse déjà des médecins au Québec. Un comité d’élaboration du programme, composé de cinq professionnels de la santé et notamment d’Isabelle Bradette, vient d’ailleurs de se créer pour adapter PaRx à la réalité québécoise. « Nous allons mettre sur la plateforme des références d’études qui ont été faites au Québec, ainsi que des photos et des idées d’activités qui peuvent être pratiquées ici. Éventuellement, nous trouverons aussi un nouveau nom pour remplacer PaRx » explique Isabelle Bradette. Pour l’heure, ce comité amorce les démarches auprès d’associations de professionnels de la santé, des facultés de médecine et universités pour obtenir leur soutien dans le développement du programme au Québec. Pour Isabelle Bradette, il s’agit d’un prérequis en vue de démontrer la pertinence de Parks Prescription et promouvoir ce programme auprès de tous les professionnels de la santé. Cette étape permettra, comme elle l’espère, de lancer PaRx au Québec d’ici la fin de l’année ou le début de l’an prochain.
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