Mobilisation: stratégies pour prendre soin de soi et de son groupe citoyen

Lorsqu’on mobilise un groupe autour d’un enjeu environnemental, ou social, qui nous tient à cœur, il est possible que l’on ressente de l’épuisement ou du découragement à certains moments de notre implication : il n’y a rien de plus normal !

Heureusement, il existe de nombreuses stratégies que vous pouvez mettre en place afin de mieux respecter vos propres limites et celles des autres. Ces bonnes pratiques de mobilisation auront aussi pour effet de maximiser le plaisir des membres du groupe et de cultiver leur engagement, ce qui permettra à votre groupe citoyen de perdurer dans le temps et de renforcer son impact.

Les pratiques de bienveillance prennent, comme point de départ, la reconnaissance du travail émotionnel. Mais de quoi s’agit-il ? Le travail émotionnel inclut toutes les paroles, les gestes ou les attitudes mises en place pour veiller au bien-être des personnes autour de nous. Ce travail est généralement pris en charge par les mêmes membres d’un groupe. En faisant de la bienveillance une priorité, tout le monde sera encouragé à développer ses capacités à prendre soin de soi-même et des autres.

Le guide Stratégies pour prendre soin de soi et de son groupe en contexte de mobilisation citoyenne, publié par le Réseau Demain le Québec, vous propose des pratiques de bienveillance bien concrètes. Vous y trouverez notamment une série de questions à poser lors d’un cercle de discussion avec votre groupe afin d’identifier les besoins émotionnels de chacun et en tenir compte lors de la réunion.

La bienveillance s’exprime aussi par l’inclusivité de votre environnement d’engagement. Pour que chacun·e se sente pleinement accueilli·e·, il est essentiel de réfléchir à nos identités, nos vécus et à la manière dont ces expériences influencent notre participation au sein du groupe.

Existe-t-il des dynamiques de pouvoir à déconstruire ? Est-ce que chacun·e se sent également valorisé·e ? Est-ce que nos procédures de prise de décision sont justes ? Comment s’adapter pour rendre l’implication au sein de notre groupe plus accessible ?

L’écoute active et la reconnaissance de ses propres biais ou préjugés sont de mise pour cheminer vers un engagement inclusif. Il est également toujours très enrichissant de s’informer sur des réalités différentes des nôtres. À ce sujet, voici les ressources du groupe Mikana sur la décolonisation, le site web Politics and care ainsi que le Wiki du Hub pour la justice climatique qui, chacune à leur manière, sont très utiles et éclairantes pour nous aider à élargir notre perspective et favoriser une participation équitable.

Le code d’éthique est un outil indispensable sur lequel s’appuyer en cas de conflits. Vous l’aurez deviné, c’est pour cela qu’il est judicieux de s’en doter à l’avance. Rien de mieux que le guide du Réseau Demain le Québec sur le sujet afin de vous accompagner dans la rédaction du code d’éthique et vous fournir un modèle prêt à emporter.

Ce code d’éthique doit inclure 4 éléments clés : la mission du groupe, ses valeurs, les règles ou comportements attendus, ainsi que les mécanismes établis pour faire respecter ces trois aspects. Selon les besoins, il peut également comprendre des critères d’admissibilité. En dotant votre collectif d’un code d’éthique clair et transparent, vous favorisez l’intégration de nouveaux membres, car ils et elles comprendront pleinement les normes et les valeurs du groupe dès leur arrivée.

Pour maintenir un climat bienveillant dans toutes vos rencontres et vos actions, vous pouvez également miser sur une autre stratégie : le « gardiennage du senti ». Qu’entend-on par-là ? Le mot senti réfère aux émotions, au vécu, au ressenti. Le rôle de gardien·ne du senti est attribué à une personne qui veillera au bien-être de tous et toutes au cours d’une activité, par exemple une réunion, une assemblée, une manifestation, etc.

Comment cette personne s’y prendra-t-elle ? D’une part, en adoptant une posture d’écoute active et de disponibilité, et en offrant un espace où chacun·e peut se confier. D’autre part, dans un contexte de discussion en groupe, cette personne sera attentive aux entraves qui nuisent au dialogue, ou aux rapports de domination, afin de les déconstruire. Par exemple, un·e gardien·ne du senti peut intervenir en assemblée afin de limiter les temps de parole et l’offrir aux personnes n’ayant pas eu l’opportunité de s’exprimer.

Pour vous renseigner sur les responsabilités et comportements de gardien·ne du senti, consultez le guide du Réseau Demain le Québec : Pourquoi et comment avoir un·e gardien·ne du senti dans ses événements ?

Les compétences de planification et de stratégie sont essentielles pour éviter l’épuisement ! Le Réseau Demain le Québec possède deux autres guides qui traient de ces compétences spécifiques, dont l’un sur la gestion d’équipe efficace et l’autre sur les 7 fonctions clés pour distribuer le leadership dans votre groupe.

Un conseil toujours pertinent : privilégiez la qualité sur la quantité de vos activités et actions. Fixez-vous des objectifs clairs. Prenez le temps de consulter des ressources et sollicitez de l’aide pour répartir la charge au sein du groupe. Un calendrier informatique partagé peut être utile pour effectuer le suivi des tâches et des événements à venir.

Rappelez-vous qu’il y est toujours permis de changer de plan en cours de route, si vous en avez trop sur les épaules. Enfin, un moment d’évaluation post-action ou post-campagne est essentiel pour assurer une amélioration continue des compétences de travail d’équipe.

Les réunions constituent souvent l’instance centrale de la dynamique d’un groupe citoyen. Vous pouvez égayer celles-ci en servant de la nourriture, ou en tenant la réunion dans un lieu agréable comme un parc. Un incontournable est de commencer sa réunion par un tour de table ludique, par exemple en demandant à chacun·e de partager avec les autres « l’état de leur “météo” aujourd’hui ? » Cela permettra notamment à vos collègues de mieux comprendre votre état d’esprit du moment et de s’y adapter. De plus, donnez-vous d’emblée une heure de fin de réunion, et respectez-la, quitte à remettre certains points à une prochaine fois. 
 
Pour développer des liens d’amitié qui dépassent votre implication, vous pouvez, de temps à autre, remplacer une réunion par une activité sociale. Varier les activités de mobilisation en les combinant à des activités que vous aimez est une autre possibilité. Ça tombe bien, le Réseau Demain Québec a produit deux guides pour vous aider à organiser une assemblée de cuisine ou une ciné-discussion. Et d’autres options s’offrent à vous, comme un atelier de tricot, une manif à vélo ou un club de lecture engagé…  
 
L’expression artistique constitue également un puissant vecteur d’émancipation et de plaisir dans l’implication. C’est aussi un excellent moyen d’aller rejoindre les gens, au-delà d’une approche revendicatrice plus traditionnelle. Organisez des soirées artistiques, des micro-ouverts ou des ateliers d’écriture de poèmes au sujet de votre lutte, votre mission. Le Réseau met également à votre disposition un répertoire d’artistes engagé·e·s qui souhaitent mettre leurs talents au service de votre cause. N’hésitez pas à vous en servir ! 
  
Quelques suggestions pour aller plus loin

• La ressource Planifier collectivement produite par Communagir
• L’entrevue vidéo avec Alicia Garza sur le Radical self care

Et quelques livres…

• Sustaining Spirit: Self-Care for Social Justice par Naomi Ortiz
• A Burst of Light and Other Essays par Audre Lorde
• Le care : éthique féministe actuelle par Sophie Bourgault et Julie Perrault 

Comptant plus de 130 groupes citoyens à travers le territoire, le Réseau Demain le Québec a pour mission de soutenir les collectivités œuvrant à la transition sociologique dans leurs milieux.

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