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De projets entre voisins de ruelle à la mise à l’échelle d’initiatives de transition, l’organisme Solon ne cesse d’innover, au fil des années, pour rallier les résidents de quartiers et coconstruire des projets collectifs de transition. Zoom sur une exemplaire initiative de mobilisation citoyenne.
Tout a commencé par des liens de voisinage dans une ruelle de Rosemont - La Petite-Patrie à Montréal. Des voisins qui, de discussions en rencontres, réalisent ensemble des projets et découvrent peu à peu leur capacité collective. Comme les idées foisonnent et dépassent de plus en plus le cadre de la ruelle, ce groupe décide de fonder Solon en 2015.
Transition socioécologique et création de communs
Depuis, cet OBNL accompagne les quartiers et les groupes de citoyens dans des projets de transition socioécologique dans les arrondissements Rosemont-La Petite-Patrie et Ahuntsic-Cartierville. « Solon est porteur d’une vision et d’un récit de la transition qui sont ancrés dans le quartier, l’action locale, la participation citoyenne et la démocratisation », résume ainsi Bertrand Fouss, co-fondateur de l’organisme.
Inspiré par les expériences européennes, comme celles de Bologne ou Barcelone, Solon tend à encourager la création et le partage de communs, soit des ressources, des connaissances, des biens ou des lieux autogérés collectivement par les utilisateurs qui définissent eux-mêmes les règles d’utilisation. En ce sens, l’organisme propose depuis 2020 un tiers-lieu autogéré par ses membres et dédié à la transition socioécologique et aux communs dans l’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie : les Ateliers de la transition. « C’est un espace de rencontre qui est disponible gratuitement aux groupes de citoyens du quartier pour des initiatives liées à transition », explique Bertrand Fouss. C’est aussi dans cet édifice que Solon a établi ses bureaux avec d’autres partenaires du milieu comme Miel Montréal, La cantine pour tous ou La Remise qui y propose un atelier vélo.
Un organisme autogéré
La démocratie et l’organisation horizontale sont au cœur de la gouvernance de Solon. Ici, pas de structure hiérarchique pyramidale, l’équipe fonctionne en mode autogestion où différents cercles de travail établissent leurs propres règles et s’organisent selon leur raison d’être. Loin de travailler en vase clos, ces cercles interagissent naturellement entre eux, d’autant que la majorité des membres de l’équipe occupe plusieurs rôles et donc plusieurs cercles à la fois.
Les mécanismes de prise de décision favorisent quant à eux la philosophie du consentement qui consiste à valider une décision quand aucun membre du groupe ne s’y oppose. C’est le cas pour les décisions importantes portant par exemple sur l’égalité salariale au sein de l’organisme. C’est d’ailleurs ce qui plaît à Émilie Joly, membre de l’équipe depuis plusieurs mois. « Le mode de fonctionnement demande une collaboration importante entre les membres de l’équipe : il faut avoir confiance en ses collègues et faire preuve de respect et de bienveillance dans les échanges entre les uns et les autres. Tout cela demande un équilibre entre le lâcher-prise pour pouvoir aller de l’avant et le leadership pour trouver des solutions. »
Projets collectifs de transition
Recyclage de plastique, confection de conserves à base de surplus, Foire des possibles ou partage de terre associant un prêteur de jardin à un jardinier sans terre, Solon est à l’origine d’une vingtaine d’initiatives.
L’organisme a par exemple développé Celsius, un projet pilote de géothermie partagée dans des quartiers densément peuplés. Initialement pensée pour répondre aux besoins énergétiques de plusieurs bâtiments dans une même ruelle, l’initiative a plutôt pris la forme d’un microréseau vitrine de géothermie regroupant sept logements d’un même bâtiment. Solon espère développer ailleurs des projets similaires et réfléchit d’ores et déjà à sa mise à l’échelle avec plusieurs partenaires.
Solon innove également dans le domaine de la mobilité durable, avec la création de LocoMotion, un des projets phares de l’organisme. Proposé par des citoyens de l’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie en 2017, il offre aux résidents d’un quartier une solution locale d’autopartage et de vélopartage entre voisins. Aujourd’hui, l’ambition est de faire de LocoMotion un commun et de le rendre disponible sur l’ensemble du Québec et ailleurs dans le monde. Son succès a d’ailleurs déjà attiré d’autres quartiers montréalais et d’autres municipalités, comme Sherbrooke où un groupe de voisins a mis sur pied LocoMotion en 2019.
La force des partenariats
L’ensemble de ces projets est rendu possible grâce à une myriade de partenariats locaux avec des groupes de citoyens, des organismes œuvrant pour la transition, etc. Le partenariat avec la ville de Montréal est le plus important, notamment à travers le programme Montréal en commun dans le cadre duquel Solon est porteur de projets pour la mobilité de quartier depuis 2020. L’appui financier qui en résulte a ainsi contribué au montage du tiers-lieu et continue à soutenir des projets de Solon tel que LocoMotion jusqu’en 2024. Enfin, les partenariats de recherche avec la Chaire de recherche UQAM sur la transition écologique et le Centre d’étude en responsabilité sociale et écocitoyenneté contribuent au transfert de connaissances et autres évaluations de projets pour mieux comprendre les enjeux sur le terrain.
Sept ans après sa création, Solon est plus que jamais actif pour mobiliser les citoyens, expérimenter et cocréer d’autres communs. Avec aujourd’hui une vingtaine de personnes dans son équipe, l’organisme sait, selon Bertrand Fouss, « se poser les bonnes questions, pour repenser notre modèle de développement, notre rapport à la propriété, notre mode de vie et notre récit d’avenir. » Et c’est sans aucun doute un prérequis pour réussir la transition socioécologique.