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Implanter des prairies en pleine ville ou réintroduire une espèce disparue pour soutenir la biodiversité d’un milieu, le réensauvagement se décline de diverses manières pour faire face à l’effondrement des espèces. Coup de projecteur sur trois exemples.
Laisser la nature reprendre ses droits, c’est en substance le fondement du réensauvagement, un concept qui a émergé aux États-Unis il y a une trentaine d’années avant de gagner du terrain dans d’autres régions du monde. Son objectif : restaurer des écosystèmes dégradés en misant sur la capacité de la nature à se reconstruire et en l’aidant parfois par la réintroduction d’espèces sauvages dans un territoire.
Les richesses cachées du rideau de fer
De la frontière finno-russe aux abords de la Grèce et de la Turquie, la ceinture verte européenne traverse l’Europe de part en part sur près de 13 000 km. D’une largeur pouvant atteindre 50 km à certains endroits, ce corridor biologique relie plus de 7500 zones protégées et une quarantaine de parcs nationaux à travers 24 pays. Il prend surtout racine sur un gigantesque no man’s land propice au réensauvagement naturel : la zone interdite sur le tracé du rideau de fer, un vestige de la guerre froide qui séparait l’Europe en deux blocs.
Pendant 40 ans, cet espace inhospitalier, jonché de barbelés, de mines et de miradors, a en effet permis à la faune et la flore de reprendre naturellement leur droit grâce à l’absence d’intrusions et d’activités humaines - hormis le fauchage de la végétation. Au cours des années 1970, l’apparition d’espèces d’oiseaux rares attire l’attention de biologistes. Bien plus encore, cette zone de sécurité sert à la fois de lieu d’escale pour les oiseaux migrateurs et de corridor migratoire à des mammifères menacés comme le lynx d’Eurasie, la loutre d’Europe ou le loup gris. Des espèces particulièrement en danger y ont même établi leur bastion, comme la cigogne noire ou encore la moule perlière d’eau douce qui a tiré profit de la naturalité préservée des cours d’eau.
Dès la chute du rideau de fer, des citoyens et des politiques unissent leurs efforts pour transformer cette zone de sécurité en un réseau écologique protégé et paneuropéen. La ceinture verte européenne voit officiellement le jour en 2004 et des organisations se mobilisent aujourd’hui pour l’intégrer au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Des loups pour équilibrer la chaîne alimentaire
La réintroduction de loups gris dans le parc Yellowstone aux États-Unis est l’exemple le plus couramment cité pour illustrer les effets bénéfiques du réensauvagement par la réintroduction de grands prédateurs. Victimes d’une chasse intensive, ces canidés ont disparu dans les années 1920 avant d’être réintroduits dans le parc au milieu des années 1990 pour rééquilibrer l’écosystème qui, entretemps, avait été affecté par la prolifération des wapitis.
Les données suggèrent en effet que les loups ont permis de réduire la population de ces herbivores. Et même s’ils ne sont pas l’unique cause de ce changement, des études indiquent qu’à certains endroits du parc, les loups pourraient avoir effectivement contribué à la régénération d’une végétation plus dense et variée, y compris des arbres tels que les peupliers trembles et les saules qui ont favorisé le retour des castors. Par un étonnant effet domino, les barrages construits par ces derniers ralentissent le débit des cours d’eau, stabilisent les berges et permettent la formation de bassins, autant de conditions propices au développement des populations de poissons, reptiles, insectes et amphibiens.
Environ 90 loups gris vivent aujourd’hui dans le parc Yellowstone. Mais s’ils sont protégés à l’intérieur du parc, la chasse ne les épargne pas dès qu’ils s’aventurent à l’extérieur. Un problème qui s’est d’ailleurs accentué récemment en raison d’une décision de l’administration Trump, en 2020, de retirer le loup gris de la liste des espèces protégées.Résultat : 24 loups ont été abattus depuis septembre dernier. Un record depuis leur réintroduction en 1995. Une récente décision de justice devrait toutefois stopper cette hécatombe puisqu’elle vient de ramener les loups dans la liste des espèces protégées.
Le réensauvagement urbain
À plus petite échelle, les villes s’intéressent également au concept de réensauvagement qu’elles déploient sur des friches urbaines ou industrielles et même des parcs urbains. C’est le cas en Allemagne où les villes de Francfort, Hanovre et Dessau se sont engagées en 2016 dans un projet expérimental qui favorise le développement de prairies sur des terrains vacants. Outre une plus grande tolérance à la sécheresse, les études de terrain montrent que ces zones réensauvagées ont amélioré la biodiversité urbaine avec notamment une augmentation du nombre d’oiseaux, de chauves-souris, de hérissons, d’abeilles et d’amphibiens. Lieux de rencontre et de détente, ces prairies deviennent aussi des endroits privilégiés pour sensibiliser et éduquer les citadins sur la faune et la flore locales.
D’autres initiatives visent un réensauvagement plus ciblé pour attirer les insectes pollinisateurs. À Dublin par exemple, les parcs sont verdis à 80 % de plantes mellifères indigènes : ces initiatives sont soutenues par une politique municipale qui privilégie ce type de plantes tout en limitant à la fois la tonte de pelouses et l’usage des herbicides dans les parcs et bords de routes. Au Québec, des pratiques similaires sont encouragées dans des municipalités certifiées « Ville amie des monarques ». Engagées en faveur de la protection du papillon monarque, ces villes mettent en œuvre diverses actions pour restaurer sur leur territoire l’habitat de cette espèce en voie de disparition. Sherbrooke, Varennes, Québec, Candiac ou Montréal… : elles sont aujourd’hui 81 municipalités à notamment encourager la pousse de l’asclépiade, une plante sauvage indigène essentielle à la survie du monarque.
Autant d’exemples qui, quelle que soit leur envergure, donnent de l’espoir face au déclin de la biodiversité.
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