Aménagement urbain

Espaces naturels, plein air et développement durable

Espaces naturels, plein air et développement durable

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Dans certains territoires convoités par l'industrie forestière ou les promoteurs immobiliers, le développement de sites récréotouristiques de plein air pourrait s'avérer une solution de choix pour concilier développement économique et intégrité des milieux naturels.

Septembre 2021 sur les berges de la rivière Péribonka, au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Malgré dix années de mobilisation citoyenne, l’exploitation forestière est imminente sur une portion de forêt intacte, le long d’un couloir visuel de 80 km. L’agitation gagne le Comité de sauvegarde de la rivière Péribonka, ainsi que les 7000 citoyens qui ont fait parvenir une lettre d’opposition au projet de coupe au premier ministre François Legault. Même contestation chez les membres du collectif autochtone Mashk-Assi. Car cette portion de la Péribonka est un joyau considérable, bordé de hautes falaises qui lui donnent des airs de fjord. Le potentiel récréotouristique de cet affluent du lac Saint-Jean est très attractif : une descente de canot-camping en eau calme y est offerte en forfait guidé avec une entreprise locale (Équinox Aventure) ou en autonomie durant 4 à 6 jours. 

rivière Péribonka

« C’est un produit d’appel unique, surtout en cette période d’engouement pour l’écotourisme, soulève Ève Tremblay, porte-parole du comité. On peut aussi faire de la longue randonnée en ski nordique ou en traîneau à chiens le long de ses rives. » Un site d’hébergement y a même été identifié dans le secteur de la Baie des Gardes, avec un campement qui pourrait être connecté, par un sentier, aux berges sablonneuses du lac Tchitogama.

À quelques jours du démarrage du projet d’exploitation, voilà que le gouvernement fait volte-face en annonçant la nouvelle : ce secteur est désormais protégé de toute coupe forestière et intégré à la liste des réserves de territoires aux fins d’aire protégée (RTFAP), annoncées en 2020, dont il avait été exclu en 2020. Une victoire citoyenne que militants et organismes environnementaux saluent d’une même voix. Des forfaits de canot-camping, guidés ou en autonomie, et des hébergements rustiques pourront donc y être développés.

Rivière Péribonka

Foresterie ou plein air?

La culture de la foresterie, qui prédomine dans plusieurs régions du Québec, compromet le développement du tourisme d’aventure sur plusieurs rivières patrimoniales, mais aussi dans des territoires quadrillés de sentiers de randonnée. C’est le cas dans la région de Lanaudière, où des plans de coupe menacent la moitié de la Matawinie, soit plus de 700 000 hectares, comprenant des joyaux pour l’écotourisme : le sentier national de la Matawinie, à Sainte-Émélie-de-l’Énergie, très prisé par les amateurs de randonnée, et les parcs régionaux de la Chute-à-Bull et de la Forêt-Ouareau, des territoires montagneux parsemés de forêt mature. Dans ce dernier, moins d’un tiers du périmètre est placé sous protection, laissant le reste aux mains des compagnies forestières.

Une situation qui soulève la mobilisation d’organismes environnementaux et de comités citoyens, dont Éco-corridor Kaaikop-Ouareau, qui défend l’idée d’une trame verte qui traverserait ce secteur entre Lanaudière et les Laurentides. Et qui soutiendrait l’économie locale : « Selon une étude prospective réalisée par l’Université de Sherbrooke, les retombées économiques des coupes s’élèveraient à 600 000 $ entre 2018 et 2023, explique Linda Otis, d’Éco-Corridor Kaaikop-Ouareau. Et le scénario de conservation, incluant des infrastructures pour la villégiature, apporterait, quant à lui, 56 millions de dollars dans l’économie locale en retombées directes et indirectes. »

Nature et retombées économiques

Ce principe de mise en perspective entre deux scénarios — exploitation des ressources ligneuses versus développement durable — a été initié par la Coalition pour la préservation du Mont-Kaaikop, qui a commandé, en 2019, une étude sur la valeur économique des écosystèmes du Mont-Kaaikop, pour établir l’acceptabilité sociale, la rentabilité économique et la valeur écosystémique de ce magnifique terrain de jeu, géré par une coopérative de solidarité, et possédant 40 km de sentiers, une auberge rénovée et 24 écogîtes quatre-saisons. Quelque 4000 randonneurs se rendent chaque année dans ce petit secret bien gardé.
 
Or, depuis 2013, le Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs a les yeux braqués sur 3 km2 de forêt exploitable, notamment sur ses peuplements anciens. Selon cette étude, le scénario de coupe générerait 300 000 $ de plus que celui du développement durable qui, lui, est évalué à 2,2 millions, en retombées directes et indirectes, liées au plein air, à la protection des habitats fauniques, à l’esthétisme du paysage et au stockage du carbone. « Nous ne sommes pas opposés à l’exploitation forestière, mais pas n’importe où, dit Claude Samson, trésorier de la Coalition. La nature est le capital principal de cette région de villégiature. » Et la préservation de la biodiversité constitue une valeur ajoutée, ardemment défendue par la mobilisation locale.

Parc Des Sommets Bromont
Crédit photo : Matt.pelle

Un parc pour les citoyens

Malgré les défis, la mobilisation peut aussi avoir gain de cause. C’est ce qu’on a vu avec le « dossier Bromont » en 2020, après huit années de tractations menées par la municipalité et le comité citoyen Protégeons Bromont. L’objectif : s’opposer au rachat de 170 hectares de terrain par Bromont Montagne d’Expérience pour y faire construire une quarantaine de demeures privées.

Cour arrière des Bromontois, ce territoire est quadrillé de sentiers et abrite un écosystème forestier exceptionnel, des essences indigènes et des espèces menacées. Pour parvenir à protéger ce secteur, chacun a mis la main à la poche afin de réunir les huit millions de dollars nécessaires à son acquisition et créer le parc des Sommets : la municipalité, l’organisme Conservation de la nature Canada, chargé d’investir dans des projets de mise en valeur de la biodiversité, et, enfin, les citoyens qui ont procédé à une collecte de fonds pour recueillir un million et demi de dollars. Certes, durant des années, le projet de création d’un parc de conservation n’a pas eu que des adeptes dans cette communauté habituée à accéder librement au territoire. Reste que deux ans après son inauguration, le parc des Sommets s’avère un véritable succès : « Avant la création du parc, la montagne était divisée en deux, entre le parc municipal et BME, explique Alain Planchamp, directeur général du parc des Sommets. Aujourd’hui, on veut faire tomber la frontière entre les deux pour que les randonneurs puissent passer d’un terrain de jeu à l’autre.  »

En à peine deux ans, le parc s’est doté d’un pavillon d’accueil (sur le point d’être achevé) ainsi que d’une halte équestre, et prévoit la construction d’un refuge-cabane à sucre pour le printemps prochain. Les citoyens sont aujourd’hui nombreux à profiter des sentiers pédestres et des pistes de vélo de montagne qui contribuent à la vitalité locale... et à leur qualité de vie.   

Crédit photo : Matt.pelle

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