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Alors que les établissements préscolaires et primaires rouvrent progressivement leurs portes au Québec, des spécialistes de la pédagogie en plein air et des professeurs d’université interpellent le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge pour qu’il soutienne la communauté éducative dans le développement de l’éducation à l’extérieur.
Dans une lettre ouverte publiée tout récemment, ces spécialistes font valoir les nombreux bénéfices de l’apprentissage en nature, particulièrement en temps de COVID-19. Envoyée aux médias, la lettre a été rapidement suivie d’une pétition en ligne qui a recueilli plus de 7000 signatures en moins d’une semaine. Pour les signataires, parmi lesquels figure la Fondation Monique-Fitz-Back, l’éducation à l’extérieur permet de mieux respecter les règles de distanciation physique, tout en favorisant le bien-être, la santé, ainsi que la sécurité des élèves et des enseignants.
« En plus de tous les bénéfices qu’on en retire au niveau éducatif, on sait que le contact avec la nature diminue beaucoup le stress et l’anxiété. Après deux mois de confinement à l’intérieur, les élèves ont plus que jamais besoin de prendre l’air et de bouger. » - Julie Moffet, coordonnatrice du projet Enseigner dehors, Fondation Monique-Fitz-Back.
L’éducation à l’extérieur pour le bien-être des enfants
Fermeture des écoles, routine chambardée, activités annulées, confinement obligé… : les conséquences de la pandémie actuelle peuvent être tout aussi angoissantes pour les enfants que pour leurs parents. Mais alors que la décision du gouvernement québécois de rouvrir les écoles est principalement motivée par des raisons sociales et pour le bien des enfants, on peut s’inquiéter avec raison que les enfants confinés chez eux depuis plusieurs semaines se retrouvent tout aussi confinés à l’intérieur de l’école. Profiter du déconfinement pour mettre de l’avant la pédagogie en plein air apparaît donc comme une réponse cohérente et rassurante à la crise que nous vivons.
Selon Julie Moffet, coordonnatrice du projet Enseigner dehors à la Fondation Monique-Fitz-Back, le Québec devrait s’inspirer du Danemark qui a donné comme consigne claire de favoriser la classe à l’extérieur pour limiter les risques de propagation de la COVID-19 auprès des écoliers. En plus de faciliter l’instauration d’une distance de 2 mètres entre les élèves, il semble en effet que la transmission du virus se fasse moins à l’extérieur. Et c’est sans compter tous les bénéfices reconnus de l’apprentissage en extérieur. De nombreuses recherches ont en effet démontré des bienfaits aussi diversifiés qu’une augmentation de la concentration, de la motivation, du développement personnel et moteur, ainsi que de la performance académique des élèves. « On se rend compte qu’être dehors est tellement stimulant, précise Julie Moffet, qu’il y a des impacts très forts sur la réussite scolaire. »
« Quand on sort dehors, même dans une cour d’école asphaltée, il y a du soleil, du vent et on peut entendre les oiseaux. Ce sont des sensations qui sont très rassurantes, qui peuvent faire autant de bien aux élèves qu’aux enseignants qui vivent aussi beaucoup de stress en période de pandémie. » - Julie Moffet
Enseignement en plein air et COVID-19
Enseignant en éducation physique et chargé de cours au programme de 2e cycle en intervention en contexte de plein air à l’UQAM, Patrick Daigle a tenu rapidement à joindre sa voix à cet appel à l’enseignement en plein air. Avec la participation de la Fondation Monique-Fitz-Back et du Réseau des unités régionales de loisir et de sport, l’équipe du 2e cycle en plein air de l’UQAM a ainsi réalisé sous sa direction un petit guide pratique pour les enseignants désireux d’adapter leur enseignement à l’extérieur, en tenant compte des directives du MÉES et de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) pour le milieu scolaire. (NDLR: le guide sera disponible mercredi le 13 mai et nous ajouterons au bas de cet article le lien pour le consulter.)
En plus de présenter des mesures simples pour assurer le respect des règles sanitaires, comme la délimitation des zones d’apprentissage dans la cour, les déplacements en alternance entre les groupes ou l’installation d’un tuyau d’arrosage pour se laver les mains, les auteurs de ce document proposent quelques activités accessibles et agréables à faire avec les élèves, aussi bien dans les espaces verts que dans la cour de l’école. « Ça peut être aussi simple que de prendre sa collation à l’extérieur ou de rester dehors pour la routine d’accueil », explique Patrick Daigle, qui croit fermement que les espaces à l’extérieur de l’école peuvent faciliter le travail des intervenants pour assurer la sécurité, la santé et le bien-être de tous.
« Faire une simple révision, une lecture ou un parcours actif mathématique à l’extérieur, ajoute Julie Moffet, ce sont des moments qui peuvent faire la différence dans le bien-être des élèves. » Celle-ci tient par ailleurs à rappeler que la classe extérieure favorise les mouvements des élèves qui peuvent s'asseoir ou rester debout et que les possibilités d’activités extérieures sont multiples. Quelle que soit la matière enseignée, l’enseignement à l’extérieur permet de rendre des notions abstraites beaucoup plus concrètes. Julie Moffet invite par ailleurs les enseignants en quête d’idées d’activités pour faire la classe à l’extérieur à visiter le site du projet Enseigner dehors de la Fondation Monique-Fitz-Back.
Dehors aussi les tout-petits !
Dans son guide des bonnes pratiques pour l’organisation des services de garde éducatifs dans le contexte de la COVID-19, l’Association québécoise des CPE (AQCPE) encourage aussi très fortement les sorties extérieures pour les tout-petits. « On appuie cette idée-là que le jeu à l’extérieur doit être valorisé et mis à contribution comme une solution pour répondre aux enjeux qui se présentent à nous, en particulier les enjeux en matière d’hygiène et de distanciation, et diminuer le stress qui est généré par cette situation de crise », précise Michèle Leboeuf, conseillère aux partenariats et coordonnatrice du projet Alex à l’AQCPE.
« Les contraintes sont actuellement nombreuses à l’intérieur et l’expérience de jeu se retrouve limitée. À l’extérieur, l’espace s’ouvre. On invite donc les éducatrices à privilégier les boisés, les champs ou les lieux urbains pour offrir aux enfants un environnement qui demeure riche en découvertes. » - Michèle Leboeuf
Le projet Alex compte par ailleurs sur son volet recherche avec l’Université Laval pour jeter un regard sur les activités d’éducation par la nature dans le contexte de la COVID-19. Cette étude permettra notamment de voir comment cette situation particulière peut affecter la qualité des interactions et l’engagement des enfants dans leur apprentissage.
Préparer la rentrée en temps de pandémie
« Depuis quelques années, l’intérêt des milieux éducatifs pour l’éducation en plein air ne cesse de grandir, souligne Julie Moffet, mais avec la crise sanitaire et le besoin de distanciation sociale, on s’attend à une forte augmentation de la demande. » Aussi, à la suite de la lettre ouverte, des organisations et des spécialistes de l’enseignement et de l’apprentissage en extérieur ont tenu à se regrouper pour offrir leur aide au ministre de l’Éducation afin de mettre en place dès maintenant des actions concrètes pour privilégier l’éducation en plein air à la rentrée de septembre.
« Nous sommes plusieurs acteurs et organisations à nous concerter pour voir ce que l’on peut offrir aux écoles, ajoute Julie Moffet. On aimerait travailler avec le ministère de l’Éducation pour faire des recommandations et proposer des actions, comme de la formation ou de l’accompagnement à distance pour les enseignants ou l’installation d’infrastructures extérieures pour favoriser une implantation optimale de l’éducation en plein air à la rentrée. »
En ces temps de confinement éprouvant, souhaitons que leur appel soit entendu et que cette main tendue soit saisie pour que les élèves puissent poursuivre leur apprentissage de manière signifiante tout en profitant du grand air dont nous avons tous tant besoin.
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Visionnez la conférence de Julie Moffet: La classe extérieure : le potentiel pédagogique des cours d’école
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