Âgisme: des trucs pour le reconnaître et le contrer

Il s’agit d’une forme de discrimination dans laquelle l’âge est utilisé pour juger une personne ou un groupe de personnes, ou encore pour prendre une décision la ou les concernant. Mélanie Levasseur, professeure titulaire à la faculté de médecine et des sciences de la santé à l’Université de Sherbrooke, indique que l’âgisme se compose à la fois de stéréotypes (des manières de penser), de préjugés (des manières de se sentir) et de discrimination (des manières d’agir). Et que si l’on associe spontanément l’âgisme aux aîné·e·s, les jeunes peuvent aussi en être victimes.

Des comportements d’âgisme peuvent se manifester sur le plan institutionnel, lorsque l’on ne considère pas une personne d’un certain âge pour une promotion, par exemple, ou lorsqu’on instaure des restrictions en lien avec l’âge pour la participation à des activités, alors que rien ne le justifie. L’âgisme peut aussi teinter des relations interpersonnelles, lorsqu’une personne met en doute les capacités d’une autre personne en raison de son âge, par exemple. Et parfois, on peut faire preuve d’âgisme envers soi-même; c’est le cas quand, par exemple, on utilise ce même motif pour ne pas entreprendre telle ou telle activité.

Moins connu et davantage toléré que d’autres formes de discrimination, comme le sexisme et le racisme, l’âgisme n’en est pas moins dommageable. Dans son Rapport mondial sur l’âgisme, publié en 2021, l’OMS l’associe à une baisse de la qualité de vie, à une augmentation de l’isolement, à une mauvaise santé physique et mentale ainsi qu’à une diminution de l’espérance de vie. Sur le plan social, l’âgisme a par ailleurs pour effet de nuire à l’équité et l’inclusion en plus d’augmenter la marginalisation. Selon Mélanie Levasseur, même lorsqu’il est bienveillant, l’âgisme peut faire mal.

Pour prévenir l’âgisme, l’OMS suggère la création de politiques et de lois, la mise en place de campagnes d’information et d’interventions éducatives visant notamment les enfants – ceux-ci peuvent développer de l’âgisme dès l’âge de quatre ans s’ils y sont exposés, indique Mélanie Levasseur – ainsi que l’organisation d’activités favorisant les contacts intergénérationnels. L’OMS propose également la réalisation de recherches visant à mieux comprendre le phénomène et à découvrir des manières de le réduire. Enfin, l’organisme suggère la création d’un mouvement susceptible de changer le discours en ce qui a trait à l’âge et au vieillissement et propose d’améliorer la communication entre les intervenants afin de mieux combattre l’âgisme.

Certaines mesures visant à prévenir l’âgisme sont déjà en place au Québec. Ainsi, avec son équipe, Mélanie Levasseur réalise des recherches sous le thème Rompre avec l’âgisme. De plus, avec le professeur Dany Baillargeon, elle pilote un travail collaboratif dont a résulté une plateforme appelée , GIRA contribue à valoriser la recherche scientifique au sujet de l’âgisme et propose des moyens d’améliorer les choses. Des étudiant·e·s, des chercheurs, des associations pour les aîné·e·s ainsi que des citoyen·ne·s y participent.

Aussi, au cours des dernières années, plusieurs organismes et municipalités ont mis en œuvre des projets afin de conscientiser les citoyens à l’égard de l’âgisme et, éventuellement, de le contrer. En voici quelques exemples :

• La ville de Saguenay a mis en place une campagne intitulée Avant de juger, regardez-les mieux.
• Le Collectif aînés isolement social de la ville de Québec a réalisé une vidéo illustrant une situation d’âgisme et des manières de l’éviter.
• L’R des centres de femmes du Québec a mis en ligne des outils de sensibilisation sous le thème Vieilles, au-delà des préjugés !
• La Table régionale de concertation des personnes aînées du Centre-du-Québec a diffusé une série de six capsules vidéo sous le thème Vieillir n’est pas une maladie – Ne tombez pas dans le piège de l’âgisme !
• La Ville de Granby a publié son plan d’action pour contrer l’âgisme; en 2022, elle avait présenté une exposition intitulée Vieillir et beauté. Voilà qui est inspirant !

En attendant que des changements s’installent à grande échelle, il est possible d’agir dans sa communauté afin de prévenir l’âgisme. Voici quelques conseils à cet égard.

1) S’arrêter et se livrer à une introspection

• S’interroger sur ses pensées et ses comportements et se demander s’ils ne sont pas teintés d’âgisme; au besoin, on pourra trouver des moyens de rectifier le tir.
• S’informer au sujet du vieillissement, ce qui permettra de découvrir qu’il y a, chez les aîné·e·s, une multitude de parcours aussi diversifiés qu’intéressants.
• Partager ses observations avec les personnes de son entourage, incluant ses collègues de travail.
• Adopter une attitude bienveillante, tant envers soi qu’envers les autres.

2) Adapter ses activités et ses services

• Avant de mettre en place un service ou une activité à l’intention des aîné·e·s, ne pas hésiter à leur demander leur avis.
• Si des restrictions doivent être appliquées, faire en sorte qu’elles ne soient pas liées à l’âge, mais plutôt à la condition physique des participants.
• Éviter de procéder à des aménagements lorsque cela n’est pas nécessaire. En revanche, ne pas hésiter à le faire lorsque cela s’avère pertinent.
• Laisser à toutes les personnes qui en sont capables le loisir de décider pour elles-mêmes si elles veulent ou non participer à une activité.

3) Établir des communications dépourvues d’âgisme

• Éviter d’infantiliser les personnes âgées ou d’adopter une attitude condescendante à leur égard. Les expressions comme « Ma belle p’tite Madame » et les phrases du genre « vous êtes à la retraite, vous pouvez donc attendre cinq minutes » sont à proscrire. Mélanie Levasseur juge la première « insultante et stigmatisante » et mentionne que la seconde « porte un jugement sur quelque chose dont on ne sait rien ».
• Lorsque des aîné·e·s sont représenté·e·s, privilégier des images de personnes autonomes et en pleine possession de leurs moyens.
• Si cela s’avère pertinent, mettre de l’avant les contributions que les aîné·e·s ont apportées à la société ainsi que leurs compétences.

4) Faire en sorte que des gens de toutes les générations puissent se côtoyer

• Reconnaître qu’entre les générations, il n’y a pas que des différences; il y a aussi des similitudes.
• Mettre en place des activités intergénérationnelles, ce qui favorisera des échanges et des contacts signifiants entre gens de différents âges. Selon des travaux en matière de vieillissement actif, auxquels Mélanie Levasseur a participé, c’est dans les municipalités où les activités sont pensées pour l’ensemble de la population que les aîné·e·s affichent une meilleure santé.
• Faire en sorte que ces activités demeurent en lien avec les passions des participants de différents groupes d’âge; cela facilitera la participation et les échanges.
• Si le contexte s’y prête, faire en sorte que les participant·e·s puissent faire valoir leurs compétences. Par exemple, dans un atelier de photographie, une personne âgée pourrait transmettre à un jeune quelques trucs appris sur le terrain et recevoir en retour de l’aide pour utiliser un nouveau logiciel.
• Faire la promotion des habitations intergénérationnelles. Celles-ci comportent de nombreux avantages pour ceux qui y habitent.

Il ne reste plus qu’à espérer que nos suggestions et les ressources que nous proposons puissent alimenter vos réflexions, influencer vos comportements et vous inspirer dans vos actions.