Vous vous questionnez peut-être sur la pertinence de cuisiner, en milieu de garde, avec des enfants aussi jeunes ? Après tout, ils sont bien loin du moment où ils quitteront le nid familial et auront la responsabilité de se nourrir. Or, la littératie alimentaire a sa place auprès des petits, comme le mentionne le cadre de référence Gazelle et Potiron : « Au-delà de l’éveil au goût réalisé à l’occasion des repas et collations, des activités visant à éveiller la curiosité et à susciter l’ouverture des enfants à l’univers alimentaire sont partie intégrante du contexte propice à la saine alimentation. » Par ailleurs, les ateliers culinaires ont le potentiel de rejoindre tous les domaines de développement (physique et moteur, cognitif, langagier, social et affectif), tout en préparant les enfants à leur futur cheminement scolaire.

Les ateliers de cuisine-découverte ont été conçus en gardant le cap sur les principes de l’approche démocratique préconisée par le programme éducatif Accueillir la petite enfance, en particulier : « L’importance du jeu et du plaisir dans l’apprentissage de l’enfant » et « L’importance de mettre l’enfant en situation d’autonomie en expérimentant, en observant, en imitant et en parlant avec les autres ». De plus, l’application des recommandations suivantes, tirées du cadre de référence Gazelle et Potiron, est essentielle afin de s’assurer que les ateliers encouragent l’adoption de saines habitudes de vie tout en étant sécuritaires et inclusifs :

• Chaque enfant prépare une portion individuelle de la recette dans le respect des bonnes pratiques en matière d’hygiène et de salubrité.
• Une attention particulière est accordée à la prévention des situations pouvant nuire à la santé : gestion étroite des allergies alimentaires, précautions pour diminuer les risques d’étouffement, utilisation de matériel culinaire sécuritaire, etc.
• Les recettes mettent en vedette des aliments du quotidien et à valeur nutritive élevée (ex. : fruits et légumes frais, grains entiers, yogourt nature, etc.).
• Dans l’optique de promouvoir tous les petits gestes possibles pour limiter la sédentarité, les jeunes cuistots sont encouragés à rester en position debout, « comme les cuisiniers dans un restaurant » !
• Enfin, les ateliers culinaires s’inscrivent parmi les activités qui favorisent l’égalité entre les sexes, puisque toutes et tous y participent.

Vous trouverez ci-dessous les piliers de la démarche, appuyés par quelques exemples concrets, puisés de nos expériences d’animation.

Le message clé qui est véhiculé à toutes et tous – enfants, éducateur·rices, animateur·rices formé·es, parents, gestionnaires – est sans contredit celui-ci : le plus important lors d’un atelier est de partager un moment agréable et convivial. Le plaisir n’est-il pas le meilleur ingrédient pour transmettre le goût de cuisiner aux adultes de demain ? D’autant plus que le cadre de référence fait mention à plusieurs reprises de l’importance de faire vivre aux enfants des expériences positives lors des activités culinaires.

Voici des éléments qui peuvent contribuer à captiver et à divertir les enfants durant l’atelier :

• Ambiance détendue et animation dynamique : les enfants sont encouragés à participer le plus souvent possible, par exemple en nommant un ingrédient, en racontant leur expérience de cueillette de pommes, ou en exprimant leur appréciation de la recette ;
• Matériel d’animation attrayant ;
• Présentation amusante des aliments cuisinés ;
• Animations ludiques pour vulgariser des notions alimentaires : s’initier à différentes variétés de légumes avec un jeu de mémoire, s’amuser à mimer un muffin qui gonfle pour expliquer l’effet de la poudre à pâte ou imiter une canneberge fraîche qui rebondit… et hop, on intègre en prime un soupçon de jeu actif !

Selon le ministère de la Famille, cité dans Gazelle et Potiron : « Les repas et les collations sont des moments propices pour développer l’autonomie et le sentiment de compétence des poupons et des enfants ainsi que pour renforcer leurs habiletés motrices. »  En cuisinant, ces dernières sont allègrement sollicitées. Sachant que la motricité fine influence l’apprentissage de l’écriture, voilà une autre occasion de bien préparer les enfants pour leur entrée à l’école.

En cuisinant leur propre portion d’une recette, les enfants s’impliquent de manière active ; ils tombent directement dans la potion de l’expérimentation et de l’autonomie. Plusieurs aspects du déroulement des ateliers en témoignent :

• On débute par l’observation interactive, en groupe, de la fiche recette illustrée : les enfants sont invités à compter les étapes à voix haute, puis ils nomment des ingrédients qu’ils reconnaissent et expliquent dans leurs mots la séquence des actions : couper les fruits d’abord, déchirer une feuille verte (de menthe!), et ainsi de suite.
• On passe ensuite à l’action ! Guidé par la modélisation de l’animatrice, chaque enfant pratique tous les gestes culinaires de la recette. Les techniques expérimentées varieront d’un atelier à l’autre, selon la thématique et sa recette : couper à l’aide d’un couteau à beurre ou de ciseaux; mélanger en effectuant une rotation d’une main, tout en tenant le bol de l’autre ; mesurer un ingrédient en remplissant la mesure, puis égaliser pour retirer le surplus (faire la montagne et la patinoire !) ; à l’aide de deux cuillères, coordonner ses mouvements en comblant un moule à muffins de pâte, etc.
• À la fin de l’atelier, quelle fierté d’avoir réussi à réaliser la recette de A à Z ! La réalisation ne peut être plus concrète pour les enfants, puisqu’elle éveille leurs cinq sens.

Encourager la curiosité envers l’alimentation est un autre élément central lorsqu’on intervient auprès des enfants. On peut miser sur la découverte de nouveaux aliments, de saveurs inconnues, mais aussi de mots, de gestes, de notions, d’odeurs, de textures, de formes, etc. Avec les tout-petits, l’exploration sensorielle est une avenue de choix pour stimuler leur soif d’apprendre.

Au cours des ateliers, les occasions d’éveiller ses cinq sens sont multiples. En voici quelques-unes :

• Admirer une image spectaculaire des champs de canneberges, d’un rouge vif lors de la récolte.
• Sentir pour la première fois de la cardamome.
• Toucher à un morceau de tofu : « C’est froid, c’est rugueux, c’est mou… ».
• S’émerveiller devant certains produits originaux de la nature : poivron mauve, fruit du dragon, mandarine verte, courgette arrondie, citrouille géante, etc.
• Faire de la musique avec des « maracas » de lentilles sèches qu’on agite dans un contenant.
• Porter attention au son produit en croquant un morceau de pomme.
• Goûter à de l’eau d’érable.
• Déguster une recette dont la présentation est inhabituelle : un sandwich évoquant un petit bateau, une tartine au thon en forme de poisson ou des crudités déguisées en sapin de Noël.

Afin d’accompagner les jeunes enfants dans la découverte alimentaire, une attention particulière est accordée à l’orientation 2 de Gazelle et Potiron, soit « Utiliser des stratégies éducatives favorables au développement de saines habitudes alimentaires, d’une image corporelle positive et d’une relation saine avec la nourriture ». Cet aspect est primordial lors des dégustations. La formation des animateur·rices est orientée vers l’adoption d’un style d’intervention démocratique, incluant le respect des signaux corporels de faim et de rassasiement, l’absence de pression (positive ou négative) pour inciter les enfants à goûter, et plusieurs autres stratégies qui contribuent à forger un lien positif avec les aliments.

Les parents sont intimement liés à tout ce qui concerne les tout-petits, y compris l’acquisition de saines habitudes de vie. Un extrait de Gazelle et Potiron l’exprime bien : « Les parents sont des modèles pour leur enfant, d’où l’importance de les sensibiliser aux bienfaits liés à l’adoption de comportements sains. » La transmission des recettes cuisinées lors des ateliers est incontournable, notamment pour que les enfants les réalisent de nouveau en famille. C’est encore mieux si c’est le petit cuistot qui montre à toute la maisonnée la marche à suivre ! Une fiche recette complètement illustrée, avec laquelle l’enfant est autonome, facilite grandement les choses.

Et pourquoi ne pas inviter les parents qui sont disponibles à se joindre au groupe ? Depuis toujours, la participation familiale fait partie intégrante des activités conçues par les Ateliers cinq épices. D’ailleurs, l’implication parentale est encouragée dans Gazelle et Potiron : « Une bonne façon de les sensibiliser est d’organiser des activités parents-enfants où les saines habitudes de vie sont à l’honneur. » La présence des parents lors des ateliers augmente les chances de transfert des bonnes habitudes à la maison, en plus d’offrir à ceux-ci un moment de qualité avec leur enfant. Ainsi, un parent sera davantage porté à acheter l’ingrédient moins connu qu’il a dégusté au CPE, ou encore à percevoir son enfant comme un jeune goûteur plus explorateur qu’il n’en avait l’impression, surtout lorsque ce dernier met la main à la pâte.

En somme, ces quelques mots provenant du cadre de référence résument à merveille l’essentiel de l’approche, et plus largement, le message principal à retenir en éducation alimentaire auprès des enfants : « [...] miser sur le plaisir associé à la découverte de nouveaux aliments, sur la perception par les sens et sur la provenance des aliments plutôt que sur leur valeur nutritive et leurs effets sur la santé. » Voilà une belle inspiration pour guider tous les adultes qui contribuent, de près ou de loin, à développer la littératie alimentaire des tout-petits.