Les influenceurs (vloggers) qui font la promotion de malbouffe dans les médias sociaux risquent d’inciter fortement les jeunes qui les suivent à consommer des aliments malsains.
Dans le cadre d’une étude expérimentale, des chercheurs britanniques ont étudié le comportement de 176 jeunes, âgés de 9 à 11 ans, séparés en trois groupes distincts, et auxquels on a présenté de fausses pages Instagram de vloggers réels et très populaires sur YouTube. Dans le premier groupe, ces pages faisaient la promotion de malbouffe. Dans le second, on vantait, en vertu des mêmes codes, des fruits et des légumes. Alors que le troisième groupe n’était exposé à aucun message véhiculant des suggestions alimentaires.
Les chercheurs ont constaté que les jeunes du premier groupe étaient influencés par les incitations à consommer de la malbouffe. Ces derniers absorbaient 26 % plus de calories que les jeunes du troisième groupe. Des résultats qui sont conformes à ceux de nombreuses autres études ayant démontré l’efficacité du marketing alimentaire ciblant les enfants. D’ailleurs, l’industrie, désormais consciente que les jeunes utilisent massivement les plateformes numériques, fait désormais migrer ses stratégies promotionnelles du petit écran vers les médias sociaux.
Lutte inégale
Cette expérience a aussi permis de montrer que, même suggérés par des vloggers très populaires, les fruits et légumes n’ont pas vraiment la cote auprès des enfants. En fait, ils n’étaient pas plus tentés d’en consommer que les jeunes du troisième groupe auxquels aucune suggestion n’avait été faite. Autrement dit, l’utilisation de stratégies promotionnelles, analogues à celles de la malbouffe, n’incite pas les jeunes à consommer plus de fruits et de légumes.
Pour les auteurs de l’étude, on doit conclure que les promoteurs d’une saine alimentation ne peuvent pas lutter à armes égales contre les tentations que propose l’industrie de la malbouffe. C’est pourquoi les chercheurs préconisent un encadrement du marketing alimentaire ciblant les enfants. Ils rappellent, à juste titre, que les enfants ont le droit de participer à la vie numérique, mais que, en raison de leur vulnérabilité, il est aussi de notre devoir d’assurer leur protection.
L’exception québécoise
Depuis 1980, le Québec fait figure de pionnier en matière de protection des enfants, avec sa Loi sur la protection du consommateur. En vertu des articles 248 et 249, la publicité à des fins commerciales destinée aux enfants est interdite. Et puisque l’interprétation de la loi est évolutive, les nouveaux supports et médias qui voient le jour, selon les changements apportés aux pratiques publicitaires et aux supports technologiques, sont aussi touchés.
Encore aujourd’hui, le Québec fait figure d’exception en Amérique du Nord. Son exemple a d’ailleurs inspiré l’ex-sénatrice Nancy Greene Raine, à l’origine du projet de loi S-228, qui vise l’« interdiction de faire de la publicité d’aliments et de boissons s’adressant aux enfants ». Présenté en première lecture le 27 septembre 2016, ce projet de Loi, qui était approuvé en troisième lecture par la Chambre des communes le 28 septembre 2017, n’attend plus que la sanction royale de la Chambre haute.
Or, le lobby de l’industrie n’a cessé d’exercer des pressions depuis le dépôt de S-228. Si bien que son vote au Sénat est sans cesse repoussé. En novembre 2018, Cœur+AVC, craignant de le voir mourir au feuilleton, sonnait l’alerte et révélait que, selon le registre des lobbyistes, pas moins de 79 représentants de l’industrie ont obtenu 233 rencontres avec des représentants gouvernementaux. Et plus récemment, en janvier 2019, le Réseau pour une alimentation durable lançait un appel à l’action à tous les citoyens pour qu’ils pressent les Sénateurs de placer le projet de loi S-228 sur leur liste de priorité. Il en va de la santé de nos enfants !