Encore aujourd’hui, plusieurs espaces publics demeurent peu attrayants pour la vie de quartier et sont délaissés, parfois même carrément évités, par les citoyens. Comment pouvons-nous créer des quartiers actifs, garder nos rues sécuritaires et doter nos communautés d’un réseau d’espaces verts réellement convivial ? Les villes qui ont pris le virage de l’échelle humaine s’appuient sur une série de méthodes simples — alliant calepin et chronomètre — pour révéler les besoins qui ne sont pas comblés… Et tester des solutions !
Qu’ont en commun des métropoles comme Toronto et Moscou avec des villes de taille moyenne comme Ottawa et Christchurch en Nouvelle-Zélande ? Elles ont toutes recouru à des analyses fines in situ pour cerner les occasions et les problèmes auxquels fait face leur réseau de lieux collectifs. Toutefois, ces méthodes d’étude demeurent encore méconnues de plusieurs professionnels comme du grand public.
Pour encourager ces pratiques prometteuses, le Centre d’écologie urbaine de Montréal (CEUM) lance cet été un chantier sur l’étude de la vie dans l’espace public en partenariat avec le Gehl Institute. L’objectif ? Donner aux élus, aux aménagistes et aux citoyens les moyens de découvrir et documenter l’ensemble des usages qui tissent la vie sociale de leur ville. En bref, trois actions s’imposent pour révéler la vie dans les espaces publics : s’interroger, compter et raconter.
Nous observons certains aspects de la vie dans l’espace public pour avoir une meilleure idée de ce qui se passe déjà dans un endroit et définir les changements qui pourraient y être apportés dans l’intérêt public. Nous le faisons également dans le but de mieux comprendre l’effet de divers projets, comme des interventions (p. ex., construction d’un nouveau terrain de jeux) ou une programmation culturelle (p. ex., une série de concerts). - Guide d’observation de la vie dans l’espace public
1- S’interroger
Établir la bonne question de recherche demeure une étape clé pour orienter l’analyse, aussi bien que pour planifier l’ensemble d’une étude. Une démarche portant sur une initiative citoyenne peut appréhender un phénomène à l’échelle du quartier, mais aussi aborder des enjeux beaucoup plus larges, à savoir : les gens marchent dans d’autres quartiers de la ville, pourquoi pas dans celui-ci ? Qu’est-ce que cela nous dit sur le Plan de transport actif de la ville ? L’étude d’un boulevard ou d’un parc peut donner des réponses à des préoccupations sur les enjeux de partage équitable de l’espace public.
À New York, par exemple, le Gehl Institute s’est demandé s’il était possible de créer des quartiers plus justes, qui faciliteraient l’accès à des espaces de détente et de socialisation de qualité pour tous les citoyens. Après une étude à grande échelle, le Département de transport a finalement créé 63 places publiques et a permis aux quartiers les plus pauvres de se doter de nouveaux espaces extérieurs conviviaux. Quand une telle initiative au Canada ?
2- Compter
L’architecte et urbaniste danois Jan Gehl affirme que nous documentons des réalités qui sont importantes pour nous : « We measure what we care about. » La rareté des études chiffrées sur la vie dans l’espace public illustre bien le peu d’importance que nous accordons aux êtres humains dans leurs propres villes.
Le dénombrement des personnes — selon l’âge, le genre et leur mode de déplacement — offre des statistiques cruciales pour démontrer l’impact d’un projet. Mais attention, la combinaison de différents outils est nécessaire pour comprendre non seulement qui passe par un lieu X, mais aussi qui s’y arrête. La cartographie des activités stationnaires, par exemple, permet de cibler les installations qui donnent aux gens le goût de rester sur place. Il s’agit d’une information indispensable pour reconnaître les installations qui fonctionnent et intégrer ces aménagements aux outils de planification urbaine !
3- Raconter
L’étude de la vie dans l’espace public ne s’arrête pas au travail d’analyse par tableaux et graphiques. Il faut aussi savoir les raconter et faire parler les données. En effet, un bon récit saura mettre en lumière les grands enjeux derrière les petits aménagements de quartier. Il permettra aussi de rallier des élus et des professionnels issus d’horizons politiques et disciplinaires variés.
Le Gehl Institute prévient toutefois les analystes de certains dangers, comme créer des portraits trop complexes ou déformer les données, par exemple. Présenter une variable à la fois permet de créer un récit simple et honnête. Il faut toutefois garder en tête la multiplicité des facteurs qui influencent la vie collective : la météo, le système de transport, etc.
À vous de jouer !
Les espaces publics ont besoin aujourd’hui de leaders outillés pour les défendre. Le CEUM s’attèle présentement à la diffusion de connaissances et compte sur les citoyens et professionnels de partout au Canada pour mener des études dans différents lieux publics et pour différents usages, que ce soit pour aménager une placette de quartier pour les citoyens que pour établir un Plan directeur des parcs et espaces verts pour la municipalité. Comment joindre le mouvement ? Visitez www.lesespacespublics.ca et sortez sur la rue faire votre propre étude !
* Ce texte a été réalisé en collaboration avec Julien Voyer, agent de projets et de participation citoyenne au Centre d’écologie urbaine de Montréal.