Entre le trottoir exigu, coincé entre les bâtiments et la circulation automobile et le trottoir large, séparé de la rue par des bosquets de verdure, lequel sera le plus sécuritaire pour envoyer les enfants à pieds à l’école ? Entre l’enfant qui ira à l’école à pieds et celui qui ira en voiture, lequel sera le plus à risque d’obésité ? Une étude montréalaise vient de confirmer que la présence d’aménagements pour piétons est associée à une réduction du risque d’obésité.
Le risque d’obésité ne se résume certainement pas à la simple présence d’un trottoir, mais la sédentarité en est un déterminant majeur et la sédentarité, elle-même, est influencée par les caractéristiques d’un quartier. Un autre déterminant notoire du risque d’obésité est la mauvaise alimentation, elle aussi, susceptible d’être influencée par la présence de restauration rapide et de dépanneurs dans un quartier. C’est ce qui a incité une équipe de recherche interuniversitaire de Montréal à vérifier s’il existe des corrélations entre les caractéristiques d’un quartier et le risque d’obésité.
Les chercheurs ont ausculté les enfants et leur quartier
L’étude se déroule à Montréal auprès de 391 enfants âgés de 8 à 10 ans. Les chercheurs ont analysé les quartiers dans un rayon de 400 m autour du lieu de résidence des enfants pour y répertorier la présence d’aménagements :
- qui ralentissent la circulation automobile, comme des dos-d’âne et des panneaux de limitation de vitesse ;
- qui facilitent le déplacement des piétons, comme des passages piétons, des trottoirs larges et des panneaux de signalisation de passages piétons ;
- qui génèrent un sentiment d’insécurité, comme de bâtiments abandonnés, des marques vandalisme et des amoncellements d’ordures ;
- qui encouragent l’activité physique, comme des parcs de jeux ou des terrains de sport ;
- qui favorisent des choix alimentaires malsains, comme des commerces de restauration rapide et des dépanneurs.
Le risque d’obésité des enfants était quant à lui évalué selon deux mesures :
- l’indice de masse corporelle (IMC) ;
- le rapport tour de taille/grandeur.
Pour s’assurer d’une corrélation entre les caractéristiques du quartier et les mesures d’obésité, les enfants devaient avoir vécu deux ans dans leur quartier pour participer à l’étude.
Les aménagements pour piétons réduisent le risque d’obésité
Les chercheurs ont observé que les enfants ont un IMC et un rapport taille/grandeur plus faibles quand ils vivent dans un quartier pourvu d’aménagements pour piétons. « La présence d’aide aux piétons facilite les déplacements pour aller à l’école ou au terrain de sport en transport actif et contribue à contrer l’obésité chez les enfants », commente Adrian Ghenadenik, candidat au doctorat en santé publique à l’Université de Montréal et premier auteur de l’étude.
Cette corrélation était attendue car les aménagements pour piétons facilitent le déplacement à pieds mais les rendent aussi plus sécuritaires, de sorte que les parents sont plus enclins à laisser leurs enfants marcher seuls sur la rue.
Et les dépanneurs ?
La surprise est venue des dépanneurs dont la présence est aussi corrélée à un moindre risque d’obésité. « On s’attendait au contraire à ce que les enfants [habitant près des dépanneurs] soient plus à risque », reconnait Adrian Ghenadenik. Cette surprenante corrélation a toutefois déjà été observée dans une étude de l’Université de la Saskatchewan et l’hypothèse pour en rendre compte est que le terme dépanneur est utilisé de façon générique pour nommer les petits commerces de quartiers, indépendamment de la qualité de la nourriture qu’ils vendent.
En outre, comme le fait remarquer Adrian Ghenadenik, certains de ces petits commerces d’alimentation vendent des fruits et des légumes. Pour mieux saisir si l’accès à une alimentation de mauvaise qualité contribue à l’obésité, il faudrait toutefois reprendre l’étude en distinguant les différents types de dépanneurs.
Effet des parcs et des limitations de vitesse : étude à poursuivre
Cette étude n’a toutefois montré aucune corrélation entre le risque d’obésité et les autres caractéristiques des quartiers. Curieusement, les mesures d’apaisement de la circulation et la présence de parcs n’ont démontré aucun effet. « On note la présence d’un parc mais on ne mesure pas son attrait pour les enfants, ni s’il est bien entretenu, nuance Adrian Ghenadenik. Un terrain de tennis n’aura pas le même attrait pour des enfants de 10 ans que des modules de jeux. »
Quant aux mesures d’apaisement de la circulation, elles sont souvent implantées dans des zones à forte circulation et ne réduiraient peut-être pas suffisamment l’insécurité pour y envoyer les enfants. Ces indicateurs mériteraient d’être approfondis pour mieux cerner leur effet éventuel sur l’obésité. Car comme le dit Adrian Ghenadenik, « le fait que cette étude n’ait pas révélé de corrélations ne signifie pas qu’il n’y en ait pas. »