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Les véhicules utilitaires sport (VUS) et les camionnettes (pick-up), dont les ventes sont en plein essor, représentent environ la moitié du parc automobile québécois. Or, ils sont deux à trois fois plus mortels pour les personnes qui circulent à pied que le sont les berlines. Selon l’organisme Piétons Québec, qui vient de publier une synthèse illustrée des études sur l’impact des camions légers, il est temps de corriger la situation afin d’éviter que notre bilan routier ne continue de s’alourdir.
Classés dans la catégorie des camions légers, les véhicules utilitaires sport et les camionnettes sont toujours plus hauts, toujours plus gros, toujours plus lourds. C’est comme si l’industrie automobile s’était lancée dans une course effrénée à l’armement. Si bien que, en vingt ans, le poids moyen des véhicules québécois est passé de 1 300 à plus de 1 600 kg. Ce qui n’est pas surprenant si on considère que 85 % des véhicules vendus au Québec sont désormais des camions légers.
Les personnes au volant de ces véhicules ont de bonnes raisons de se sentir en sécurité. En cas de collision avec une voiture ordinaire, elles courent beaucoup plus de chance de s’en sortir indemnes. Mais c’est au détriment des autres automobilistes, et surtout des personnes à pied et à vélo. Cela dit, si la tendance se maintient, les propriétaires de VUS n’auront d’autre choix que de faire l’acquisition d’un véhicule encore plus imposant pour maintenir leur sentiment de sécurité. À terme, c’est une situation intenable.
Camions légers : menace pour les autres usagers
En raison de leur masse, les poutres qui soutiennent le toit de ces véhicules sont surdimensionnées. Le pilier A, celui à la gauche du pare-brise, obstrue le champ de vision des conducteurs, particulièrement lors d’un virage à gauche. Le récent rapport d’une coroner fait le constat que ce pilier A serait en cause dans le tiers des décès de piétons à Montréal. Alors que dans une voiture ordinaire, les angles morts se trouvent à droite et à gauche du conducteur, ainsi que derrière lui, les VUS, eux, en comptent d’autres qui se trouvent devant le conducteur.
Et il n’y a pas que le pilier A qui limite le champ de vision, mais aussi le capot surélevé. Un capot qui s’interrompt brusquement, à angle droit, par une calandre massive à l’imitation de celle des camions. Or, en cas de collision avec un piéton, c’est le haut du corps, notamment la tête, qui encaisse le choc. Ce qui généralement ne pardonne pas.
Les recommandations de Piétons Québec
Il existe des outils, qui sont d’ailleurs à la portée du gouvernement fédéral, pour faire en sorte que la sécurité des occupants de camions légers ne se fasse pas au détriment des autres usagers. Par exemple, il serait possible d’élaborer des tests de collision qui incluent les personnes hors du véhicule, comme cela se fait en Europe, afin d’établir des indices de sécurité permettant de comparer entre eux les différents modèles. Une autre avenue serait de modifier les normes de sécurité qui s’appliquent aux manufacturiers automobiles, en conformité avec la Vision Zéro, de manière à imposer de l’assistance technologique à la conduite en cas de lacunes.
Enfin, de manière à infléchir la norme sociale, Piétons Québec suggère aussi d’imposer des frais supplémentaires s’appliquant à l’utilisation des gros véhicules sur le principe du bonus-malus. Puisque les camions légers polluent davantage et occupent plus d’espace, il serait envisageable, comme ça se fait ailleurs dans le monde, de moduler le tarif des vignettes de stationnement en fonction du poids du véhicule. Même principe pour les frais d’immatriculation ou pour la taxe à l’achat du véhicule.
À ce propos, des chercheurs de Polytechnique et HEC Montréal ont calculé que si, d’un coup de baguette magique, on remplaçait tous les VUS par des berlines, cela réduirait de 40 % les émissions de CO2 générées par le parc automobile montréalais. De plus, ils estiment que ces véhicules, en raison de leur taille, occupent l’équivalent de 16 parcs La Fontaine de plus qu’il y a dix ans. D’où, bien sûr, une augmentation de la congestion routière, et une expérience de conduite bien moins agréable…
Pour éviter de faire fausse route
Parmi ses autres recommandations, Piétons Québec presse les organisations et les entreprises de favoriser l’achat institutionnel et corporatif de véhicules sécuritaires de manière à prêcher par l’exemple. L’organisme plaide en outre pour un meilleur encadrement de la publicité, comme on le fait en France, quitte à l’interdire dans le cas des véhicules polluants. Enfin il serait opportun que les données de collision de la SAAQ distinguent les camions légers des voitures afin de mieux comprendre l’évolution du parc automobile québécois et de ses impacts sur la sécurité routière.
Des recommandations dont tous les usagers de la route pourraient bénéficier, car, ne l’oublions pas, à un moment ou à un autre, en particulier lorsque notre véhicule est garé, nous sommes tous piétons !
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