Ressource
La ville d’Oklahoma a perdu, collectivement, 1 million de livres, entre 2007 et 2012. Comment? Grâce à un maire visionnaire qui a compris que la promotion des saines habitudes de vie passe par un changement de culture et la mise en place d’environnements favorables.
Mick Cornett a été élu maire d’Oklahoma en 2004. Trois ans plus tard, cet ancien commentateur sportif a réalisé que non seulement il était devenu obèse, mais qu’Oklahoma faisait partie des villes américaines où le taux d’obésité était le plus élevé. Après avoir commencé une démarche pour perdre du poids, il a lancé un défi aux citoyens : perdre collectivement 1 million de livres.
Un appel à tous
La vision de Mick Cornett allait cependant beaucoup plus loin que l’appel à une série d’efforts individuels pour perdre du poids. Le maire a proposé d’instaurer une taxe de vente temporaire de 1 ¢ afin de financer un changement radical : repenser Oklahoma en fonction des citoyens plutôt que de poursuivre la culture du « tout-à-l’auto », typique de cette ville où l’étalement urbain est roi.
Les citoyens ont relevé le défi du maire et accepté la taxe. Résultat : des dizaines d’initiatives citoyennes ont vu le jour et de nouveaux projets d’infrastructures favorables aux saines habitudes de vie ont été réalisés, sans que la ville s’endette pour autant.
Des environnements obésogènes
Les statistiques concernant Oklahoma ne laissaient aucun doute concernant l’ampleur du problème :
- la consommation de fruits et de légumes y était parmi les plus faibles aux États-Unis;
- la prévalence du diabète avait doublé en 10 ans;
- l’espérance de vie était parmi les plus faibles du pays;
- un tiers des enfants de moins de 5 ans était en surpoids;
- la ville figurait au palmarès de la plus forte densité de restaurants minute.
Oklahoma portait également l’étiquette peu enviable d’être la pire ville pour les piétons aux États-Unis en raison de l’étalement urbain qui avait bien sûr favorisé la construction de multiples voies rapides, mais aussi la rareté de trottoirs et l’absence totale de pistes cyclables.
Initiatives communautaires, citoyennes et corporatives
Le défi du maire a eu un écho remarquable auprès de la population et de multiples organisations : les églises ont créé des clubs de course, les écoles ont lancé des discussions sur l’alimentation, des entreprises ont tenu des concours de perte de poids collective, des chefs se sont lancé des défis pour offrir des repas sains, etc.
En janvier 2012, l’objectif de 1 million de livres perdues a été atteint : 47 000 personnes s’étaient inscrites dans le site This city is going on a diet.
En outre, malgré les mises en garde de la santé publique, Mick Cornett a choisi de faire alliance avec l’industrie, plutôt que d’imposer une taxe sur les boissons gazeuses ou d’avoir recours à des règlements coercitifs. Par exemple, le secteur des boissons sucrées commandite des programmes visant à lutter contre l’obésité. Le maire s’est notamment fait photographier devant le restaurant Taco Bell lorsque celui-ci a lancé un menu faible en gras. « Je ne pouvais pas empêcher les citoyens d’aller manger dans les restaurants minute, mais je pouvais inciter certaines de ces chaînes à offrir au moins un choix sain », a-t-il expliqué au journaliste du magazine web Mosaic.
Des infrastructures majeures
La taxe de vente de 1 ¢, qui rapporte environ 1 million $ US par année, a permis de construire des parcs, des centaines de kilomètres de trottoirs, des pistes cyclables et des sentiers. Chaque école a ou aura un gymnase. Un centre d’aviron et de kayak de classe mondiale sera complété en 2016 : les écoliers et les citoyens y côtoient les athlètes olympiques et paralympiques.
Des centres sportifs et récréatifs conçus pour les aînés sont en cours de réalisation : le premier a été inauguré en 2015 et 3 autres suivront.
Réduire les inégalités de santé
Consciente que l’obésité, les maladies cardiovasculaires et le diabète touchent particulièrement les citoyens plus défavorisés, la Ville a réalisé, en collaboration avec la santé publique, une collecte de données approfondie pour repérer très précisément les quartiers où les investissements devaient être prioritaires.
De plus, ce soutien est offert même aux personnes sans papiers en règle. « Quand nous les rencontrons dans les marchés ou les événements sportifs ou même chez eux, nous leur signifions clairement que nous ne voulons pas voir leurs papiers. Ce qui nous intéresse, c’est qu’ils soient en meilleure santé », a déclaré la directrice de la Santé publique d’Oklahoma au journaliste du magazine web Mosaic.
La Ville a également construit des « campus santé » (Wellness Campus) dans les quartiers les plus défavorisés. Ces centres hébergent des cliniques, des salles de rencontres communautaires, des cuisines conçues pour y donner des cours et des points de chute pour les banques alimentaires. De plus, ces campus sont situés dans des espaces verts comprenant des sentiers de marche et des pistes cyclables.
Des statistiques encourageantes
Cette vaste démarche semble commencer à porter ses fruits. Dans les quartiers les plus défavorisés, certains marqueurs de maladies chroniques (diabète, hypertension) ont diminué de 2 à 10 %. Bien que l’espérance de vie des hommes soit moins longue de 6 ans par rapport à la moyenne nationale, le taux de mortalité a baissé de 3 %.
L’augmentation annuelle du taux d’obésité a quand a elle chuté de 6 % à 1 %. La bataille est donc loin d’être gagnée, mais, comme le souligne l’article du Mosaic, « plusieurs experts comparent ce combat à celui qui a été mené contre le tabac. Il a fallu des dizaines d’années pour que les campagnes de sensibilisation, les programmes d’éducation et les règlements transforment la norme sociale ».
Des retombées économiques considérables
Le maire Cornett estime que les 3 milliards $ US de fonds publics investis ont généré des investissements de 15 milliards $ US de la part du secteur privé. La Ville a notamment utilisé les compensations obtenues des compagnies de tabac pour financer ces projets, ainsi que les montants supplémentaires de taxes municipales générés par le retour de résidents et d’entreprises attirés par la renaissance d’Oklahoma : le taux de chômage y est actuellement parmi les plus bas du pays.
Source : Mosaic Science