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Que ce soit par l’organisation d’activités de camping familiales, de sorties en canot ou de randonnées pédestres, le plein air offre de riches et précieuses occasions de favoriser l’intégration des Québécois issus de l’immigration.
Août 2021, RécréoParc de Sainte-Catherine, Montérégie. Des tentes de camping se dressent sur les emplacements dédiés, après une escapade à vélo en groupe. Pour certains des participants, dormir sous la toile est une première. Pour d’autres, c’est le plongeon dans un cours d’eau naturel qui est inédit. Une équipe de Parcs Canada est venue un peu plus tôt prêter des tentes et animer des ateliers pour expliquer comment démarrer un feu ou cuisiner en camping. Certains de ces 15 « néo-campeurs » sont venus en couple ou en famille, d’autres en solo. Mais, entre tous, la magie opère : rapidement, les langues se délient et le contact s’établit.
La nature comme terre d’accueil
Qu’ils soient demandeurs d’asile ou immigrants reçus, arrivés récemment ou au Québec depuis quelques années, ces campeurs ont tous un point commun qui les rassemble, les soude presque : ils viennent d’ailleurs. De Chine, de Guinée, du Japon, du Maroc, du Venezuela, du Chili, des Philippines, d’Albanie, etc. Ils se sont inscrits à cette journée de plein air annoncée sur la plateforme d’un organisme d’accueil ou d’un portail sur l’immigration. L’objectif : passer quelques heures dans la nature du Québec à très peu de frais et rencontrer d’autres personnes qui partagent la même trajectoire de vie.
« Marcher ou pagayer ensemble, ça crée un rapprochement interculturel et des ponts avec la société d’accueil, dit Adrienne Blattel, maître d’œuvre de l’évènement organisé dans le cadre du programme Interculturel, et mis en place par l’Association récréative Milton-Parc et la Maison de l’amitié. Ça permet aussi de se faire des amis, avec des gens qu’on n’aurait jamais rencontrés autrement. » Tout cela, dans un contexte ludique, une bulle d’air joyeuse dans une période de vie – l’immigration – dont le stress jalonne souvent la route. Certes, ces actions du programme Interculturel restent peu nombreuses : environ 700 personnes par année sur plusieurs dizaines de milliers de nouveaux arrivants. Mais le succès de cette initiative, unique à Montréal, commence à inspirer d’autres organismes du genre en région.
Apprendre à aimer son Québec
Le plein air comme ciment d’intégration pour les nouveaux arrivants : ce phénomène émergent au Québec semble s’installer progressivement, notamment à Montréal où atterrissent la plupart d’entre eux. Depuis quelques années, Parcs Canada organise des escapades en camping, notamment dans le parc national de la Mauricie, pour amener des immigrants syriens, notamment, à tisser un lien d’appartenance vis-à-vis de leur pays d’adoption. Manière de les aider à voir de plus près ce qui fait la réputation du Québec dans l’imaginaire collectif : un vaste territoire de pleine nature. « Ça permet aussi aux participants de se familiariser avec l’hiver durant des sorties plus courtes, sur le mont Royal, par exemple, explique Adrienne Blattel, et d’apprendre à s’habiller dans un contexte climatique nouveau dans la plupart des cas. »
Car l’apprentissage fait bel et bien partie de l’expérience immersive. Comme durant ces randonnées entre nouveaux arrivants et Québécois de souche organisées dans les deux langues officielles. « La première partie de la sortie se fait en français, puis on passe à l’anglais, dit Adrienne Blattel, ce qui permet à tous, Québécois et nouveaux-arrivants, de s’aider les uns les autres, car, parfois, les participants issus de l’immigration parlent mieux l’anglais que les Québécois. »
L’expérience des jeunes
Cet apprentissage s’amorce d’autant mieux dans l’enfance chez des jeunes pour qui le jeu en plein air exerce un fort pouvoir attractif. Amener des enfants scolarisés en classe d’immersion en français : c’est l’objectif de Connexion N, mis en place en 2017 par la Société pour Nature et les Parcs du Canada (SNAP) dans les parcs nationaux du Québec, en collaboration avec la Fondation Monique-Fitz-Back. Comme ces séjours au parc national du Mont-Tremblant, par exemple, où les jeunes expérimentent le canot-camping, la randonnée ou la via ferrata. « Durant les post-mortem que nous faisons avec les jeunes et les enseignants, les réactions sont vraiment enthousiastes, dit Alice de Swarte, de la SNAP. Ça permet aux jeunes participants de jouer les courroies de transmission auprès de leur propre famille. »
« Le plus beau jour de ma vie » ; « j’ai appris beaucoup de choses sur les loups » ; « ça me manque de dormir sous la tente ! » ne sont que quelques-uns des commentaires recueillis à la suite de ces séjours marquants.