Près de la moitié des calories consommées par les Canadiens proviennent d’aliments ultra-transformés, révèle une nouvelle étude de Jean-Claude Moubarac, professeur-chercheur à l'Université de Montréal.
Commandée par Cœur + AVC, l’étude Ultra-processed food in Canada : consumption, impact on diet quality and policy implications se base sur l’analyse1 de données compilées par Statistique Canada (2015). Elle montre que l’apport calorique quotidien des Canadiens provient à 48,3 % des aliments ultra-transformés contre 39,2 % pour les aliments non transformés ou minimalement transformés. Ce portrait demeure à peu de choses près le même qu’en 2004. Parmi les différences notables de consommation durant cette décennie, on remarque une diminution substantielle des boissons sucrées traditionnelles. On constate toutefois une plus forte consommation de céréales sucrées pour déjeuner, de boissons sucrées à base de produits laitiers, de charcuteries et de plats prêts-à-manger.
Portrait démographique
Globalement, la consommation d’aliments ultra-transformés varie peu en fonction du statut socio-économique. Par contre, selon les tranches d’âge, on observe que les champions de la consommation d’aliments ultra-transformés sont, à 57,2 %, les jeunes (9 à 13 ans), suivis, à 54,7 % des adolescents (14 à 18 ans). Des données dont s’inquiète vivement Cœur + AVC.
On note en outre que, à 51,6 %, les Canadiens de naissance affichent une nette préférence pour les aliments ultra-transformés contre 37,8% pour les nouveaux arrivants.
Les aliments ultra-transformés
Résultats de formulations industrielles, les aliments ultra-transformés contiennent très peu ou pas d’aliments en tant que tels. Ils se composent essentiellement d’ingrédients et d’autres substances qui sont extraits d’aliments (gras, huile, amidon, sucre, caséine, lactose, gluten, etc.), et auxquels on ajoute des additifs. Les ultra-transformés sont des produits qui présentent les caractéristiques suivantes :
- longue conservation et prêts à manger ou à boire
- très agréables au goût
- économiques, car faits d’ingrédients peu coûteux
- conçus pour être omniprésents et définis par une marque, un emballage et de la publicité
Les ultra-transformés sont obtenus à la suite de plusieurs procédés industriels qui n’ont aucun équivalent dans une cuisine domestique. Ils contiennent en outre de nombreux additifs qui servent à imiter ou accroître certaines saveurs et à leur conférer une texture, une consistance et une couleur souhaitées. Au total, les ultra-transformés sont riches en sel, en sucres et en gras, mais pauvres en protéines, en fibres, en minéraux et en vitamines.
Une différence de taille
La consommation d’aliments ultra-transformés varie bien sûr d’un individu à l’autre. Certains en consomment peu, alors que d’autres beaucoup. L’étude permet de comparer des profils de consommation par quintiles. Pour le Q1, la proportion d’aliments ultra-transformés est de 17,1 %. Pour Q2, c’est 33,9 %. Q3, 47,0 %. Q4, 59,6 % et Q5, 78,9 %.
Lorsque l’on compare les extrêmes, on constate que l’apport calorique du Q5 (2,9 kcal/g) représente le double du Q1 (1,5 kcal/g). De plus, les sucres libres fournissent 18,2 % de l’énergie totale pour le Q5, alors que pour le Q1 c’est 5,7 %.
Trop de sucre et de sel
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a émis des recommandations en matière de consommation de sucres libres et de sel. À cet égard, seul Q1 affiche une consommation quotidienne de sucres libres inférieure au seuil défini par l’OMS. Par contre, en ce qui concerne les apports en sel, tous les quintiles dépassent la limite de 2 300 mg/2 000 kcal.
Malbouffe et mauvaise santé
De nombreuses maladies chroniques sont associées aux mauvaises habitudes alimentaires. Ainsi, au Canada, le quart des 20 ans et plus souffrent d’hypertension tandis que 8,5 % de cette tranche d’âge a reçu un diagnostic de maladie cardiaque ischémique. Par ailleurs, 8,1 % des Canadiens de plus d’un an sont diabétiques. Or, souligne l’auteur de l’étude, les maladies cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux représentent la principale cause de décès au Canada.
10 recommandations pour mieux manger
- Privilégier les aliments les moins transformés, en particulier les fruits et légumes
- Utiliser les ingrédients culinaires (sucres, huile, beurre et sel) avec parcimonie
- Consommer les aliments transformés avec modération
- Éviter les aliments ultra-transformés
- Manger régulièrement et modérément dans des environnements plaisants et en bonne compagnie
- Développer ses compétences nutritionnelles et culinaires
- Réserver du temps pour la planification et la préparation des repas
- S’approvisionner dans des épiceries offrant un large éventail de produits frais, mais peu d’aliments transformés
- Privilégier les restaurants qui apprêtent des aliments frais
- Se méfier du marketing alimentaire et ne pas exposer les enfants aux publicités de malbouffe
1 L’analyse des données a été réalisée à l’aide de la classification NOVA. Reconnue par la FAO et la Pan American Health Organization, cette classification est à la base des principales recommandations du guide national brésilien pour l’alimentation et la nutrition. Elle est utilisée dans de nombreux pays, comme le Canada, les États-Unis, l’Australie, la France, le Royaume-Uni, ainsi qu’en Amérique du Sud et en Europe. En vertu de ce système, les aliments sont classés selon 4 groupes : les aliments bruts ou peu transformés; les ingrédients culinaires; les aliments transformés; les aliments ultra-transformés.