Selon Salvador Rueda, directeur de l’Agence d’écologie urbaine de Barcelone, les super-îlots sont essentiels à l’avenir de cette ville, et même de toutes les villes. Survol de la conférence d’un « révolutionnaire tranquille » de l’aménagement urbain.
C’est à l’occasion d’un colloque organisé par le Conseil du bâtiment durable du Canada – Québec que Salvador Rueda a présenté le concept du superrilles.
Cette approche écosystémique est la pierre angulaire de la nouvelle phase de développement urbain de Barcelone, qui vise à réduire le bruit et la pollution de l’air, deux points critiques dans la capitale de la Catalogne, qui compte 1,6 million d’habitants. Actuellement, 4 super-ilots sont aménagés et 4 autres le seront d’ici 2019.
Superilles, super-îlot ou superbloc : présentation sommaire
À Barcelone, un super-îlot est constitué de 9 blocs bâtis dont les côtés font 400 m. Seuls les véhicules motorisés des résidents, des services municipaux et d’urgence peuvent y circuler. Les livraisons sont permises la nuit et en dehors des heures où les enfants vont à l’école ou en reviennent.
(Crédit : Ajuntament de Barcelona)
« Le niveau de bruit et de pollution diminue de façon importante, explique Salvador Rueda. Et il n’y a pas d’accidents dans ces super-îlots. » En effet, dans la première phase de mise en place, la vitesse y est limitée à 20 km/h (super-îlot fonctionnel), puis à 10 km/h dans la deuxième phase (super-ilot urbanistique). Non seulement les cyclistes doivent rouler lentement, mais à certains endroits, ils doivent descendre de leur monture.
« À 10 km/h, une auto peut s’arrêter en quelques centimètres. L’îlot est conçu pour que les piétons les plus vulnérables, comme les enfants et les personnes aveugles, soient en sécurité. »
Il est impossible de traverser horizontalement ou verticalement un super-îlot en raison de la configuration du sens de la circulation dans les rues intérieures : les stations de taxi, d’autobus et de vélopartage sont situées en périphérie. « En utilisant cet aménagement, on passe d’un espace public majoritairement consacré à la mobilité motorisée à un espace public majoritairement conçu pour les citoyens piétons », indique Salvador Rueda.
« Nous voulons augmenter et multiplier les droits des citoyens, en leur donnant accès à l’alimentation, aux loisirs, aux sports, aux espaces verts, à la culture et aux événements festifs. Les superilles donnent accès à une véritable vie démocratique. »
Une transformation urbaine radicale
Selon le conférencier, si toute la ville était aménagée en super-îlots, le paysage changerait de façon radicale :
- La longueur des rues où la circulation automobile serait possible totaliserait 355 km, plutôt que les 900 km actuels. Cela représenterait un gain de 668 hectares pour des aménagements favorables à la qualité de vie des citoyens.
- Le nombre de lignes d’autobus serait de 29, plutôt que de 84, avec une fréquence de passage de 4 à 5 minutes.
- 94 % des habitants bénéficieront d’un air de qualité acceptable, plutôt que 56 % actuellement.
- 73 % des habitants vivront dans un endroit où le taux de décibels sera inférieur à 65, contre 57 % en ce moment.
- Réduction des décès prématurés attribuables à la pollution atmosphérique.
Parmi les autres avantages des super-îlots, on compte : des espaces verts et fertiles beaucoup plus nombreux, une plus grande diversité écologique (oiseaux, insectes), une amélioration de la cohésion sociale. Et le conférencier inclut aussi la vitalité économique. « Les rues réservées aux piétons et aux cyclistes sont favorables au commerce », souligne-t-il.
« Nous faisons le pari que les vélos électriques circuleront dans Barcelone à la même vitesse que les autos, soit 25 km/h. »
Des résistances
Lorsqu’on lui pose la question, Salvador Rueda reconnaît que les super-îlots ne font pas l’unanimité lorsqu’ils sont implantés. « Environ 30 % des gens sont réfractaires au début, précise-t-il. Mais après un certain temps, on constate que la majorité d’entre eux apprécient la transformation de leur qualité de vie. »
Interrogé au sujet de la transférabilité du modèle à Montréal, Salvatore Rueda répond qu’il peut être appliqué dans n’importe quelle ville. « L’inclusivité, la mobilité, la durabilité et la résilience sont des enjeux majeurs auxquels les politiciens doivent s’attaquer de façon radicale pour assurer l'avenir des villes, souligne-t-il. Le modèle du super-îlot permet d'atteindre tous ces objectifs à un coût beaucoup moins élevé que la construction de nouvelles infrastructures ».
Compte-rendu d'un panel sur les villes nourricières, tenu au cours de ce colloque : L’autosuffisance alimentaire des villes : une utopie?